Intervention de Jean-Philippe Thiellay

Réunion du mercredi 27 mai 2020 à 11h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jean-Philippe Thiellay, président du Centre national de la musique :

Merci pour cette invitation qui intervient cinq mois environ après la création du Centre national de la musique. Cet établissement public est aujourd'hui en cours de construction et représente la « Maison commune » de la musique. Son modèle de financement s'avère relativement délicat, sachant qu'il repose sur une taxe affectée, sur des dotations budgétaires de l'État et sur des contributions à venir d'organismes de gestion collective privés. Ses missions, qui sont extrêmement nombreuses, portent sur la connaissance et l'observation, la création, les territoires, l'innovation et l'international. La crise ne doit pas faire perdre de vue les objectifs que la loi a fixés à l'établissement.

Le conseil d'administration du CNM fait une large place aux professionnels mais les représentants de l'État et des établissements publics sous tutelle disposent de la majorité des voix. Le conseil professionnel sera quant à lui mis en place d'ici quelques semaines, comme l'a annoncé le ministre de la Culture.

Le CNM a pris la suite du Centre national de la variété, de la chanson et du jazz (CNV). Sa fusion avec quatre associations partenaires, à savoir le Bureau export de la musique française, le Fonds pour la création musicale, le club Action des Labels et des disquaires indépendants français (CALIF) et le Centre d'information et de ressources pour les musiques actuelles (l'IRMA), prévue initialement au mois de juillet 2020, devrait intervenir le 1er novembre 2020. Sans cette fusion, le CNM demeure le CNV, même si ses compétences élargies nous ont permis tout de même d'agir dans l'urgence.

Le CNM a souhaité être aux côtés des professionnels au cours de la crise qu'ils traversent actuellement. S'agissant du spectacle vivant, les pertes en chiffre d'affaires sont estimées entre 1,7 et 2 milliards d'euros, toutes esthétiques confondues. Elles concernent des pertes de billetterie, à hauteur de 1 milliard d'euros, ainsi que des pertes de recettes annexes (buvettes et produits dérivés). Cette crise n'a pas, pour le moment, provoqué de défaillances d'entreprises ou d'associations, sachant qu'avec les moyens dont nous disposons, nous avons décidé d'agir dès le début de la crise. En effet, le conseil d'administration a mis en place un fonds de secours dès le 21 mars 2020 de 11,5 millions d'euros. Il a été abondé par le CNM qui a puisé dans son fonds de réserve et dans les nouveaux moyens budgétaires inscrits en loi de finances pour 2020 à hauteur de 10 millions d'euros. La SACEM, la SPEDIDAM et l'ADAMI ont, elles, apporté 500 000 euros chacune.

À ce jour, nous avons aidé 397 structures pour un montant de 3,3 millions d'euros. Nous avons principalement souhaité répondre à des difficultés de trésorerie afin d'éviter les défaillances, en complément des aides de l'État. Le fonds a été adapté pour pouvoir prendre en charge des difficultés de trésorerie jusqu'à la fin du mois d'août 2020. Le montant moyen du soutien s'élève à 8 500 euros par dossier. Les structures qui ont été aidées relèvent du spectacle vivant de musiques actuelles pour 80 %, mais aussi de la musique classique ou contemporaine, ce qui n'aurait pas été possible avant la création du CNM. Nous avons également indemnisé 3 000 artistes au titre de contrats d'intermittence, caduc à la suite de l'annulation des spectacles. L'aide de trésorerie aux structures a ainsi pu être complétée jusqu'à 3 500 euros dès lors que le titulaire de la licence d'entrepreneur de spectacles s'engageait à indemniser les artistes pour qu'ils ne perdent pas leur contrat.

Ce fonds a évolué puisque le plafond d'aide par structure s'élève désormais à 35 000 euros, contre 12 000 euros auparavant. Les collectivités territoriales peuvent désormais y contribuer. La Ville de Paris a d'ores et déjà annoncé une contribution de 400 000 euros. Nous travaillons actuellement avec d'autres conseils régionaux qui pourraient, dans cette logique, contribuer à l'augmentation du plafond jusqu'à environ 50 000 euros.

Nous mettons par ailleurs en place un fonds pour la musique enregistrée, c'est-à-dire les disquaires, les producteurs de musique, les distributeurs et les éditeurs de musique. L'aide est plafonnée à 35 000 euros et est réservée aux TPE et PME.

Le Président de la République a annoncé, au début du mois de mai 2020, que le CNM bénéficierait d'un budget supplémentaire de 50 millions d'euros, compte tenu du fait que le CNM a déjà consommé tous ses moyens dans les aides d'urgence. Nous lançons une procédure de concertation avec les professionnels afin d'utiliser ce budget complémentaire pour éviter des faillites mais également pour contribuer à la relance de la production de concerts.

Cette crise impacte notre jeune établissement. En effet, son cap était d'ores et déjà fixé, le modèle de financement était établi, la fusion avec les structures était en cours et il bénéficiait d'une montée en puissance budgétaire annoncée par le Gouvernement, en complément de la taxe sur les spectacles et du financement des organismes de gestion collective. Aujourd'hui, nous avons probablement perdu près de 30 millions d'euros de recettes de taxe sur les spectacles. Les organismes de gestion collective sont également amenés à subir des pertes, notamment en recettes de droits voisins, du fait de l'arrêt de nombreuses activités. Quels seront les moyens budgétaires qui pourront être mobilisés par l'État dans un tel contexte ?

Certains sujets de réflexion, comme la fiscalité du numérique ou l'encouragement de l'investissement par les crédits d'impôt, devront probablement être traités plus tôt que prévus. Si nous parvenons à éviter de nombreuses défaillances, nous atteindrons peut-être plus vite que nous le pensions l'objectif d'un établissement public de filières armé budgétairement et jouant son rôle de concertation.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.