Intervention de Jean-Pierre Rosenczveig

Réunion du jeudi 19 novembre 2020 à 10h00
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Jean-Pierre Rosenczveig, président de la commission Enfances-Familles-Jeunesses de l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux :

Je ne travaille pas directement au recueil des données, ni ne dispose des moyens matériels qu'il requiert. Néanmoins, nous disposons d'un certain nombre d'éléments. Je rappellerai par exemple que la prise en charge d'un enfant dans un centre éducatif fermé (CEF) représente un coût compris entre 600 à 800 euros par jour, pour une durée de séjour de l'ordre de quatre mois en moyenne. Dans certains cas, elle atteint six mois, voire un an. Le calcul auquel je m'étais livré voici quelques années aboutissait au total considérable d'une dépense d'environ 1,5 million d'euros par enfant. Je ne mentionne ici que la seule prise en charge dans les CEF. Nous mesurons le nombre de loyers qu'une telle somme représente, ou le nombre de travailleurs sociaux en milieu ouvert qu'elle permettrait de rémunérer.

L'évaluation des répercussions économiques des politiques de protection de l'enfance et de la jeunesse ne manque assurément pas de pertinence. Cependant, ainsi que le relevait Mme Marie-George Buffet, les données nous font défaut. Pour prendre un exemple, nous ne sommes pas capables de répondre au comité des droits de l'enfant de l'ONU lorsqu'il nous interroge sur la part de produit intérieur brut que la puissance publique de notre pays investit dans la protection de l'enfance. Il vous appartient, en tant que parlementaires, d'exiger la conduite d'une telle évaluation.

En l'état, nous nous en tenons à quelques données générales. Nous savons que l'aide sociale à l'enfance représente quelque 8,2 milliards d'euros, la PJJ environ 800 millions. Aucun travail de récolement ne permet d'apprécier, au-delà du bénéfice humain, le gain économique de ces politiques.

Sans doute nos efforts s'avèrent-ils plus productifs que nous ne l'imaginons communément.

Combien d'enfants sont-ils aujourd'hui accueillis par l'aide sociale à l'enfance, dont les parents eux-mêmes l'étaient ? Lorsque nous nous y penchons, les faits indiquent une faible proportion, quand bien même des responsables politiques pensent le contraire. Une étude du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) conduite par MM. Corbillon, Assailly et Duyme signale en effet un taux compris entre 4 et 6 %.

Combien d'enfants mineurs délinquants restent-ils délinquants à leur majorité ? Pendant son mandat de sénateur, M. Jean-René Lecerf, qui préside actuellement le conseil départemental du Nord, a montré que leur proportion était également réduite. Dans 85 % des cas, disait-il en 2011, les enfants délinquants suivis par des travailleurs sociaux et la justice ne deviennent pas des majeurs délinquants.

Nous ne saurions donc conclure de manière uniformément négative. Reconnaissons plutôt une marge sensible d'amélioration et de progression de nos dispositifs. Reste à en mesurer et, peut-être, à en augmenter le coût. Investir intelligemment dans des dispositifs de proximité peut prévenir les conséquences désastreuses des cas d'abandon d'enfants par des familles démunies. Nous craignons que la crise sanitaire n'ait accentué ce phénomène. Livrés à eux-mêmes, ces jeunes deviendront dans quelques années de véritables dangers tant pour eux que pour la société. Les réponses que l'urgence commandera représenteront alors une dépense autrement plus élevée.

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