Premièrement, il est difficile de répondre aujourd'hui à toutes les questions que vous posez à propos des incidences sur la pratique en club, pour la bonne et simple raison que nous avons lancé une vaste enquête auprès des clubs avec deux dates butoirs. Celle du 10 novembre est relative à des questions d'ordre statistique telles que la baisse du nombre d'inscrits, et l'impact économique de la crise sur les associations. Tout se trouve dans la même enquête, mais avec deux dates de réponse. L'autre enquête qui sera close le 23 novembre est relative à des aspects sociétaux, parmi lesquels le moral des troupes, le sujet de la professionnalisation – les clubs sont-ils en situation, aujourd'hui, de créer des emplois ? – ou encore les sujets des violences ou de la radicalisation. Ces thèmes sont autant de sujets de société qui nécessitent une expression plus libre de la part des clubs. Pour cette raison, nous avons rédigé des questions ouvertes sur ces aspects.
S'agissant de la première enquête qui s'achevait le 10 novembre, nous n'avons pas encore les résultats complets, mais certaines tendances. Nous avons reçu 44 000 réponses, ce qui constitue un échantillon assez représentatif. Cependant, toutes les réponses n'apportent pas d'éléments à toutes les questions. Le prestataire a sélectionné un échantillon de clubs et éliminé les réponses nous paraissant trop éloignées, afin qu'elles ne faussent pas l'appréciation moyenne.
Près de 15 000 clubs – et un nombre indéterminé de fédérations – sont concernés. Globalement, il ressort de ce premier bilan que la perte moyenne est de l'ordre de 20 %, sachant que ce sont les clubs les plus organisés qui ont répondu. Nous pouvons donc imaginer que, pour les autres, la tendance se révélera plus lourde. Nous constatons la perte d'activité, qui n'est pas surprenante, la perte de membres, qui s'avère plus compliquée parce qu'il faudra les retrouver, et la perte d'engagement, avec l'éventuel découragement des dirigeants dont la plupart sont bénévoles. En effet, 85 % des clubs sont encadrés par du bénévolat et ne sont pas des clubs employeurs.
Le sujet principal – qui est celui de « la génération sacrifiée » – est un véritable sujet d'interrogation. On ne remplace pas ce qu'on a perdu quand on a douze, treize ou quatorze ans et que l'on a des rêves de compétition et quelques amitiés qui se forment à travers le club sportif. Tous ceux qui ont fait du sport savent que c'est à cet âge que l'essentiel de la construction intervient. Si la reprise de l'école était un bienfait pour tous les enfants, on n'a néanmoins pas tenu compte des apports éducatifs du mouvement sportif fédéré, en ne lui permettant pas de poursuivre sa mission.
Selon moi, la véritable catastrophe sanitaire montrera ses effets dans quelques années et confirmera que nous n'avons probablement pas pris la bonne disposition. Je crois sincèrement que la possibilité pour les clubs d'accueillir les jeunes, qui avait été prévue avant le couvre-feu, aurait dû être maintenue. En effet, l'incidence sur la propagation du virus ne constitue pas un élément suffisamment important – même si je ne le nie pas – pour prendre le pas sur les inconvénients en termes de construction et d'épanouissement des jeunes, ceux-ci se retrouvant ainsi privés de ce qui représente probablement les années les plus importantes pour leur construction. Je parle de la tranche des dix-quinze ans. Je ne sais pas si l'analyse de toutes les conséquences possibles a été menée. On a supprimé leurs rêves à tous ces enfants. On a restreint leur univers à l'école, aux jeux vidéo et à leurs parents. Si l'on me dit que cela n'a pas d'incidence sur le développement psychologique d'un enfant, je ne le comprendrai pas. En pesant les avantages et inconvénients, on a privilégié le principe de précaution maximale par rapport à la santé, sans pour autant considérer l'impact sur la santé mentale de tous ces jeunes à qui on ne peut plus proposer d'activités sportives. Les récupérerons-nous un jour ou le temps perdu ne se rattrapera-t-il jamais ? Nous nous dirigeons vers une situation extrêmement délicate.
J'ose espérer – sans certitude puisque la tendance va davantage vers les préoccupations liées au nombre de lits occupés dans les hôpitaux – que l'on desserrera l'étau à partir du 1er décembre. Toutefois, il est certain que, s'agissant du sujet qui nous préoccupe aujourd'hui, la réponse est sans équivoque : oui, nous nous dirigeons vers une énorme difficulté pour la génération que nous pouvons qualifier de « génération sacrifiée du Covid. »
Est-ce que cela touche davantage les garçons que les filles, ou davantage tel ou tel sport ? S'agissant des sports, l'enquête nous permettra de répondre. 26 % des clubs indiquent ne pas avoir subi de pertes, ce qui est assez surprenant. Je ne peux pas affirmer que ce taux plutôt élevé concerne plus les jeunes que les adultes. Je suppose que la situation concerne également les adultes. Par exemple, le président de la Fédération française de tir m'a dit qu'il n'avait pas subi de pertes. Le tir est un peu particulier. Mme Buffet, du temps où elle était ministre, avait eu quelques difficultés relationnelles avec ladite fédération ou du moins avait-elle voulu réglementer, ce qui ne s'était pas déroulé comme elle l'avait souhaité.
S'il existe une certaine disparité, certaines fédérations subiront des pertes de membres, extrêmement élevées pour certaines, et d'autres non. Certains clubs et fédérations sont en péril en atteignant les 50 %. La ministre affirme que les clubs n'ont pas de charges, mais ce n'est pas tout à fait vrai. Ils n'ont pas de charges de compétitions puisque celles-ci sont annulées. Pour autant, certaines charges continuent à peser. Quant aux fédérations, elles subissent pratiquement l'intégralité de leurs charges. Nous avons donc un véritable enjeu de survie pour de nombreuses fédérations et un certain nombre de clubs. Nous pouvons dire que nous aurons un panorama plus exhaustif, réaliste et crédible dans une semaine en décortiquant les résultats de l'enquête. Cette dernière était éminemment nécessaire et elle nous permettra d'y voir un peu plus clair. Nous recommencerons cette quantification au 31 décembre en espérant pouvoir répondre ainsi à la demande formulée par le Premier ministre lors de la réunion de septembre, suite à l'annonce de deux milliards d'euros alloués à la Culture, et aucun moyen pour le Sport.
Le Premier ministre avait évoqué une éventuelle allocation sportive de reprise sous forme d'un passeport sport, qui avait déjà été évoquée par certains députés. Nous nous sommes donné rendez-vous fin décembre pour imaginer un Pass'sport de rentrée sportive en imaginant un système qui puisse associer les collectivités territoriales et le monde économique. Ce serait sans doute le meilleur moyen de provoquer un électrochoc pour les jeunes qui sont sevrés de sport ou qui n'ont pas pu effectuer leur inscription comme ils l'auraient souhaité.
Enfin, la crise est bien mal tombée parce que nous avions mené une campagne de communication aussi bien au niveau du ministère avec « EnVie de sport » qu'au niveau du CNOSF et du CPSF avec « J'ai l'Esprit Club. » Cette campagne avait permis, dans les quinze premiers jours de septembre, de provoquer un certain engouement pour l'inscription. En outre, nous avons mis en place un dispositif nommé « carte passerelle » permettant aux enfants qui souhaitaient essayer un sport d'être accueillis dans les clubs volontaires, sans payer, pour une période d'essai allant jusqu'aux vacances de la Toussaint. Le dispositif utilise une base de données de 155 000 clubs appelés « Mon Club près de chez moi. » Un enfant intéressé peut consulter cette base pour connaître les clubs à proximité de son domicile et en choisir un pour une période d'essai. Si le club s'est enregistré comme étant volontaire pour accorder cet essai, tout peut se faire de manière à satisfaire à la fois l'enfant et le club, celui-ci parce qu'il accueille et l'enfant parce qu'il peut essayer gratuitement. Il pourrait y avoir un Pass'sport de reprise. Si la vie devait reprendre normalement en janvier ou en février, nous ne devons pas attendre 2021 ou 2022. Nous devons reprendre immédiatement, sinon nous constaterons des dégâts importants.
Mon souhait est que, le jour où l'étau sera desserré et où l'activité sportive pourra reprendre – en particulier pour les jeunes – nous disposions d'une mesure incitative. Les clubs seront prêts à jouer le jeu, y compris en accueillant gratuitement pendant un mois et demi ou deux mois s'il le faut. Cette solution serait, selon moi, la seule permettant de réparer les dégâts que l'on provoque actuellement.