Intervention de Sandrine Mörch

Réunion du mardi 30 juin 2020 à 17h20
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Mörch :

Je tiens à saluer la création de cette commission d'enquête, excellente initiative qui va permettre de mesurer puis de prévenir les effets de la crise du covid sur les enfants et la jeunesse.

Sur la forme, conformément à l'article 140 de notre règlement, il nous revient de vérifier si les conditions requises pour la création de la commission d'enquête demandée par le groupe GDR sont réunies. C'est bien le cas, et je vous propose donc de passer directement au fond.

Mes chers collègues, entendons la parole de l'enfant. C'est ce que propose cette commission d'enquête ; c'est ce que les associations réclament depuis des années. C'est une occasion inouïe pour notre pays d'amorcer un grand virage en faveur d'une politique innovante en direction de nos jeunes. Ils sont nos forces vives, à condition de les épauler, de les guider et de les accompagner. Cette crise nous a permis de déceler leurs faiblesses, leurs fragilités et nos propres manquements : elle a redonné corps au rôle de parent, d'éducateur, de famille d'accueil, d'enseignant.

Cette résolution repose sur des axes concrets : les conséquences psychologiques et sanitaires de la pandémie et du confinement, la prise en charge des mineurs isolés, jusqu'à présent complètement ignorée, les phénomènes de rupture dans la formation et l'éducation, et la précarité étudiante.

La crise a généré des forces exceptionnelles tant chez les jeunes, pour certains extrêmement engagés, que chez les adultes, qui ont su se montrer vigilants et entreprenants. Ce sont des atouts sur lesquels il nous faudra miser. Il faut souligner le travail remarquable du 119, ou celui du 115, dont les écoutants ont été très présents et très efficaces, comme il faut saluer les éducateurs qui ont su prendre d'heureuses initiatives lors de ce long confinement et ont permis aux enfants de trouver une forme de stabilité dans une vie allégée de la course aux rendez-vous médicaux, sportifs ou judiciaires. Pensons enfin aux associations qui ont su se réinventer sans la pesanteur de l'administration.

Je tiens également à saluer le travail du Gouvernement tout au long de cette crise sanitaire : pas de sortie sèche pour les jeunes et les enfants de l'Aide sociale à l'enfance (ASE) durant l'état d'urgence, et protection supplémentaire pour les victimes de violences intrafamiliales. L'éducation nationale s'est puissamment mobilisée pour instaurer une continuité pédagogique, certes imparfaite et inégale, mais avec un protocole exigeant à destination des professeurs et fortement relayée par les associations de terrain.

Je voudrais, pour ma part, insister sur une autre maltraitance en France : la pauvreté. Avant le covid, la France comptait déjà 20 % d'enfants sous le seuil de pauvreté, chiffre voué à augmenter à la suite de la crise. Durant le confinement, je suis allée dans les bidonvilles, dans des camps de gens du voyage ou dans des squats chercher des enfants ; j'ai vu des mineurs non accompagnés, livrés à eux-mêmes dans la rue parce qu'on leur refusait un accueil provisoire d'urgence. La crise a agi comme révélateur, elle a permis de rendre visibles ceux – petits, moyens ou grands – qui étaient invisibles. Nous devons en profiter et je proposerai que la commission d'enquête creuse cette piste car nous ignorons combien ils sont.

Cette commission d'enquête aura également à définir la manière dont les jeunes et les enfants seront auditionnés, quelle place les textes internationaux protégeant l'enfant vont-ils avoir ?

La présente résolution rapporte les propos du Premier ministre qui nous a alertés sur cette « bombe à retardement » que représentent tous les enfants décrocheurs, déconnectés, et abandonnés par l'école et a insisté sur « le coût humain pédagogique, social, intellectuel qui sera considérable, un coût qui se mesurera sur de nombreuses années, toute une génération étant touchée ».

Cette prise de conscience au plus haut niveau de l'État renvoie à cette question fondamentale : combien en coûte-t-il à notre société de ne pas s'occuper de ses enfants, de sa jeunesse ? Combien rapportera le fait d'investir dans chaque jeune dès son plus jeune âge ? Cette mission nous permettra de faire la lumière sur les situations qu'ont traversées des enfants et des jeunes qui ont rarement voix au chapitre dans un monde d'adultes qui doivent les protéger.

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