Intervention de Roch-Olivier Maistre

Réunion du mardi 7 juillet 2020 à 17h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Roch-Olivier Maistre, président du CSA :

Le CSA n'a pas connu d'interruption de son activité pendant la période difficile que nous venons de traverser. À la faveur du télétravail, grâce à l'engagement de son collège et de ses équipes, le Conseil a assuré la continuité de ses missions.

Avant de revenir sur les conséquences de la crise sanitaire pour les médias audiovisuels, je commencerai par une brève présentation du rapport d'activité 2019 que le CSA a adopté le 3 juin dernier.

Pour le Conseil, 2019 a concrétisé l'engagement d'une nouvelle phase de changements.

Le CSA a continué à accompagner les transformations du paysage audiovisuel français. La transition numérique y prend une large part. À mon sens, elle propage une onde de choc dont nous n'avons pas encore, tant s'en faut, mesuré l'exacte amplitude.

Nous nous sommes ainsi prononcés favorablement sur le projet Salto que portent en commun les groupes TF1, M6 et France Télévisions. De nombreuses conventions ‒ pas moins de vingt pour les seules télévisions ‒ ont fait l'objet d'une renégociation. Elles introduisent d'importants éléments de régulation, en particulier sur les exigences de diversité.

Nous avons aussi clarifié le cadre applicable aux relations entre les éditeurs de chaînes et les distributeurs de services de médias audiovisuels. Un différend majeur prévalait entre les groupes Free et Altice. Au terme d'une médiation puis d'une procédure de règlement, la situation semble s'être apaisée.

Le CSA a ensuite poursuivi la modernisation de la diffusion hertzienne. Dans le domaine radiophonique, elle s'est traduite par une accélération du déploiement du DAB+. Nous avons sélectionné les radios qui occuperont les deux multiplexes nationaux. Les diffusions commenceront à compter de l'été 2021. Tous les principaux acteurs du secteur radiophonique, y compris les six antennes du service public, y prennent part.

À la suite des transformations qui interviennent dans le paysage audiovisuel français, le CSA voit son mode de régulation évoluer.

Le projet de loi portant réforme de l'audiovisuel transpose la directive européenne sur les services de médias audiovisuels (directive SMA). Celle-ci permet de soumettre les plateformes internationales de vidéos à la demande à des obligations de financement de la création et de la production en France.

D'une manière générale, la régulation des médias numériques progresse. Les dispositions de la loi du 22 décembre 2018 relative à la manipulation de l'information, dite « loi infox », ont conduit le CSA à publier à la veille des élections européennes ses recommandations à l'attention des divers acteurs en présence, dont les réseaux sociaux. Nous rendrons public avant la fin du mois de juillet 2020 un premier bilan de l'application de cette loi.

La nouvelle action du CSA à l'égard des plateformes de contenus et des réseaux sociaux prolonge ses missions traditionnelles. À l'occasion de deux scrutins majeurs, ceux des élections européennes et d'un premier référendum en Nouvelle-Calédonie, le Conseil a ainsi veillé au respect scrupuleux du pluralisme politique sur les différentes antennes. Le bilan qu'il en a tiré s'avère satisfaisant.

Le CSA n'a pas non plus relâché sa vigilance sur les responsabilités sociétales qui incombent aux médias audiovisuels. Il s'est associé à la campagne menée contre les violences faites aux femmes, par la promotion du numéro d'appel d'urgence 3919. Il a obtenu en décembre 2019 la signature d'une charte pour une meilleure représentation du handicap sur les antennes et les discussions qu'il a conduites ont abouti, début 2020, à l'adoption d'une charte alimentaire qui promeut une alimentation et des comportements favorables à la santé dans les programmes audiovisuels et les publicités.

En dernier lieu, l'année 2019 se signale par une évolution de notre institution elle‑même car le CSA entend demeurer en phase avec les mutations qui s'opèrent. En dépit d'un budget contraint, mais à la faveur de sa gestion rigoureuse, nous avons réorganisé la répartition des compétences entre les membres du collège et revu l'organisation de nos services. Nous y avons introduit une nouvelle direction de la communication, ainsi qu'une équipe dédiée au suivi de la régulation des acteurs du numérique.

Au titre de l'interrégulation, nous développons notre collaboration avec d'autres régulateurs. Tant avec l'Hadopi qu'avec l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), des partenariats ont vu le jour pour la conduite d'études communes.

Inédite et brutale, la crise sanitaire a frappé le secteur audiovisuel et marqué les chantiers que le CSA y avait entrepris. Dès son commencement, nous avons entretenu un lien permanent avec les divers acteurs du secteur. Pragmatisme et compréhension ont prévalu dans le contrôle de l'application des règles. Des dérogations temporaires ont par exemple concerné les doubles diffusions de programmes.

Au-delà, nous avons formulé des propositions aux pouvoirs publics, afin d'accompagner le secteur dans la phase de relance qui s'ouvre. À côté d'indispensables mesures de soutien conjoncturelles, telles que le crédit d'impôt en faveur de la création que le Gouvernement vient d'annoncer, nous insistons sur la nécessité de mesures d'ordre structurel. Elles apporteront de nouveaux leviers de croissance à la filière audiovisuelle et lui permettront de répondre aux défis que la crise a révélés ou accentués.

Outre la transposition de la directive SMA, je pense à l'assouplissement de plusieurs réglementations. Elles ont trait à l'interdiction pour les chaînes gratuites de programmer des œuvres cinématographiques certains jours de la semaine, à l'encadrement de la publicité en faveur du cinéma à la télévision ou à la publicité segmentée. Une révision de la chronologie des médias s'impose également. Celle-ci renvoie à l'organisation de la diffusion des œuvres après leur sortie en salle.

La question du financement de l'audiovisuel public se pose. France Télévisions et Radio France subiront sans conteste un manque à gagner sur leurs recettes publicitaires en 2020.

Enfin, la crise provoquera vraisemblablement des effets de concentration, en particulier dans le domaine de la production. Ils ont commencé à se manifester et nous invitent à reconsidérer les règles concurrentielles applicables. Anciennes, elles ne répondent qu'imparfaitement à la situation d'un secteur économique où de nouveaux acteurs américains et prochainement chinois, les plateformes en ligne, apparaissent. Nous devons contribuer à l'émergence d'une offre européenne à même de lutter à armes égales avec ces acteurs.

La présente phase de relance s'annonce cruciale pour les médias audiovisuels et la filière de la création, non seulement en France mais également en Europe. Membre du réseau des régulateurs européens, l'ERGA ( european regulators'group for audiovisual media services ), le CSA entend jouer un rôle actif. Un nouveau texte européen, le digital services act (DSA), se prépare. À l'échelle du continent, il rénovera la réglementation propre aux acteurs du numérique.

Je répondrai maintenant, monsieur le président, à vos questions.

Les conséquences de la crise sont ambigües. Les succès d'audience sont indéniables. Ils concernent aussi bien la télévision, qui a marqué son retour dans les foyers, que les plateformes numériques de partage de vidéos. L'opposition entre numérique et linéaire, entre pratiques individuelles et pratiques collectives, ne s'est pas nécessairement vérifiée. Les deux modes de consommations ont coexisté.

Concomitamment, de graves incertitudes pèsent sur le secteur audiovisuel. Des difficultés pèsent lourdement sur certains de ses acteurs. Les tournages ont dû s'arrêter, le marché publicitaire s'est effondré – sa baisse a atteint jusqu'à 80 % pour le média radiophonique au mois d'avril. Du fait de l'interruption des productions, les chaînes de télévision peineront en 2020 à honorer leurs engagements à l'égard de la filière de la production. Leurs obligations étant calculées en fonction du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'année précédente, le budget qu'elles dédieront en 2021 à la création diminuera à proportion de la baisse qu'elles enregistrent en 2020. Le CSA juge donc nécessaire de lisser leurs obligations de 2020 sur un second exercice.

La transposition de la directive SMA constitue un moyen d'obtenir de nouvelles ressources au profit du secteur. Dans le même sens, un crédit d'impôt nous semble une excellente mesure.

Quant au projet de loi que votre commission a examiné, nous ne pouvons également que lui apporter notre soutien. L'intérêt du rapprochement du CSA et de l'Hadopi au sein d'une nouvelle entité aux compétences renforcées, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), demeure d'une évidente actualité.

La convention que nous avons signée au début de 2020 avec l'Hadopi met en place une structure qui préfigure celle qui naîtra de notre fusion. Elle se réunit régulièrement.

Dans le domaine de la lutte contre les fausses informations, notre rapport à paraître à la fin du mois de juillet détaillera les conclusions de nos échanges avec les plateformes en ligne. Pendant la crise, l'acuité du problème des informations fallacieuses sur les questions de santé publique a retenu notre attention. Force est de constater que les plateformes, Facebook en tête, en ont pris conscience et ont entrepris de réagir.

En revanche, vous connaissez le sort que le Conseil constitutionnel a réservé au texte de loi relatif à la lutte contre la haine en ligne. La loi finalement promulguée prévoit néanmoins la création d'un observatoire, chargé d'en suivre le phénomène. Il entrera prochainement en fonctions. Le DSA, que j'ai déjà évoqué, a également vocation à lutter contre les contenus haineux et la désinformation en ligne.

En matière de lutte contre la pornographie, l'amendement récemment adopté par le Sénat sur le texte relatif aux violences conjugales confère au président du CSA une double compétence. Celui-ci dispose désormais de la faculté de mettre en demeure les plateformes qui ne posséderaient aucun moyen effectif de s'assurer de la majorité civile de leurs utilisateurs. En tant que de besoin, il peut recourir à la saisine du juge judiciaire. La mise en œuvre de ce texte se révélera cependant complexe. De nombreux acteurs agissent en effet loin de notre territoire national.

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