Intervention de Marie-Caroline Missir

Réunion du mercredi 30 septembre 2020 à 9h35
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Marie-Caroline Missir :

, directrice générale du réseau Canopé. L'opérateur que je dirige depuis le début du mois de mars 2020 s'est recentré sur une mission de formation des enseignants au numérique et par le numérique. Elle correspond parfaitement à l'objet de la table ronde à laquelle vous m'avez conviée.

Ainsi que l'a mis en évidence M. Édouard Geffray, la période du confinement a permis à Canopé d'accélérer notablement sa transformation, en lien étroit avec les directions du ministère de l'Éducation nationale et avec le soutien des politiques éducatives. Je vous en donnerai un exemple. Il répondra, je pense, à vos questions sur les leviers et freins en matière de formation au numérique.

En collaboration avec l'académie de Poitiers, nous avons mené une étude pendant la période du confinement et au-delà, puisqu'elle s'est achevée au mois de juin. Elle a porté sur près de 2 000 enseignants des premier et second degrés, sur leurs pratiques et leurs attentes.

Au terme de la période de confinement, 50 % des interrogés ont évoqué une utilisation du numérique qui concernait essentiellement des outils de communication avec les parents, notamment par l'intermédiaire des espaces numériques de travail (ENT), ainsi que les ressources au sens large. Placé dans un environnement éducatif, le numérique recoupe donc des réalités extrêmement différentes les unes des autres. Du point de vue de la formation, le constat conduit à distinguer entre la formation à l'outil et la formation à l'usage.

De même, une proportion de 50 % des répondants nous ont déclaré connaître de sérieuses difficultés pour identifier les ressources adaptées à la classe. Telle que nous la mettons en œuvre au sein de Canopé, la formation a précisément pour but, non d'apporter des listes de ressources, ainsi que le proposent certaines plateformes, mais d'indiquer à l'enseignant l'usage qu'il peut en envisager dans sa classe et, en définitive, de s'y retrouver dans une offre particulièrement abondante.

Dans l'étude, les enseignants marquent également leur volonté d'un accompagnement. Quant à sa nature, ils évoquent une formation continue personnalisée, adaptée à leurs compétences numériques. Les verbatim de l'étude montrent que des enseignants jugent que les formations, dont ils bénéficient dans les INSPÉ ou au titre de leur formation continue, ne tiennent pas compte de l'hétérogénéité des pratiques préexistantes. L'enjeu de la personnalisation de la formation apparaît déterminant.

Au chapitre des points positifs et des acquis de la période de confinement, nous relevons que 57 % des enseignants ont vu leur pratique numérique renforcée. Nous pouvons ici saluer leur dynamisme et leur créativité pendant cette période. Les enseignants disent s'être adaptés aux circonstances. Pour 40 % d'entre eux, ils en gardent la conviction d'une priorité à l'autonomie de l'élève ; 31 % mettent en avant la différenciation pédagogique.

Ces données apportent des éléments de réponse sur les raisons d'une formation au numérique. Dans le domaine éducatif, je crois que l'un des freins a trait à l'absence de certitude quant à l'importance du numérique sur l'apprentissage des élèves. Une étude PISA ( programme for international student assessment, programme international pour le suivi des acquis des élèves) de l'organisation de coopération et de développement économique (OCDE), que l'Agence éducation et formation (AEF) a détaillée hier, montre encore que dans certains établissements suréquipés, les résultats des élèves ne sont pas nécessairement meilleurs que dans des établissements moins bien dotés.

Aux yeux d'un enseignant, la question fondamentale reste celle de savoir en quoi un outil numérique, qu'il soit une ressource ou une facilité de communication, peut répondre à son enjeu premier : l'amélioration des capacités d'apprentissage de ses élèves et de leurs résultats scolaires. La question irrigue l'institution tout entière. En tant qu'acteurs des politiques publiques du numérique et de l'éducation, nous nous y confrontons.

L'enjeu de la formation me paraît se situer à ce stade précis, celui de la capacité d'apporter la preuve de la relation entre l'outil numérique et la qualité d'un apprentissage. Certains projets du programme d'investissements d'avenir (PIA), tel le projet e-Fran dans le cadre du PIA 2 dont les résultats commencent à sortir, s'y intéressent.

Je précise que le réseau Canopé a proposé des formations au numérique pendant le confinement. Elles ont concerné plus de 100 000 enseignants. Ne nécessitant aucune prescription, accessibles gratuitement avec une adresse électronique académique, elles ont pris la forme de webinaires. Nous en avons déjà tiré plusieurs enseignements. Je vous les ai exposés succinctement.

Parmi les préconisations qui ressortent de notre étude, figure la possibilité d'offrir des formations en fonction des compétences numériques des enseignants. Cet axe de personnalisation me semble particulièrement important. De plus, l'adaptation aux usages apparaît déterminante. Elle suppose une évidente montée en gamme des entreprises du numérique éducatif. Elle implique également une formation qui peut par exemple passer par les pairs, avec le partage d'expériences concluantes. Les différences sont bien entendu de taille entre le premier et le second degré, ainsi que d'une discipline à une autre.

Les enseignants attendent que nous les guidions, que nous labellisions certaines ressources. La formation que Canopé leur propose y participe. Par exemple, l'entreprise de pointe Lalilo, lauréate du PIA dans le domaine de l'intelligence artificielle, a développé une ressource qui peut être utilisée en classe. La formation est déterminante pour montrer en quoi cette ressource peut être utilisée, dans quel contexte, etc.

Ne sous-estimons pas la remarquable créativité des enseignants en matière de création de ressources propres. En témoigne le nombre des associations professionnelles et des enseignants propriétaires de ressources. Il incombe à l'institution de valoriser leur travail et leurs ressources, sous peine d'en voir le bénéfice revenir au secteur privé.

En dernière analyse, je le répète, la question fondamentale reste celle-ci : en quoi le numérique peut-il améliorer l'apprentissage des élèves ? Elle prend place à côté du problème de l'éducation d'enfants libres dans un monde entièrement numérique, où surgissent les enjeux de la connaissance que ce monde impose, de l'information sur l'utilisation des données personnelles et du respect de ces données. Par ses formations centrées sur le numérique, Canopé accompagne les enseignants dans l'élaboration de leur réponse à cette question centrale.

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