COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION
Mardi 30 juin 2020
La séance est ouverte à dix-sept heures vingt.
(Présidence M. Bruno Studer, président)
La Commission procède à l'examen, en application de l'article 140 alinéa 2 du Règlement, de la proposition de résolution de Mme Marie-George Buffet tendant à la création d'une commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse (n° 3068) (Mme Marie-George Buffet, rapporteure).
Je rappelle que le président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine a demandé à exercer le droit de tirage de son groupe sur cette proposition de résolution. En conséquence, notre commission doit simplement s'assurer que les conditions requises pour la création d'une telle commission d'enquête sont réunies, sans se prononcer sur son opportunité ni proposer d'amendements.
La crise que nous traversons est multidimensionnelle : sanitaire, économique et sociale. Les enfants, les adolescents et les jeunes adultes en subissent les conséquences, même si celles-ci sont moins immédiatement visibles que pour d'autres catégories de la population.
La mission d'information sur la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de covid-19 a été dotée des prérogatives d'une commission d'enquête pour disposer des informations qu'elle jugera nécessaire sur la prévention sanitaire, la gestion de la crise sanitaire, l'adaptation du système de soins, l'organisation territoriale face à la crise, la stratégie de déconfinement, les réponses apportées dans les territoires – en métropole et outre-mer –, et les conséquences économiques et budgétaires de la crise.
Ses attributions ne la conduiront cependant pas à réserver un sort particulier aux effets de la crise sanitaire sur les enfants, adolescents et jeunes adultes de notre pays. Il m'est donc apparu important que nous puissions disposer, grâce à une commission d'enquête spécifique, de toutes les données pour mesurer mais aussi prévenir les effets de cette pandémie et du confinement sur les plus jeunes.
Contribuer à désamorcer cette « bombe à retardement », pour reprendre la formule du Premier ministre, tel est l'objet de cette commission d'enquête. Les pédiatres et pédopsychiatres ont alerté très rapidement sur les effets du confinement et de l'absence d'école sur les jeunes enfants. L'Unicef, l'OMS, le Défenseur des droits, mais aussi de nombreuses institutions internationales et nationales ont alerté sur la nécessité, durant la période de crise sanitaire de rassurer les enfants, de les protéger, de limiter les retards dans leur apprentissage et de prévenir la précarité alimentaire, aggravée par la fermeture des cantines scolaires.
Les violences intrafamiliales ont été en hausse pendant le confinement, les enfants en ont été les victimes directes, soit en subissant eux-mêmes la maltraitance, soit en étant les témoins involontaires de violences conjugales. Là aussi, nous devons analyser les dispositifs qui ont été mis en place, sachant que la détection a été rendue beaucoup plus complexe par l'absence d'école. Les enfants en situation de fragilité familiale relevant de l'Aide sociale à l'enfance (ASE) ou les mineurs non accompagnés ont également été confrontés aux nombreuses difficultés causées par la fermeture des établissements ou découlant de ruptures familiales. Un retour d'expérience très précis est donc indispensable pour que les situations contraires aux droits fondamentaux des enfants ne se reproduisent plus.
Je vous propose également d'étudier les conséquences du confinement pour les enfants en situation de handicap, les familles ayant bien souvent été obligées de se substituer aux professionnels qui assuraient leur prise en charge.
Par ailleurs, je veux élargir la focale, pour que nous puissions nous pencher sur les conséquences de l'arrêt des activités extrascolaires en matière de sport et d'accès à la culture. Les membres de cette commission savent en effet que l'arrêt de ces activités pourrait se traduire à la rentrée de septembre par une chute des licences et de la pratique sportives chez les enfants, mais également par une baisse de la fréquentation des conservatoires.
L'école est le deuxième axe de travail proposé pour la commission d'enquête. En effet, l'un des événements majeur et inédit de cette crise a été la fermeture de l'ensemble des établissements scolaires. L'école étant l'un des piliers fondamentaux de la République, à travers l'instruction obligatoire, la fermeture des écoles a été un choc pour l'ensemble de la société française. Les conséquences de cette crise dans le domaine scolaire, visibles ou non, se manifesteront de manière durable et profonde. De la fermeture de tous les établissements scolaires aux classes virtuelles, de la suppression des épreuves du brevet, des CAP et des baccalauréats à la reprise des cours sur la base du volontariat, les fondamentaux de l'école républicaine ont été bousculés.
Comme toutes les institutions publiques, l'éducation nationale a mis en œuvre son grand plan de continuité d'activité – la continuité pédagogique pour laquelle se sont mobilisés enseignants, élèves, personnels de l'éducation, mais aussi les familles.
Les initiatives comme les bonnes volontés ont été réelles et nombreuses, mais les inégalités sociales et territoriales qui minent l'éducation nationale se sont trouvées aggravées par la pandémie. Aussi devrons-nous identifier toutes les difficultés auxquelles ont été confrontées les équipes pédagogiques, les services du ministère, le Centre national de l'enseignement à distance (CNED), les parents d'élèves, les élèves eux-mêmes, dans tous les territoires de notre République. Nous devrons disposer, pour chaque territoire, de tous les chiffres concernant les situations de décrochage, les conséquences de la crise sur les apprentissages et les conditions dans lesquelles seront lissés les programmes.
En ce qui concerne l'université, là encore, une analyse des mesures mises en place par les établissements s'impose afin de recenser les différentes modalités d'examen et de concours mises en œuvre et de mettre au jour d'éventuelles différences entre grandes écoles et universités.
Enfin, l'apprentissage devra, lui aussi, faire l'objet d'une analyse permettant d'évaluer l'impact de la crise sur les élèves. Les mesures prises par le Gouvernement devraient permettre de limiter la baisse des offres mais les inquiétudes demeurent tant les apprentis sont dépendants du contexte économique.
Le troisième grand axe que je propose pour cette commission d'enquête concerne l'impact de la crise sanitaire sur la pauvreté infantile et la précarité étudiante, deux phénomènes malheureusement antérieurs à la pandémie, mais que celle-ci a accentué de manière insupportable.
Avec la fermeture des restaurants du CROUS et la perte de leurs « jobs » alimentaires, de nombreux étudiants ont dû avoir recours à l'aide alimentaire distribuée par les associations. Chez les plus jeunes, la fermeture des cantines scolaires a eu des effets d'autant plus néfastes que leur situation familiale était fragile : j'ai notamment pu constater, chez les familles placées dans des hôtels réquisitionnés par les services du 115, que les enfants privés de cantine avaient été très mal ou très peu nourris pendant le confinement.
La hausse du chômage et la récession auront malheureusement de lourdes conséquences chez les enfants des classes populaires, et tout laisse craindre une hausse de la pauvreté infantile, ce qui exige que soient prises au plus vite des mesures fortes.
Tel est, chers collègues, l'esprit de cette commission d'enquête. Si nous avons voulu en développer le champ dans la proposition de résolution, c'est pour montrer l'acuité de ces questions et justifier la création d'une commission d'enquête ad hoc, complémentaire de celle déjà en cours. Travailler ensemble sur l'enfance et la jeunesse est un signal politique important des priorités que nous devons retenir. C'est pour cela que le groupe GDR a choisi d'utiliser son droit de tirage à cet effet. Je précise que la commission d'enquête que je vous propose n'aura pas vocation à s'intéresser aux cas particuliers et n'interférera donc pas avec les procédures judiciaires en cours.
Cette commission d'enquête, enfin, pourra se nourrir des travaux menés par les groupes de travail mis en place par notre commission des affaires culturelles sur l'impact du covid-19 ; cela ne fera qu'enrichir notre réflexion.
J'espère vous avoir convaincu de l'intérêt de notre proposition, qui n'a d'autre motif que d'identifier les conséquences qu'aura pour nos enfants et notre jeunesse la crise du coronavirus, pour que nous puissions, ensemble, y apporter des solutions.
Je tiens à saluer la création de cette commission d'enquête, excellente initiative qui va permettre de mesurer puis de prévenir les effets de la crise du covid sur les enfants et la jeunesse.
Sur la forme, conformément à l'article 140 de notre règlement, il nous revient de vérifier si les conditions requises pour la création de la commission d'enquête demandée par le groupe GDR sont réunies. C'est bien le cas, et je vous propose donc de passer directement au fond.
Mes chers collègues, entendons la parole de l'enfant. C'est ce que propose cette commission d'enquête ; c'est ce que les associations réclament depuis des années. C'est une occasion inouïe pour notre pays d'amorcer un grand virage en faveur d'une politique innovante en direction de nos jeunes. Ils sont nos forces vives, à condition de les épauler, de les guider et de les accompagner. Cette crise nous a permis de déceler leurs faiblesses, leurs fragilités et nos propres manquements : elle a redonné corps au rôle de parent, d'éducateur, de famille d'accueil, d'enseignant.
Cette résolution repose sur des axes concrets : les conséquences psychologiques et sanitaires de la pandémie et du confinement, la prise en charge des mineurs isolés, jusqu'à présent complètement ignorée, les phénomènes de rupture dans la formation et l'éducation, et la précarité étudiante.
La crise a généré des forces exceptionnelles tant chez les jeunes, pour certains extrêmement engagés, que chez les adultes, qui ont su se montrer vigilants et entreprenants. Ce sont des atouts sur lesquels il nous faudra miser. Il faut souligner le travail remarquable du 119, ou celui du 115, dont les écoutants ont été très présents et très efficaces, comme il faut saluer les éducateurs qui ont su prendre d'heureuses initiatives lors de ce long confinement et ont permis aux enfants de trouver une forme de stabilité dans une vie allégée de la course aux rendez-vous médicaux, sportifs ou judiciaires. Pensons enfin aux associations qui ont su se réinventer sans la pesanteur de l'administration.
Je tiens également à saluer le travail du Gouvernement tout au long de cette crise sanitaire : pas de sortie sèche pour les jeunes et les enfants de l'Aide sociale à l'enfance (ASE) durant l'état d'urgence, et protection supplémentaire pour les victimes de violences intrafamiliales. L'éducation nationale s'est puissamment mobilisée pour instaurer une continuité pédagogique, certes imparfaite et inégale, mais avec un protocole exigeant à destination des professeurs et fortement relayée par les associations de terrain.
Je voudrais, pour ma part, insister sur une autre maltraitance en France : la pauvreté. Avant le covid, la France comptait déjà 20 % d'enfants sous le seuil de pauvreté, chiffre voué à augmenter à la suite de la crise. Durant le confinement, je suis allée dans les bidonvilles, dans des camps de gens du voyage ou dans des squats chercher des enfants ; j'ai vu des mineurs non accompagnés, livrés à eux-mêmes dans la rue parce qu'on leur refusait un accueil provisoire d'urgence. La crise a agi comme révélateur, elle a permis de rendre visibles ceux – petits, moyens ou grands – qui étaient invisibles. Nous devons en profiter et je proposerai que la commission d'enquête creuse cette piste car nous ignorons combien ils sont.
Cette commission d'enquête aura également à définir la manière dont les jeunes et les enfants seront auditionnés, quelle place les textes internationaux protégeant l'enfant vont-ils avoir ?
La présente résolution rapporte les propos du Premier ministre qui nous a alertés sur cette « bombe à retardement » que représentent tous les enfants décrocheurs, déconnectés, et abandonnés par l'école et a insisté sur « le coût humain pédagogique, social, intellectuel qui sera considérable, un coût qui se mesurera sur de nombreuses années, toute une génération étant touchée ».
Cette prise de conscience au plus haut niveau de l'État renvoie à cette question fondamentale : combien en coûte-t-il à notre société de ne pas s'occuper de ses enfants, de sa jeunesse ? Combien rapportera le fait d'investir dans chaque jeune dès son plus jeune âge ? Cette mission nous permettra de faire la lumière sur les situations qu'ont traversées des enfants et des jeunes qui ont rarement voix au chapitre dans un monde d'adultes qui doivent les protéger.
L'ampleur et la gravité de la crise sanitaire nous ont conduits à nous concentrer sur la réponse à y apporter. La situation exceptionnelle que nous avons rencontrée a induit des solutions particulièrement lourdes : le confinement, pendant deux mois, de l'ensemble de la population et la fermeture prolongée des établissements d'enseignement. Aujourd'hui il faut nous pencher sur les conséquences de ces décisions, néfastes par bien des aspects.
Les jeunes ont ainsi eu à souffrir davantage des mesures de distanciation sociale que du virus qui, pour l'essentiel, était pour eux inoffensif. La crise économique et sociale qui s'annonce les affectera très fortement, alors que le confinement les a déjà fragilisés. Interruption des études, raréfaction des stages, CDD non renouvelés, apprentissage sans débouchés, offres d'emplois disparues : les perspectives sont particulièrement moroses.
Le spectre du chômage, déjà menaçant, hante plus que jamais toute une génération, et les banques alimentaires ont observé l'arrivée massive de jeunes parmi leurs bénéficiaires.
Au-delà de la précarité qui les guette, nous devons aussi nous inquiéter de la santé des jeunes. La couverture vaccinale et le suivi des nourrissons ont pris un retard inquiétant ; la solitude et l'isolement engendrés par le confinement ont également pesé sur le quotidien des plus âgés et sur leur santé mentale. Alors qu'ils sont en pleine construction de leur identité, cet enfermement contraint et prolongé a pu générer chez beaucoup d'entre eux de l'angoisse, voire de la dépression.
Nous devons répondre à ces angoisses pour ne pas abandonner les jeunes à leur désespoir. Si le groupe Les Républicains considère qu'une mission d'information aurait pu être un outil plus adéquat, il soutient la création de cette commission d'enquête, particulièrement bienvenue si nous voulons que les politiques publiques prennent mieux en compte les effets délétères du covid-19 sur notre jeunesse.
Nous examinons aujourd'hui la proposition de résolution de notre collègue Marie-George Buffet, tendant à la création d'une commission d'enquête chargée de mesurer et de prévenir les effets de la crise de la covid-19 sur les enfants et les adolescents. Le groupe du Mouvement démocrate salue la mise au premier plan de cette thématique du bien‑être et de la santé des jeunes, encore trop peu présente dans notre assemblée.
Sous cette nouvelle législature, on peut toutefois constater l'engagement de nombreux parlementaires pour faire résonner dans cette enceinte la parole de l'enfant et garantir l'effectivité de tous leurs droits. C'est notre engagement au sein du groupe d'études sur les droits de l'enfant et la protection de la jeunesse, que je copréside avec ma collègue Alexandra Louis, de même que la prise en compte des droits de l'enfant dans les travaux de l'Assemblée nationale était l'objectif de la proposition de résolution de notre collègue Florence Provendier, adoptée en janvier dernier.
La crise sanitaire que nous traversons est inédite. Pendant la période de confinement, notre assemblée, et en particulier notre commission, a été pleinement mobilisée. Cette proposition de résolution tient à aller plus loin en faisant des conséquences de la crise du covid sur la jeunesse un élément central de notre action.
En effet, il est important de ne pas sous-estimer les effets de cette crise sur les enfants. Comme l'indique l'exposé des motifs, l'Organisation mondiale de la santé nous appelait à la vigilance sur ce point dès le mois de mars : « Les enfants sont susceptibles de ressentir de l'inquiétude, de l'anxiété et de la peur, ce qui peut inclure des types de peurs très similaires à celles vécues par les adultes, telles que la peur de mourir, la peur de la mort de leurs proches ou une peur de ce que signifie recevoir un traitement médical. » Le Défenseur des droits, M. Jacques Toubon, a aussi alerté sur les conséquences que pourrait avoir le confinement sur les enfants, en particulier sur les plus fragiles d'entre eux, notamment à cause de l'invisibilité à laquelle les a condamnés l'absence de vie sociale.
Augmentation des violences intrafamiliales, isolement, questionnements sur l'épidémie sont autant de sources d'inquiétude et de trauma qui peuvent avoir des incidences à long terme sur le développement de l'enfant. Notre devoir est donc d'identifier ces risques, de les comprendre et d'agir au mieux pour les neutraliser.
Le Gouvernement, par l'action du ministre Adrien Taquet, a démontré la vigilance et la mobilisation de l'État sur la question : augmentation des moyens pour la plateforme 119, campagne d'information pour ce même numéro, mise en place d'une plateforme pour l'accompagnement à la parentalité, partenariat avec les réseaux sociaux pour des actions de sensibilisation directes des jeunes, mais aussi travail régulier avec les départements, notamment sur la protection de l'enfance.
Notons également que la stratégie de déconfinement s'accompagne d'une attention toute particulière portée à l'évaluation des conséquences du confinement sur la santé mentale des enfants et à la prise en charge des troubles éventuels, ce qui va dans le sens de la résolution proposée.
Cette commission d'enquête sera donc l'occasion de placer au cœur de notre assemblée un sujet d'importance, sur lequel notre action démarre et doit perdurer. Le groupe MoDem salue cette initiative et rappelle son engagement constant dans la promotion des droits de l'enfant. Nous serons évidemment attentifs à la mise en place de cette commission d'enquête et actifs en son sein, afin de réaffirmer que l'intérêt supérieur de l'enfant reste une priorité absolue.
Le groupe Socialistes et apparentés a déposé une proposition de loi tendant à la création d'un fonds d'indemnisation des victimes les plus graves du covid-19, et il est favorable à la création d'une commission d'enquête afin de mesurer et prévenir les effets de la crise sanitaire sur les enfants et les jeunes. Ces travaux compléteront ceux que nous avons menés au sein des groupes de travail de la commission sur l'impact de la crise sanitaire, que ce soit sur la vie associative, l'éducation populaire ou les colonies de vacances. Pour des raisons sanitaires, mais aussi de coût, il est probable que les départs en vacances soient moins nombreux cet été, alors que, chaque année, 3 millions d'enfants ne partent pas en vacances.
Cette proposition de résolution évoque les conséquences psychologiques et les effets du confinement et de la pandémie sur les enfants, les adolescents et les jeunes adultes : troubles du sommeil, perturbation de l'alimentation, phénomènes de dépression et d'anxiété. S'y ajoutent les effets de la sédentarité et la surexposition aux écrans pendant cette période : en moyenne, un tiers des Français a grossi de trois kilos, et un cinquième de cinq kilos. L'OMS recommande une heure d'activité physique quotidienne pour les plus jeunes, la sédentarité a donc eu des effets inquiétants pour la santé publique.
La proposition de résolution aborde également la précarité des étudiants, qui risque de s'aggraver. En raison de la fracture numérique, 10 à 30 % d'entre eux auraient éprouvé des difficultés à suivre les enseignements à distance. Les emplois étudiants, les stages et les contrats d'apprentissage qui n'ont pas été conclus en raison de la crise sanitaire auront des répercussions sur toute une classe d'âge : 700 000 jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail.
L'engagement exemplaire de la communauté éducative dans nos établissements scolaires mérite d'être salué. Dans ma circonscription, si 95 % des élèves ont pu être suivis grâce aux environnements numériques de travail dans un collège, un tiers des élèves a dû être accompagné par les équipes éducatives de façon physique dans un autre, ce qui permet de mesurer l'ampleur des inégalités territoriales.
Le taux de pauvreté des jeunes de moins de vingt-cinq ans est le double du reste de la population. Le taux de précarité est également plus élevé, ainsi que le renoncement aux soins. La transition vers l'âge adulte est marquée par cinq à dix ans de galères, de petits boulots, de contrats à durée déterminée et de stages. Cette commission d'enquête pourra se pencher utilement sur l'extension de la garantie jeune, mais aussi du RSA aux jeunes de moins de vingt‑cinq ans.
Le groupe GDR a décidé d'utiliser son droit de tirage sur les conséquences de la crise, en particulier pour la jeunesse. Si chacun reconnaît qu'il s'agit d'une priorité, elle est trop peu abordée. La crise économique à venir et la crise sanitaire en cours auront des conséquences à court, moyen et long termes sur nos enfants, les adolescents et les jeunes adultes.
Le confinement a entraîné des bouleversements particulièrement négatifs : fermeture des écoles, hausse de la précarité, recrudescence des violences intrafamiliales, cas d'obésité morbide chez les plus petits, défaut de prise en charge des enfants handicapés. En tant que coprésidente du groupe d'étude sur les mineurs non accompagnés, je sais combien ces derniers ont été laissés à l'abandon.
Il est toujours difficile de mesurer les conséquences psychologiques d'un événement sur des enfants, particulièrement pour les parents, mais elles n'en sont pas moins réelles et nous devons les prendre en compte. Cette commission d'enquête va aborder des enjeux majeurs pour notre pays ; refuser de mener ce travail reviendrait à accepter des dommages irréversibles pour notre jeunesse.
Cette crise a également révélé le meilleur chez nombre d'entre eux : je suis issue d'une circonscription populaire où de très jeunes gens ont mis en place des initiatives de solidarité incroyables avec cœur, intelligence et détermination. Les conclusions de cette commission d'enquête pourront compléter utilement celles de la commission d'enquête sur les conséquences de la pandémie de covid-19 et serviront nos concitoyens, très préoccupés par l'avenir de leurs enfants.
Nous pourrons également constater les manquements des services publics, extrêmement préoccupants pour la jeunesse dans ces moments de crise. Ainsi, l'aide sociale à l'enfance et la justice des enfants manquent cruellement de moyens. Le groupe GDR s'engage donc avec enthousiasme dans ce travail collégial.
Le groupe Écologie, Démocratie Solidarité soutient la création de cette commission d'enquête. Les jeunes sont en première ligne lors de cette crise, qu'ils soient concernés par le décrochage scolaire, la perte de leur petit boulot d'été, la difficulté à obtenir un contrat d'alternance ou l'interruption de leurs études.
Il est difficile d'évaluer l'impact de la pandémie sur la santé, notamment mentale, des jeunes, ainsi que les risques liés aux violences intrafamiliales, au phénomène de prostitution chez les mineurs et les jeunes majeurs, et les problèmes d'accès à la contraception et à l'IVG.
Nous saluons donc l'initiative de nos collègues qui permettra d'apporter des réponses le plus rapidement possible.
La crise a été ressentie de manière exceptionnelle par tous nos concitoyens, et je voudrais saluer le personnel soignant, les services de l'État, des administrations déconcentrées et des collectivités territoriales, les enseignants et tous ceux qui ont travaillé pendant cette période. Ceux qui ont parfois été appelés les premiers de corvée sont souvent les parents des enfants dont nous parlons.
Après l'urgence sanitaire, il faut évaluer l'impact économique, social et psychologique de la crise. Nos jeunes ont ressenti l'angoisse causée par la maladie et ses conséquences. Les organismes internationaux ont alerté les pouvoirs publics sur les conséquences à long terme du confinement sur la jeunesse. Nous devons les évaluer et préconiser des mesures de soutien à notre jeunesse.
Les contraintes du confinement ont été ressenties beaucoup plus fortement dans les familles en situation précaire. Les craintes de perte d'emploi, l'isolement et les préoccupations médicales et financières ont accentué les risques de violences domestiques.
La fermeture des écoles a touché les enfants en difficulté, notamment en zone d'éducation prioritaire, où les enfants ont moins de capital culturel. Le confinement a mis en lumière ces inégalités, et j'espère que nous pourrons faire des propositions très fortes dès cet été pour préparer la rentrée.
La fermeture des écoles a entraîné celle des cantines scolaires, affectant les familles les plus en difficulté. Comme notre collègue Elsa Faucillon, je souhaite témoigner de la mobilisation de la jeunesse pour apporter des repas ou de l'aide alimentaire aux familles qui en avaient le plus besoin. Des chaînes de solidarité se sont installées, et j'espère que nous pourrons soutenir ces nouvelles initiatives.
Le cursus des étudiants a aussi été affecté, nous devrons être vigilants à la reprise de leur parcours à la rentrée universitaire.
La crise sanitaire entraînant une chute de l'activité économique, elle a placé des entreprises en difficulté et des apprentis ont été pénalisés par l'arrêt de leurs stages. Des milliers de jeunes n'ont pas pu entrer sur le marché du travail et nous devrons nous préoccuper de ces problèmes d'emploi.
Madame la rapporteure, je vous remercie de votre sens de l'intérêt général, nous soutiendrons la création de cette commission d'enquête.
La France insoumise a proposé des mesures d'urgence en faveur des étudiants. Seulement 31 % d'entre eux bénéficient d'une bourse dont le montant, compris entre 120 et 561 euros, est bien inférieur au seuil de pauvreté.
Nous avons aussi proposé la création d'un conseil de l'enfance en situation de pandémie, afin d'estimer le nombre d'enfants qui pourraient subir des violences et l'impact du confinement sur l'ensemble des enfants scolarisés.
Les conséquences de ce confinement peuvent être d'ordre psychologique : stress lié à l'isolement, à la peur de la maladie ou de la mort ; elles peuvent engendrer des violences intrafamiliales, liées aux conditions de logement. Le déconfinement oblige à repenser les relations sociales. Elles peuvent également être d'ordre physique : retards dans les soins, vaccination, dépistage néonatal, précarité alimentaire. Le chômage partiel a eu un impact sur la famille.
Les inégalités scolaires se sont exacerbées, un rattrapage est nécessaire. Les programmes doivent être aménagés. Les formations en alternance sont menacées, car les entreprises refusent de signer des contrats.
Les mesures pour lutter contre le décrochage scolaire proposées par le Gouvernement sont bien insuffisantes. Un plan d'urgence sera nécessaire à la rentrée : il faut des postes supplémentaires dans le premier et le second degrés, alors que des décisions de fermeture de classe sont en train d'affecter tout le territoire.
Nous proposons d'instaurer la gratuité des cantines pour lutter contre la pénurie alimentaire.
L'apprentissage mérite une attention particulière. Muriel Pénicaud a créé une prime exceptionnelle pour les entreprises qui recrutent un apprenti du 1er juillet 2020 au 21 février 2021, d'un montant de 8 000 euros pour les majeurs entre 18 et 30 ans, et 5 000 euros pour les mineurs. Ces contrats ne coûteront rien à l'employeur, et font courir le risque d'effets d'aubaine : on constate déjà le remplacement d'intérimaires ou de salariés.
Nous soutenons la création de cette commission d'enquête proposée par Marie-George Buffet.
J'aime beaucoup l'expression selon laquelle « le bruit des enfants est la musique du futur ». Pendant quelques mois, nous n'avons plus entendu le bruit des enfants… Ces jeunes sont notre promesse d'éternité, nous leur devons toute notre mobilisation.
Je me réjouis que Mme Buffet puisse être rapporteure de cette commission d'enquête ; je sais qu'elle saura travailler avec exigence pour mettre à jour les dysfonctionnements. L'État infaillible n'existe pas, et notre commission doit utiliser tous les outils à sa disposition dans le cadre de sa mission de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques.
Enfin, les enfants ne sont pas seulement devant les écrans, mais parfois derrière, et je vous invite à vous intéresser aux enfants « Youtubeurs ». Le Sénat a adopté la semaine dernière la proposition de loi que l'Assemblée avait également votée à l'unanimité, j'espère que nous pourrons l'adopter définitivement au mois de septembre.
En application de l'article 140 alinéa 2 du Règlement, la commission constate, à l'unanimité, que les conditions sont requises pour la création d'une commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse.
La séance est levée à dix-huit heures.
Présences en réunion
Réunion du mardi 30 juin 2020 à 17 h 15
Présents. - Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Géraldine Bannier, Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Pierre-Yves Bournazel, Mme Marie-George Buffet, Mme Céline Calvez, Mme Danièle Cazarian, Mme Sylvie Charrière, M. Stéphane Claireaux, Mme Fabienne Colboc, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Elsa Faucillon, M. Alexandre Freschi, M. Régis Juanico, M. Michel Larive, M. Gaël Le Bohec, Mme Josette Manin, Mme Sandrine Mörch, Mme Maud Petit, Mme Florence Provendier, M. Bruno Studer
Excusés. - M. Bertrand Bouyx, Mme Anne Brugnera, Mme Jacqueline Dubois, Mme Annie Genevard, M. Raphaël Gérard, Mme Sophie Mette, M. Bertrand Pancher, Mme Muriel Ressiguier, Mme Marie-Pierre Rixain, M. Bertrand Sorre
Assistait également à la réunion. - Mme Albane Gaillot