Intervention de Denis Masséglia

Réunion du jeudi 12 novembre 2020 à 10h15
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenis Masséglia, président du Comité national olympique et sportif français :

En ce qui concerne la préparation de Tokyo, nous avons la chance d'avoir une athlète de haut niveau, Marie-Amélie Le Fur, qui pourra nous en dire davantage. Je crois que les conditions de préparation correspondent à ce que nous pouvons faire de mieux dans le contexte actuel. Toutefois, l'absence de compétition constitue une difficulté supplémentaire, que rencontrent les athlètes du monde entier.

S'agissant des autres points et suite à des visioconférences avec les fédérations, nous avons écrit à la ministre – davantage pour acter les choses que pour obtenir une décision immédiate – en signalant qu'il existe actuellement trois besoins. Le premier concerne le fait que certains clubs se trouvent en réelle difficulté et qu'il faut les aider. Pour ce faire, une augmentation de la dotation aux projets sportifs fédéraux dans le cadre de l'Agence nationale du sport est nécessaire et elle doit passer par les fédérations. Nous avons constaté que quinze millions d'euros avaient été débloqués pour aider les clubs, mais ceux-ci, lorsque vous les interrogez, s'en étonnent. Cela passe par les directions régionales de la jeunesse et des sports et nous ne savons pas exactement comment est construit le réseau. Nous avons l'impression que les professionnels de la demande de subventions en profitent le plus, et pas nécessairement ceux qui sont dans le besoin. Par conséquent, la demande d'aide aux clubs les plus en difficulté doit passer par l'intermédiaire des fédérations et des projets sportifs fédéraux de l'Agence nationale du sport.

Certaines fédérations se trouvent en réelle difficulté. Pour certaines, la dépendance aux licences est importante. Avec des taux de renouvellement de licences qui, comparativement au 31 octobre, montrent des chutes de 30, 40 voire 50 %, il est évident que la situation va provoquer des manques à gagner considérables par rapport à une activité qui n'est pas tellement éloignée de la normale. Il semble donc nécessaire de réfléchir à la manière de prendre en compte cette difficulté dans les conventions d'objectifs des fédérations. Nous avons mené une enquête à laquelle 65 fédérations ont répondu. On pourrait s'étonner que toutes n'aient pas répondu, mais tel est le cas. Cette enquête est en cours de finalisation, mais je peux d'ores et déjà affirmer qu'elle confirme que certaines fédérations ne subissent pas de pertes, ce qui correspond aux 25 % de clubs qui indiquent ne pas rencontrer de difficultés particulières. Pour les 75 % restants, certaines fédérations subissent 40 à 50 % de pertes. Il est donc nécessaire de compenser cette situation.

Le troisième élément technique sur lequel nous avons voulu acter nos demandes est le Pass'sport de reprise. Si la crise doit avoir une utilité, c'est celle-ci. Le programme du candidat Emmanuel Macron comportait un passeport culture et sport. Je ne peux comprendre – de même que tous les acteurs du sport – que le sport ait disparu. On a considéré que la culture était plus essentielle pour les jeunes. Cependant, quand on constate ce qu'il inclut – comme des abonnements à Netflix ou autres – on peut s'interroger sur l'intérêt de ce passeport culture qui, de surcroît, n'a pas obtenu les résultats escomptés. Peut-on s'imaginer qu'un passeport sport, s'il existait, ne serait pas utilisé par les jeunes ou les parents ? J'affirme qu'un tel passeport donnerait un plein rendement. Il suffit que les élites prennent conscience que le sport peut être important. Il semble que le sport ne fait pas partie de leur vocabulaire, ce qui peut constituer un véritable problème. Je considère qu'il s'agit d'un problème essentiel au niveau national, en ce qui concerne le sport.

Quant au sport féminin, il était déjà en souffrance auparavant. J'estime que la loi devra être modifiée, qui dit aujourd'hui que la collectivité territoriale ne peut pas proposer d'aide publique pour le sport professionnel. Il convient de considérer deux sports professionnels. L'un d'eux bénéficie de ressources provenant de droits de télévision ou de sponsorings importants, et les salaires y sont considérables, voire choquants. Néanmoins, s'ils sont importants, ces salaires permettent à l'Etat de remplir ses caisses et ils ne doivent pas être critiqués. En revanche, le sport professionnel féminin dans son ensemble et les divisions inférieures des autres sports professionnels – et que je qualifierais de sport semi-professionnel – représentent une véritable activité qui fait vivre des communes et des associations. Il convient de l'aider sans tenir compte du fait qu'il est professionnel et qu'il devrait pouvoir agir seul parce que nous récoltons en contrepartie une animation, une activité utile à la société. Si l'on considère que l'équilibre est positif, nous devons continuer de l'aider. Si l'on refuse de l'aider, nous risquons de nous retrouver dans une situation plus négative que nous l'aurions imaginée. J'ai cru comprendre que certains concerts sont aidés, tandis que les artistes sont payés et parfois bien payés. Il convient donc de s'interroger sur un plan d'urgence pour le sport semi-professionnel. Lors de la visioconférence du 13 novembre avec les fédérations concernées, nous préparerons des propositions en la matière. Sans cela, je suis pessimiste sur l'avenir du sport semi-professionnel et, en particulier, du sport féminin. Si nous n'avions pas créé la chaîne Sport en France, le handball féminin, le volleyball féminin, le hockey sur glace féminin ou le basketball féminin n'auraient pas de diffuseur.

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