Intervention de Caroline Vincent

Réunion du mercredi 30 septembre 2020 à 9h35
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Caroline Vincent :

, maîtresse de conférences à Aix-Marseille Université, enseignante à l'INSPÉ d'Aix-en-Provence. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, mesdames et messieurs, je profite de ces propos liminaires pour vous livrer quelques idées qui me paraissent être des clés d'amélioration de la formation des enseignants au numérique.

Il me semble, en premier lieu indispensable, d'accroître la culture et la littératie numériques des enseignants et, au-delà, de tous les métiers de l'enseignement, y compris dans les INSPÉ.

Avant que de former les enseignants aux fondamentaux de la technique ou à la pédagogie numérique, il convient de mener avec eux une réflexion sur ce que nous entendons faire du numérique dans notre société. Cette réflexion se doit d'être partagée et homogène entre les lieux d'éducation et de formation.

Les enfants, élèves-citoyens que nous formons, s'inséreront dans une société et une économie où le numérique joue, que nous le voulions ou non, un rôle d'ores et déjà essentiel. Il importe que nous éduquions des citoyens éclairés, critiques, créatifs, sensibilisés aux notions d'identité numérique, de données personnelles, d'impact environnemental et sanitaire du numérique, ou encore aptes à des pratiques inclusives, équitables et démocratiques.

Cette exigence passe par la culture et la littératie numériques, celle des élèves et, en amont, celle des enseignants, des conseillers principaux d'éducation (CPE), des chefs d'établissement, des personnels de direction, des inspecteurs, des intervenants des INSPÉ.

La culture et la littératie numériques concernent toutes les disciplines : elles ne sont pas exclusivement liées à la technologie et aux sciences. Chacun doit s'en emparer.

En second lieu, je souhaite aborder les freins et résistances des enseignants. Ces derniers relèvent d'un corps de métier qui donne déjà beaucoup de son temps et de son énergie. De façon légitime, certains ne voient pas toujours le numérique comme un gain, mais plutôt comme une perte : perte de temps, perte d'énergie, perte de leur place et de leur rôle, de leur posture d'experts, face à des élèves parfois très connectés. S'ajoutent des contraintes et obstacles nombreux d'ordre matériel et technique.

Je soulignerai deux points à valoriser. D'une part, le rôle de l'enseignant demeure essentiel, central, que ce soit avec ou sans le numérique. Apprendre requiert l'intervention d'un enseignant qui choisisse judicieusement des situations, des ressources, qui construise un milieu didactique. Il permet d'engager les élèves, afin qu'ils mobilisent des connaissances. Il reste difficile d'apprendre sans une intention didactique. Le numérique ne remplacera jamais les enseignants.

D'autre part, remettre l'élève au centre des préoccupations se situe au cœur de la motivation et de la vocation des enseignants. Nous ne devrions pas nous occuper de numérique sur injonction, parce que telle est la politique du moment, ou dans le seul but d'utiliser les tablettes mises à disposition dans les établissements. Pour devenir des citoyens éclairés, critiques et créatifs, les élèves ont besoin de leur enseignant dans toutes les disciplines.

L'une des solutions consisterait à mettre en place des formations hybrides sur des durées plus longues que celles qui existent actuellement. Elles permettraient aux enseignants d'expérimenter la position d'apprenants à distance et de réaliser des allers-retours entre ces formations et leur terrain quotidien.

Enfin, j'aimerais rappeler que le confinement n'était pas représentatif de ce que l'enseignement avec le numérique peut être. Cette période spécifique fut engendrée par la contrainte, il a fallu recourir au numérique sans préparation préalable. Une étude d'Aix-Marseille Université a montré que seuls 20 % des 5 000 personnes interrogées ont eu le sentiment de se retrouver dans des conditions (matérielles, psychologiques, mentales, etc.) qui leur permettaient de réellement travailler. L'effet de loupe sur les inconvénients et travers de l'expérience est évident. En revanche, il occulte ce qui pourrait être bien fait dans le domaine du numérique éducatif.

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