Intervention de Thomas Rohmer

Réunion du jeudi 19 novembre 2020 à 16h15
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Thomas Rohmer, directeur de l'Observatoire de la parentalité et de l'éducation numérique (OPEN) :

J'observe notamment les campagnes de prévention étrangères. Dans les pays anglo-saxons, je constate que l'on étudie les phénomènes et que l'on essaye d'agir sans se mettre d'œillères. Je suis étonné qu'en 2020, en France, pour parler des phénomènes de harcèlement, nous en soyons toujours réduits à appeler une campagne de prévention « Non au harcèlement ! ». Je ne connais personne qui soit pour le harcèlement. Nous évoluons dans une naïveté qui manque de pragmatisme et d'efficacité ! D'aucuns vont s'emparer de phénomènes à la mode, comme l'éducation par les pairs. J'observe ce phénomène – et je le trouve très intéressant –, mais je ne suis pas favorable à l'éducation par les pairs à la française. Je suis critique envers mon pays mais je l'aime profondément. C'est pourquoi j'aimerais qu'il agisse de manière plus efficace pour protéger ses enfants. L'éducation par les pairs se résume souvent à « passer la patate chaude ». Je préfère parler de co-réflexion et de co-construction. Associer les adolescents, les influenceurs et tout l'écosystème est primordial – à la condition également que les adultes ne soient pas fuyants sur leur posture d'accompagnement et ne cherchent pas à se débarrasser du sujet. La radicalisation cristallise tout un tas de tensions au sein de la société. Les échanges de courriels du défunt Samuel Paty ont été publiés dans la presse : cet homme était également par moments soumis à une pression institutionnelle qui le faisait se sentir jugé par l'institution et par ses pairs. Sur tous ces phénomènes – qui sont pour certains nouveaux, pour d'autres connus depuis longtemps –, il serait temps de basculer dans un modèle plus efficace et moins naïf. Nous devrions tous nous asseoir autour de la table et prendre le temps de la discussion. Je rejoins pleinement ce que disait Séraphin Alava sur le piège des algorithmes, qui nous enferme dans une instantanéité permanente. Reprenons le temps de la réflexion, de l'éducation, et remettons de l'éducatif au cœur de ces phénomènes en y associant l'ensemble de la société.

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