Intervention de Marion Lenne

Réunion du mercredi 30 septembre 2020 à 15h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarion Lenne, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères :

Je remercie tout d'abord le rapporteur au fond, Yannick Kerlogot, avec lequel j'ai mené des dizaines d'heures d'audition passionnantes, parfois surprenantes, et particulièrement éclairantes. Je souhaite revenir brièvement sur les débats qui ont animé la semaine dernière notre commission des affaires étrangères, saisie pour avis. M. le rapporteur l'a souligné, le projet de loi a été salué par les commissaires, qui, à l'unanimité, ont émis un avis favorable à l'ensemble de ses dispositions.

Le projet est la déclinaison législative de l'impulsion donnée par le Président de la République lors du discours de Ouagadougou, où il a présenté les grands axes du renouveau souhaité pour notre relation avec l'Afrique, dans lequel la culture occupe une place centrale. Il vise à rendre à la jeunesse africaine l'accès à son histoire et à son patrimoine ainsi qu'à toute la magie qui entoure les biens culturels africains. Mais il s'adresse aussi à la jeunesse française issue de notre histoire commune avec l'Afrique.

Durant nos débats en commission, la question du choix du véhicule législatif a été soulevée : pourquoi faire appel à une loi d'exception alors qu'un cadre plus global pourrait être posé ? Par principe, les lois-cadres mettent en place un décor généraliste, à l'encontre de la réalité historique des États et de leur subtilité. Elles s'opposent donc à la volonté première des États de décider au cas par cas.

Si les campagnes médiatiques sont nombreuses depuis le discours de Ouagadougou, seules sept requêtes ont été formulées, dont celle du Bénin et du Sénégal. Les cinq autres sont encore en cours d'instruction. Cette procédure au long cours d'analyse, de recherche scientifique et historique sur les provenances, va du dépôt de la demande officielle de l'État auprès du ministère français de l'Europe et des affaires étrangères, jusqu'à la remise des œuvres.

À long terme, la loi-cadre peut s'avérer pertinente sous réserve qu'une évaluation préalable des lois dites d'exception soit conduite, afin d'affiner notre réflexion et de mettre en place des principes généraux de remise des œuvres.

La coopération culturelle franco-africaine a aussi retenu toute l'attention de mes collègues. Il s'agit en effet de promouvoir une approche partenariale, d'égal à égal, et coconstruite. C'est pourquoi les propositions consistant à instaurer une conditionnalité au retour des œuvres me semblent incompatibles avec le projet que nous soutenons. Une fois les œuvres restituées en toute confiance, il ne nous appartiendra plus de nous ingérer dans la politique muséale de nos partenaires.

En revanche, la demande de coopération et d'expertise dans ce domaine étant forte, notre action extérieure devra rester au rendez-vous. À titre d'exemple, l'Agence française de développement (AFD) s'est vue confier le financement du projet de musée aux normes internationales d'Abomey, qui doit accueillir à terme les œuvres remises au Bénin. Ce projet global, dont il faudra s'assurer de la viabilité, dit se lire indépendamment du retour des œuvres. Un musée étant structurellement déficitaire, le gouvernement béninois devra confirmer son engagement de soutien financier et, surtout, d'un bénéfice pour les populations locales.

Quant au Sénégal, il est l'un de nos principaux partenaires mondiaux pour ce qui est des questions culturelles, avec des échanges humains très nombreux – deux tiers des étudiants sénégalais à l'étranger résident en France. La francophonie pourra également être le support de la coopération muséale et patrimoniale, afin de faire de cet espace un tremplin intercontinental de la circulation des œuvres, si ses États membres en conviennent.

Pour toutes ces raisons, la commission des affaires étrangères a émis un avis favorable à l'unanimité sur le présent projet de loi, qui autorise le retour des biens culturels de la République du Bénin et de la République du Sénégal. Je vous invite à suivre cet avis.

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