COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION
Mercredi 30 septembre 2020
La séance est ouverte à quinze heures cinq.
(Présidence de M. Bruno Studer, président)
La commission examine le projet de loi relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal (n° 3221) (M. Yannick Kerlogot, rapporteur).
Mes chers collègues, je remercie Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture, de sa présence pour l'examen de ce texte en première lecture, et je souhaite la bienvenue à Mme Marion Lenne, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères. L'examen de ce texte en séance publique est prévu mardi 6 octobre, il fait l'objet d'une procédure accélérée.
Ce projet de loi touche à un sujet important et complexe : la restitution à leurs pays et peuples d'origine des biens culturels conservés dans des collections publiques. Lors du discours de Ouagadougou, le 28 novembre 2017, le Président de la République a engagé une nouvelle démarche partenariale avec plusieurs pays africains, afin de réunir les conditions d'une restitution temporaire ou définitive de certains biens culturels, éléments de leur patrimoine.
Il ne s'agit pas de remettre en cause la vocation universelle des musées français, ni le principe d'inaliénabilité des collections publiques, mais de reconnaître les enjeux mémoriels et symboliques qui s'attachent à certains objets artistiques ou culturels, et d'autoriser de façon encadrée et circonstanciée le transfert de leur propriété à la République du Bénin et à la République du Sénégal dans le cadre d'un partenariat global en matière culturelle et patrimoniale.
Monsieur le rapporteur, vous avez auditionné de nombreux acteurs culturels français, mais aussi béninois et sénégalais, et je vous remercie de votre travail.
Madame la ministre, je tiens à vous faire part de ma satisfaction et de ma fierté d'être à vos côtés en ma qualité de rapporteur d'un projet de loi symbolique et positif, relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal.
Ce texte ne comporte que deux articles, mais il renvoie à la volonté de la France de renforcer, de renouveler, de réinventer ses relations bilatérales en direction des pays d'Afrique subsaharienne. Pour y parvenir, elle a fait le choix du champ culturel.
Ce projet de loi traduit la volonté du Président de la République – exprimée le 28 novembre 2017 devant plusieurs centaines d'étudiants burkinabés lors de son discours à l'université de Ouagadougou – de s'adresser à la jeunesse ; à la jeunesse africaine mais aussi à la jeunesse de France, qui se compose pour partie d'une jeunesse afro-descendante.
Dans son allocution, le Président demandait à ce que les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique : c'est une décision politique forte, assumée et nouvelle.
Le projet de loi qui nous réunit aujourd'hui concrétise cette volonté à l'égard de deux pays : la République du Bénin, à laquelle sera restitué le Trésor de Béhanzin, composé de vingt-six objets du Royaume du Dahomey actuellement conservés au Quai Branly ; et la République du Sénégal, qui retrouvera la propriété du sabre dit d'El Hadj Omar Tall, exposé dans le cadre d'un prêt renouvelé au Musée des civilisations noires de Dakar.
Par ce projet de loi, le Gouvernement demande au législateur l'autorisation de sortir des œuvres des collections publiques afin de les restituer, de les remettre, de les rendre au Bénin et au Sénégal. Réécrire l'histoire est impossible, mais faire le choix d'en assumer les pages sombres, les moins glorieuses, participe de cette volonté de repenser les relations à l'autre, et en particulier celui que l'on a opprimé dans le cadre de l'asymétrie du contexte colonial. La restitution ne doit pas se penser exclusivement en termes de réparation, somme toute impossible. La seule repentance ne permet pas le rebond. Toutefois, en restituant, nous poursuivons l'écriture de l'histoire.
La restitution souhaitée par le Président de la République traduit l'intention d'assumer son passé afin de pouvoir se projeter, en toute responsabilité, aux côtés de la jeunesse et des générations futures, dans un XXIe siècle dont les enjeux, replacés dans l'histoire de l'humanité, n'ont jamais été aussi globaux, mondiaux. L'amour d'une culture partagée, le patrimoine accessible au plus grand nombre, restent des champs ô combien appropriés pour exprimer cette volonté de rapprochement, de consolidation des relations bilatérales, des relations d'amitié entre les États.
Rapporteur sur le fond du texte, j'ai tenu à prendre le temps de l'écoute en procédant à une vingtaine d'auditions, que j'ai tenu à organiser dans un esprit constructif et collectif, aux côtés de Mme Marion Lenne, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de M. Pascal Bois, responsable du texte pour le groupe La République en Marche, et de Mme Michèle Victory, rapporteure sur le suivi de l'application de la loi. Je tiens à les saluer pour leur implication. Ensemble, nous avons rencontré un grand nombre de personnalités et d'institutions aux points de vue très variés : ambassadeurs de France et ambassadeurs des pays concernés en France, administrations centrales de la culture et des affaires étrangères, musées, collectionneurs et marchands d'arts, fondateurs de musées privés en Afrique, administration béninoise, conservateur au Sénégal.
Je regrette toutefois de ne pas avoir pu entendre les coauteurs d'un rapport venu nourrir la réflexion et rappeler les enjeux des restitutions projetées. Ils ont été entendus par le groupe d'étude sur le patrimoine, coprésidé par nos collègues M. Raphaël Gérard et Mme Constance Le Grip, alors qu'ils rédigeaient leur rapport. Une nouvelle audition, dans le cadre de ce projet de loi, aurait permis d'éclairer les rapporteurs. En effet, à la suite du discours de Ouagadougou, le Président de la République a confié à deux experts ‑ l'historienne de l'art Bénédicte Savoy et l'universitaire sénégalais Felwine Sarr – la mission d'étudier les possibilités de restitutions. Leur rapport, intitulé « Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain. Vers une nouvelle éthique relationnelle » a été remis en novembre 2018. Il a suscité beaucoup d'espoirs, mais aussi l'incompréhension de la part des acteurs directement concernés, les professionnels des musées, qui ont exprimé le sentiment de ne pas avoir été associés à leur juste place à la réflexion.
En effet, si ce rapport – qui ne constitue pas la position officielle du Gouvernement français – a suscité des attentes de la part de ceux qui souhaitaient obtenir la restitution de pièces appartenant aux collections françaises, il a aussi beaucoup agité et inquiété les musées européens, qui se sont sentis remis en cause dans leur raison d'être. Il véhicule une vision subjective du musée occidental, qualifié de « musée de l'autre » dans sa mission universelle. Or l'histoire de l'autre n'est-elle pas l'histoire de l'humanité à laquelle nous appartenons tous ? Les musées européens, et en particulier français, présentent des œuvres de toutes les cultures dans une vision universaliste qui cherche à mettre en valeur le génie humain, d'où qu'il vienne.
Au fond, l'enjeu de ce projet de loi consiste à reconnaître la légitime amorce de restitution de biens spoliés, de biens « mal acquis », tout en reconnaissant les efforts des musées pour consacrer toujours plus de temps à la nécessaire démarche historique et scientifique de recherche de la provenance, et réinterroger les certitudes en assumant un examen de conscience sur la légitimité de la conservation de certains biens culturels. Ce texte nous invite au fond à entamer un examen d'introspection patrimoniale. Des auditions, nous retenons que cette démarche n'est pas franco-française, mais partagée par les musées occidentaux des anciens États colonisateurs.
Non, il n'est pas permis de penser que toute œuvre arrivée d'Afrique durant la période coloniale a forcément été pillée. Par ailleurs, la volonté de certains d'inverser la charge de la preuve – en imposant à chaque musée de prouver qu'un objet conservé n'a pas été volé, spolié ou mal acquis – n'est pas tenable, car techniquement impossible pour l'ensemble des collections : elle reviendrait à penser que la majorité des œuvres d'art conservées est suspecte, alors qu'il n'en est rien. Le rapport Sarr-Savoy le confirme : « Les modalités de l'acquisition initiale de ces objets, qui s'étale sur presque un siècle et demi, peuvent avoir été très diverses : butins de guerres, bien sûr, vols mais aussi dons, trocs, achats et commandes directes aux artisans et artistes locaux. »
Si l'opinion publique, dans sa majorité, penche en faveur des restitutions, elle est néanmoins peu consciente des enjeux complexes qui sous-tendent ce débat. Il est légitime de penser que des biens culturels présentés comme arrachés à leurs propriétaires leur soient rendus. La réalité est autrement plus complexe et se heurte notamment à l'histoire culturelle et aux obstacles juridiques, dont celui de l'inaliénabilité qui cimente le droit français.
En effet les collections publiques sont protégées par ce principe d'inaliénabilité, de niveau législatif. C'est un principe qui protège nos collections publiques depuis la Révolution française, voire depuis l'édit de Moulins de 1566, qui avait déjà acté que le roi n'était que dépositaire des biens de la Couronne.
Rappelons par ailleurs que la procédure de restitution suppose une démarche initiale d'un État demandeur à l'État français dans le cadre diplomatique. Lors de son audition, M. Vedeux, président du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN), a lui-même estimé que les demandes de restitution devaient faire l'objet d'un travail préalable d'historiographie sérieux de la part des pays demandeurs. Ils sont aujourd'hui peu nombreux – citons l'Éthiopie, le Tchad, le Mali, la Côte d'Ivoire et Madagascar – et la réponse au cas par cas reste incontestablement la meilleure. Cela étant, nous devons vraisemblablement nous attendre à un nombre croissant de demandes dans les prochaines années, et cette première main tendue en direction du Bénin et du Sénégal se doit d'être une réussite.
Au cours de nos auditions, il a été demandé pourquoi utiliser une loi de circonstance plutôt qu'une loi-cadre. Il est légitime de s'interroger, sachant qu'il pourrait y avoir d'autres demandes à l'avenir. Le législateur, à l'initiative du Sénat, avait tenté de créer une procédure qui aurait permis de déclasser, après avis d'une commission scientifique, sans passer par la loi. Cependant, cette commission s'est d'emblée déclarée incompétente pour déclasser des biens qui auraient toujours leur intérêt artistique, historique ou scientifique. Sans doute la loi n'était-elle pas assez explicite. Cette commission scientifique nationale des collections, créée par la loi sur les musées de 2002, a vu sa composition renforcée en 2010 mais, au final, elle s'est peu réunie, le quorum étant difficile à atteindre. Le projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP), actuellement en discussion, prévoit sa suppression. La réflexion sur la mise en place d'une procédure dans une loi-cadre ne doit sans doute pas être écartée, mais suppose la capacité de définir des critères précis, et c'est toute la difficulté de l'exercice. Les prochaines restitutions au cas par cas doivent permettre de tirer des enseignements utiles pour la définition de ces critères : trop stricts, ils excluront certaines restitutions symboliques ; trop larges, les restitutions n'auront plus de portée diplomatique et culturelle.
Dans tous les cas, les restitutions doivent nous permettre de resserrer nos liens dans le cadre d'une diplomatie culturelle, d'aider les pays africains qui le souhaitent à mettre en valeur leur patrimoine, et d'utiliser l'expertise française en matière de musées, reconnue dans le monde. Les modalités de coopération avec le Bénin au sujet du Trésor de Béhanzin sont exemplaires. Le président et le vice-président du comité pour la coopération muséale et patrimoniale entre la France et le Bénin, que nous avons entendus en audition, nous ont démontré leur volonté de se reposer sur les compétences muséales et patrimoniales françaises et l'ambition du projet d'investissement « Bénin révélé », dans lequel figure la construction du musée de l'épopée des Amazones et des Rois du Dahomey, sur le site des palais royaux d'Abomey.
Dans le très intéressant ouvrage Faut-il rendre des œuvres d'art à l'Afrique ?, Emmanuel Pierrat cite l'historien Pascal Ory : « Sans doute la solution la moins radicale – donc la moins absurde – passe-t-elle […] par le principe de compromis. Par exemple, certaines restitutions symboliques seraient de bonne politique humaniste, mais sans aucun système : l'obscurité ou l'ambiguïté des conditions d'acquisition suffiraient à circonscrire les cas. Un second principe pourrait s'apparenter à une sorte de coresponsabilité mémorielle. Ce qu'il faut encourager, dans une perspective universaliste, c'est la circulation des œuvres, contre l'enfermement de chaque culture dans sa spécificité – évidemment largement imaginaire : ça s'appelle du nationalisme culturel (Léonard de Vinci est-il propriété de l'Italie ?), voire du racisme. La partie sera gagnée le jour où, pour voir certains chefs‑d'œuvre de l'Antiquité romaine ou du Moyen-Âge gothique, il faudra aller dans un musée d'Afrique subsaharienne ».
Vous l'aurez compris, chers collègues : je forme le vœu que notre commission adopte ce projet de loi à la plus large majorité possible, à l'instar de la commission des affaires étrangères qui a donné un avis favorable à l'unanimité.
(Applaudissements.)
Monsieur le rapporteur, les applaudissements unanimes qui ont salué votre intervention remarquable montrent la qualité du travail que vous avez effectué et dont je veux vous féliciter. J'ai peine à prendre la parole après vous, mais ma fonction m'y invite.
Mesdames, messieurs les députés, le projet de loi soumis à votre examen cet après‑midi marque effectivement l'aboutissement d'un long travail, né de la volonté exprimée par le Président de la République lors de son discours à Ouagadougou en novembre 2017 de réunir les conditions pour des restitutions du patrimoine africain, dans le cadre d'un partenariat approfondi entre la France et les pays du continent africain.
Ce n'est pas un acte de repentance ou de réparation : c'est la possibilité d'ouvrir un nouveau chapitre du lien culturel entre la France et l'Afrique. C'est un nouveau point de départ, qui ouvre le champ à de nouvelles formes de coopération et de circulation des œuvres.
Le projet de restitution de vingt-six œuvres issues du Trésor de Béhanzin à la République du Bénin, et du sabre attribué à El Hadj Omar Tall et son fourreau à la République du Sénégal s'inscrit dans le cadre d'une politique de coopération culturelle déjà engagée avec ces deux pays.
Ce projet de loi prend également place dans un contexte général de réflexion sur le rôle et les missions des musées en Europe et dans le monde. Le rapport de Felwine Sarr et Bénédicte Savoy remis au Président de la République en 2018 a permis des échanges passionnants sur l'histoire des collections, notamment issues du continent africain, et sur la nécessité de mieux expliquer leur provenance au public.
Il s'agit donc d'un texte d'importance, qui incarne une nouvelle ambition dans nos relations culturelles avec le continent africain.
Il tient compte du caractère exceptionnel des œuvres et des objets que nous souhaitons restituer à ces deux pays, qui en ont fait la demande. Exceptionnel par les circonstances violentes qui ont conduit à leur appropriation, notamment comme butins de guerre. Exceptionnel par l'incarnation du génie de leurs créateurs, bien entendu, mais aussi parce que l'histoire a fait d'eux des symboles d'une culture, d'un peuple, d'une nation. Devenus de véritables lieux de mémoire, ils sont dotés d'une valeur unique pour toutes celles et tous ceux qui leur accordent, au-delà de leur intérêt esthétique, une forte signification symbolique.
Les objets concernés par le projet de loi que je suis venue vous présenter aujourd'hui sont de ceux-là.
Les œuvres remarquables rassemblées dans le trésor des rois d'Abomey incarnaient la continuité et la grandeur de cette dynastie pluriséculaire quand ils ont été saisis en 1892 par le général Dodds lors des combats opposant le roi Béhanzin aux troupes françaises. La perte de ce trésor royal est ainsi progressivement devenue, pour le peuple béninois, le symbole d'une indépendance perdue. Conservées par différents musées français, puis, à partir de sa création en 1999, par le musée du quai Branly-Jacques Chirac, ces œuvres ont suscité une émotion considérable chez tous ceux qui, comme moi, les ont vues sur le sol béninois, en 2006, lorsqu'elles ont été présentées dans le cadre d'une exposition temporaire. C'est pourquoi la République du Bénin a demandé, en 2016, à la République française de lui restituer les vingt-six œuvres du trésor royal d'Abomey.
De même, le sabre et son fourreau attribués à El Hadj Omar Tall incarnent l'aventure exceptionnelle qu'a été la fondation et l'extension de l'empire toucouleur par ce chef militaire et religieux, qui s'est finalement heurté aux forces françaises. Donné au musée de l'armée il y a plus d'un siècle par le général Louis Archinard, il est actuellement exposé au Musée des civilisations noires (MCN) de Dakar dans le cadre d'une convention de prêt de longue durée.
En restituant ces objets d'exception au Sénégal et au Bénin, nous contribuerons donc à donner à la jeunesse africaine l'accès à des éléments majeurs de son propre patrimoine, conformément à l'objectif défini par le Président de la République.
Je souhaite à présent insister sur le sens, la portée et les conséquences du texte qui vous est soumis.
La restitution par un État à un autre État de biens culturels, ou plus généralement d'objets, n'a rien d'inédit, y compris dans la période récente ; la France n'est pas à l'écart de ce mouvement international qui prend une ampleur grandissante. Mais concernant le continent africain, l'acte de restitution que nous nous apprêtons à faire reste inédit et exceptionnel par sa portée symbolique et historique.
Au-delà des restitutions d'œuvres d'art saisies par les armées napoléoniennes aux puissances européennes concernées, dans le cadre du congrès de Vienne, notre pays a restitué, dans une période plus récente, des objets d'art au Laos, par un accord bilatéral ; une statue volée d'Amon Min à l'Égypte en 1981, en application du jugement d'un tribunal français ; vingt-et-une têtes maories à la Nouvelle-Zélande, par une loi votée en 2010 à l'initiative de la sénatrice Catherine Morin-Dessaillly ; ou encore trente-deux plaques d'or à la Chine, en application de la convention de l'UNESCO de 1970 pour la lutte contre le trafic illicite des biens culturels, ratifiée par la France en 1997.
Ces différents cas montrent que le droit français propose plusieurs voies pour procéder à des restitutions. S'agissant des objets dont nous traitons aujourd'hui, le Gouvernement a décidé de procéder par la voie législative. En effet, le Bénin et le Sénégal n'ont pas saisi de juridiction pour contester la propriété de la France sur ces objets. C'est donc bien une décision du législateur, et non du juge, qui doit apporter une réponse à leurs demandes. Aussi cette loi, si vous l'adoptez, n'aura-t-elle pas pour effet de créer une jurisprudence, contrairement à la décision d'un juge.
Il est à noter que le projet de loi n'a pas de portée générale : il ne vaut que pour le cas spécifique de l'ensemble d'objets qu'il énumère expressément. Ainsi, même si les objets concernés étaient considérés comme des prises de guerre, le vote de ce projet de loi n'aura pas pour effet de remettre en cause la légalité de la propriété de notre pays sur tout bien acquis dans le contexte d'un conflit armé. Ce mode d'acquisition, tout à fait exclu aujourd'hui, n'était interdit par aucune règle à d'autres époques, pas plus en France que dans les autres pays du monde. Les règles de droit et les principes moraux qui, et c'est fort heureux, ont désormais cours ne peuvent donc pas être appliqués à des cas passés.
La voie législative s'impose à nous, en outre, car la restitution des objets au Bénin et au Sénégal implique de déroger au principe d'inaliénabilité des collections publiques, principe de niveau législatif puisqu'il est inscrit dans le code du patrimoine. Ce principe est au cœur de la conception française du musée, qui charge nos institutions publiques de constituer des collections afin qu'elles soient étudiées, conservées et présentées au public. Ainsi, une collection est considérée comme une œuvre collective inscrite dans la durée, qui vise à construire et à transmettre aux générations futures le patrimoine conservé dans notre pays.
Ce projet de loi propose de déroger au principe, fondamental et protecteur, d'inaliénabilité, mais sans le remettre en cause d'aucune façon, pas plus que ne l'ont fait les lois précédentes du même type, comme celle de 2010 sur la restitution des têtes maories.
Au-delà des modalités de leur encadrement législatif, je sais que ces restitutions sont au cœur de vifs débats, qu'elles nourrissent de nombreux questionnements éthiques, philosophiques et politiques. Je veux cependant le dire clairement : accepter, par cette loi, la restitution de ces œuvres au Bénin et au Sénégal, ce n'est pas remettre en cause le rôle joué par les musées français qui en ont assuré la conservation : le musée du quai Branly-Jacques Chirac et le musée de l'Armée. Ces deux établissements ont permis la conservation de ces œuvres mais, plus encore, les ont étudiées pour en montrer la valeur historique et esthétique. Ils en ont également assuré la présentation au public, en France mais aussi à l'étranger, et notamment dans les pays concernés par les restitutions, dans le cadre de prêts. Nous devons leur en être reconnaissants et saluer le rôle qu'ils ont joué.
Par ailleurs, accepter ces restitutions ne remet pas en cause l'approche universaliste des musées, que la France défend et promeut depuis plus de deux cents ans. Dans un monde fracturé par des positions identitaires de toute sorte, nous avons plus que jamais besoin des musées universels pour réunir des œuvres provenant de tous les continents, de toutes les époques, pour faire dialoguer les cultures dont elles sont le témoignage. Notre pays ne renoncera pas à ce modèle, fondé sur le refus absolu du mépris de la culture de l'autre et sur la conviction que la culture exprime aussi ce que notre condition humaine a d'universel.
C'est aussi pour cela que la France n'accepte de restituer des œuvres à d'autres États que s'ils s'engagent à ce qu'elles gardent leur vocation patrimoniale, autrement dit qu'ils donnent l'assurance qu'elles continueront à être conservées et présentées au public dans des lieux consacrés à cette fonction.
Dans le cas du Bénin et du Sénégal, ces garanties sont données. La France accompagne les initiatives de ces deux pays en faveur du patrimoine. Un programme de travail commun a été élaboré avec le Bénin et notre partenariat culturel avec le Sénégal a été renforcé, afin que ces restitutions s'inscrivent dans le cadre d'une coopération ambitieuse. Nous soutenons ainsi des projets de développement de musées et des actions de formation, qui permettront de partager l'expertise exceptionnelle des professionnels français du patrimoine et de mettre en place de véritables filières professionnelles dans ce domaine.
Mesdames et messieurs les députés, le projet de loi qui vous est soumis n'est pas un acte de repentance ni une condamnation du modèle culturel français. C'est un acte d'amitié et de confiance envers le Bénin et le Sénégal, pays auxquels nous lient une longue histoire commune et des projets communs d'avenir. Comme nous, les Béninois et les Sénégalais doivent pouvoir s'identifier à des objets symboliques de leur passé, qui seront le fondement d'une politique culturelle et patrimoniale dynamique.
Je remercie tout d'abord le rapporteur au fond, Yannick Kerlogot, avec lequel j'ai mené des dizaines d'heures d'audition passionnantes, parfois surprenantes, et particulièrement éclairantes. Je souhaite revenir brièvement sur les débats qui ont animé la semaine dernière notre commission des affaires étrangères, saisie pour avis. M. le rapporteur l'a souligné, le projet de loi a été salué par les commissaires, qui, à l'unanimité, ont émis un avis favorable à l'ensemble de ses dispositions.
Le projet est la déclinaison législative de l'impulsion donnée par le Président de la République lors du discours de Ouagadougou, où il a présenté les grands axes du renouveau souhaité pour notre relation avec l'Afrique, dans lequel la culture occupe une place centrale. Il vise à rendre à la jeunesse africaine l'accès à son histoire et à son patrimoine ainsi qu'à toute la magie qui entoure les biens culturels africains. Mais il s'adresse aussi à la jeunesse française issue de notre histoire commune avec l'Afrique.
Durant nos débats en commission, la question du choix du véhicule législatif a été soulevée : pourquoi faire appel à une loi d'exception alors qu'un cadre plus global pourrait être posé ? Par principe, les lois-cadres mettent en place un décor généraliste, à l'encontre de la réalité historique des États et de leur subtilité. Elles s'opposent donc à la volonté première des États de décider au cas par cas.
Si les campagnes médiatiques sont nombreuses depuis le discours de Ouagadougou, seules sept requêtes ont été formulées, dont celle du Bénin et du Sénégal. Les cinq autres sont encore en cours d'instruction. Cette procédure au long cours d'analyse, de recherche scientifique et historique sur les provenances, va du dépôt de la demande officielle de l'État auprès du ministère français de l'Europe et des affaires étrangères, jusqu'à la remise des œuvres.
À long terme, la loi-cadre peut s'avérer pertinente sous réserve qu'une évaluation préalable des lois dites d'exception soit conduite, afin d'affiner notre réflexion et de mettre en place des principes généraux de remise des œuvres.
La coopération culturelle franco-africaine a aussi retenu toute l'attention de mes collègues. Il s'agit en effet de promouvoir une approche partenariale, d'égal à égal, et coconstruite. C'est pourquoi les propositions consistant à instaurer une conditionnalité au retour des œuvres me semblent incompatibles avec le projet que nous soutenons. Une fois les œuvres restituées en toute confiance, il ne nous appartiendra plus de nous ingérer dans la politique muséale de nos partenaires.
En revanche, la demande de coopération et d'expertise dans ce domaine étant forte, notre action extérieure devra rester au rendez-vous. À titre d'exemple, l'Agence française de développement (AFD) s'est vue confier le financement du projet de musée aux normes internationales d'Abomey, qui doit accueillir à terme les œuvres remises au Bénin. Ce projet global, dont il faudra s'assurer de la viabilité, dit se lire indépendamment du retour des œuvres. Un musée étant structurellement déficitaire, le gouvernement béninois devra confirmer son engagement de soutien financier et, surtout, d'un bénéfice pour les populations locales.
Quant au Sénégal, il est l'un de nos principaux partenaires mondiaux pour ce qui est des questions culturelles, avec des échanges humains très nombreux – deux tiers des étudiants sénégalais à l'étranger résident en France. La francophonie pourra également être le support de la coopération muséale et patrimoniale, afin de faire de cet espace un tremplin intercontinental de la circulation des œuvres, si ses États membres en conviennent.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires étrangères a émis un avis favorable à l'unanimité sur le présent projet de loi, qui autorise le retour des biens culturels de la République du Bénin et de la République du Sénégal. Je vous invite à suivre cet avis.
Le rôle d'un rapporteur sur le suivi de l'application d'une loi portant sur la restitution d'objets culturels consiste à vérifier dans les six mois que les textes réglementaires permettant la mise en application de cette loi soient publiés. Quatre minutes pourraient suffire à remplir cette mission, mais le règlement autorise également le rapporteur à produire dans les trois ans un rapport d'évaluation sur l'impact et les conséquences juridiques, économiques, financières, sociales et environnementales de la loi. Nous n'en sommes pas encore là.
Les incidences budgétaires du projet de loi semblent faibles. Nous pourrons dans quelque temps nous pencher sur les conséquences du texte sur les opérateurs du marché de l'art et les particuliers. Ces objets appartenant au patrimoine national, leur restitution n'aura pas d'incidence sur les collectivités territoriales.
Les restitutions ne devraient pas non plus avoir de conséquence administrative puisque le magnifique travail qu'a réalisé la responsable des collections d'Afrique au Musée du quai Branly a déjà permis une approche infiniment documentée des œuvres provenant du royaume d'Abomey. Pour ce qui concerne le sabre, déjà conservé au musée de Dakar, il s'agit d'établir par la loi qu'il ne figure plus dans les collections nationales.
Restent des questionnements sur d'éventuels impacts sociaux que le texte a mis en exergue et que nous évoquerons certainement dans nos débats.
Au-delà du fait de savoir si les objets dont nous parlons retrouveront leur terre d'origine dans les conditions que prévoit le projet de loi, nous ne pouvons ignorer les enjeux passionnants, de tous ordres, que pose ce retour. Le rapporteur a mentionné l'importance symbolique que revêt la restitution de ces objets vivants, dont nous avons probablement le plus grand mal à comprendre la fonction de médiation et les cycles de vie. Les débats qu'elle peut provoquer sont légitimes, alors que les questionnements sur les conséquences de la colonisation et de l'esclavage ainsi que sur les traces qu'ils ont laissées sont d'actualité.
Nous avons aussi entendu l'enthousiasme sans amertume, ainsi que l'attente des autorités du Bénin et du Sénégal. Nous les avons entendus comme une demande de geste d'amitié, et d'une preuve de confiance, indispensables pour construire cette nouvelle relation équitable entre la France et l'Afrique, qui s'appuie sur une exigence de vérité et une volonté bilatérale d'apaiser des conflits de mémoire et de nourrir un dialogue constructif.
Il s'agit là de participer, modestement, certes, mais avec conviction, à un geste par lequel nous reconnaissons la légitimité de ces demandes et le rôle qu'elles auront dans la réappropriation par la jeunesse africaine de son histoire fragmentée, où la diaspora des objets et des personnes s'est entremêlée dans le temps et l'espace.
Ce geste doit participer de la construction d'un pont entre le passé et l'avenir, entre celles et ceux qui ont été privés d'une trop grande partie de leur patrimoine, et celles et ceux qui, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, se sont donné pour mission d'enrichir les collections nationales.
« Le patrimoine africain ne peut pas être prisonnier de nos musées européens ». Ce propos assez libre d'un président de la République plein d'audace, en novembre 2017, ouvrait la porte à des enthousiasmes prudents pour certains, à de grandes inquiétudes pour d'autres, car il pose la question de savoir comment la France entend soutenir le travail de mémoire et de reconstruction que tant d'Africains souhaitent voir se concrétiser. Il nous offre une nouvelle fois l'occasion de repenser notre relation à l'autre et, peut-être, de remettre les choses à leur place.
Nous entendons aussi que ce cheminement de retour n'est pas sans embûches car ces objets, quelles que soient les conditions de leur arrivée dans nos musées nationaux, ont acquis avec le temps et le soin apporté par nos conservateurs et par les amoureux de l'art, qu'il soit marchands, collectionneurs privés ou publics, un statut juridique d'inaliénabilité dont la visée à la fois protectrice et universaliste complique aujourd'hui le processus de restitution autant qu'elle ne protège.
Aussi diverse et complexe qu'est et que fut l'histoire de nos relations avec le continent africain, rien ne semble altérer la fascination et l'étonnement face à la beauté dont les expressions artistiques renouvellent sans cesse l'intérêt muséal et ethnographique. Elles ne cessent de nous interroger sur l'histoire de ces voyages forcés et sur la nécessité de repenser la circulation de ce patrimoine de l'Europe vers l'Afrique, de l'Afrique vers l'Europe.
Il ne peut donc s'agir de tenter de solder un passé colonial ou de déguiser une forme d'ingérence, en faisant de nos musées européens un modèle indépassable, en niant l'expertise des conservateurs africains et en faisant peser sur le Sénégal et le Bénin aujourd'hui, ou sur d'autres pays africains demain, le doute quant à leur capacité et leur volonté de valoriser ces restitutions, et de construire, à travers elles, un chemin d'accès à leur propre culture au bénéfice des populations locales. La tentation de ne pouvoir imaginer ces œuvres hors de l'écrin du Musée du quai Branly est grande, mais la demande d'accompagnement, de soutien et de partage est établie qui, sans naïveté – j'insiste sur ce point –, devrait participer de la promesse d'une nouvelle économie et d'une nouvelle éthique de l'échange.
Sans revenir sur les objets concernés par un retour au Sénégal et au Bénin – Mme la ministre et M. le rapporteur ont très bien détaillé ce sabre et ces 26 regalia, faisant jaillir leur singularité et évoquant la satisfaction de les voir retourner dans leur pays –, je tiens, au nom du groupe La République en marche, à féliciter notre rapporteur pour le travail approfondi qu'il a réalisé. Les nombreuses auditions qu'il a organisées nous ont nourris intellectuellement. Elles ont permis de mieux cerner l'étendue des problématiques liées à ce sujet complexe, où se confrontent volontarisme politique et retranchement derrière l'inaliénabilité des collections publiques ; exigence de vérité et de repentance, là où l'humilité nous impose de ne pouvoir réécrire l'histoire, en acceptant les mystères d'une œuvre ; condescendance au sujet des futures conditions de conservation et confiance dans la coopération muséale en cours et à venir.
Nous avons aussi réabordé les principes de l'universalisme des musées de France et de la circulation des œuvres. Parlons-en, alors que 90 % du patrimoine africain se trouve dans les musées d'Europe et d'autres pays occidentaux. Pour paraphraser un collègue de la commission des affaires étrangères, il s'agit plutôt d'une stagnation puisque, de facto, on empêche les populations d'Afrique – a fortiori sa jeunesse – d'accéder aux œuvres issues de leurs propres cultures et civilisations.
Le Président de la République l'a bien compris. Le retour de ces œuvres concrétise en effet un des engagements qu'il a pris lors de son discours à Ouagadougou, en 2017, dont se dégageaient trois messages forts.
Le premier est la main tendue à l'Afrique en signe d'amitié. Cette démonstration offre le premier rôle à la coopération culturelle entre la France et l'Afrique, qui amorce de nouvelles relations d'échange en assumant, pour reprendre la formule du Président de la République, « un passé qui doit passer ».
C'est aussi la réparation d'une injustice. Nous rendons des objets soustraits à leur pays d'origine dans des circonstances négatives, durant le passé colonial de la France. Nous l'avons constaté au gré des auditions, ces objets sont empreints d'une forte charge symbolique, spirituelle et historique. Au Sénégal comme au Bénin, ils ont été reçus ou sont attendus avec ferveur, dans un climat pacifié. Surtout, ils retrouveront une nouvelle vie, leur vraie vie. Les vingt-six regalia seront les pièces maîtresses du futur complexe muséal d'Abomey, lui aussi en coopération avec l'AFD, qui viendra conforter le développement touristique du Bénin.
C'est enfin un acte de confiance en direction de la jeunesse d'Afrique, ce continent où 70 % de la population a moins de trente ans et qui est confronté aux multiples défis du monde contemporain. La France sera au rendez-vous, notamment pour l'aider à se réapproprier son histoire et à retrouver l'accès à son patrimoine. Tel est aussi l'objet des actions de coopération ambitieuses mises en place, non seulement pour concevoir et aménager des lieux d'exposition, mais aussi pour former des conservateurs à même d'assurer la conservation et la sécurité des collections sur le long terme.
En conclusion, suivant le souhait du Président de la République, nous devrions engager la France dans une nouvelle politique de circulation des œuvres. Nous devons partager les chefs-d'œuvre, les prêter, les déposer. Dans l'environnement muséal, la recherche de l'universel ne doit pas avoir de frontière car il s'agit du patrimoine commun de l'humanité. Avec cette restitution, nous faisons la démonstration de cette volonté.
Pour l'ensemble de ces raisons, je vous invite à adopter ce texte de la façon la plus large possible.
En 1892, le général Alfred Amédée Dodds conduit la campagne du Dahomey. Lors de la prise de la ville d'Abomey dans l'actuel Bénin, il s'empare du trésor de Béhanzin, des œuvres qui se trouvaient au sein du palais, que le onzième roi du Dahomey fit incendier à la suite de la prise de la ville par les Français, le 17 novembre 1892. Le général Dodds, métis franco-sénégalais à la tête des troupes françaises, récupère ce trésor qu'il léguera par la suite au musée d'ethnographie du Trocadéro, et qui est désormais conservé au Musée du quai Branly-Jacques Chirac.
Après la demande officielle de restitution de la République du Bénin, le Président de la République, sur proposition du Musée du quai Branly-Jacques Chirac et du ministère de la culture, a annoncé que la France procéderait à cette restitution. La demande, limitée à une liste précise d'œuvres, s'inscrit dans la volonté du Bénin de mieux appréhender son histoire, et dans le cadre d'un projet de musée porté par la République du Bénin et pour lequel l'Agence française de développement a prévu un prêt de 12 millions d'euros. La France entend ainsi participer à ce projet dans le cadre du programme de travail franco-béninois, signé le 16 décembre 2019 à Cotonou.
Autre histoire : en avril 1893, au cours des combats qui ont lieu à Bandiagara contre Amadou Tall, le colonel Louis Archinard récupère un sabre attribué au père de celui-ci, El Hadj Omar. En 1909, le général Archinard fait don de ce sabre au musée de l'Armée. Le Président de la République du Sénégal, M. Macky Sall, en a demandé la restitution au Président de la République française en juillet 2019, demande à laquelle le Premier ministre a répondu favorablement en novembre. Comme vous l'avez indiqué, le sabre est exposé au Musée des civilisations noires de Dakar, depuis son ouverture en décembre 2018. Il est maintenant nécessaire d'acter cette restitution de fait par une sortie des collections nationales.
Ces restitutions d'œuvres s'inscrivent dans le cadre d'une coopération culturelle avec le Sénégal et le Bénin. Le groupe Les Républicains soutient cette initiative à partir du moment où des garanties sont apportées. Nous sommes fortement attachés aux grands principes d'inaliénabilité, d'imprescriptibilité et d'insaisissabilité des collections.
C'est avant tout parce que le projet de loi prévoit une simple dérogation à ces principes, et non leur remise en cause, qu'il est acceptable à nos yeux.
Ces restitutions sont d'une part limitées à certaines œuvres. Elles doivent le rester car elles répondent à des demandes précises des pays. Elles s'effectuent d'autre part avec des garanties de bonne conservation qu'il serait opportun de rappeler. Des amendements ont d'ailleurs été déposés en ce sens, qu'il conviendra d'adopter.
Il est également important de pouvoir octroyer à ces pays le matériau muséal dont ils manquent cruellement pour pouvoir retracer leur histoire et leur culture. Soulignons que les musées français ont conservé ces œuvres non dans une volonté d'appropriation nationale de ces trésors de l'humanité, mais avec une dimension universaliste qui consistait à préserver ce patrimoine mondial. C'est dans nos musées que peut s'opérer le dialogue entre les cultures ; il faut donc veiller à ne pas associer aux œuvres qui s'y côtoient la marque d'une revendication avant tout nationaliste. Il doit être ici question non d'appropriation par un pays plutôt qu'un autre, mais de partage de nos expériences culturelles.
L'histoire particulière de ces biens culturels, que j'ai évoquée dans la première partie de mon propos, doit par ailleurs nous inviter à mieux retracer le parcours des œuvres jusqu'à nos musées. Il est important de pouvoir distinguer si elles proviennent d'acquisitions légales ou illicites, distinguo sur lequel nos musées font un travail remarquable, que je tiens à saluer.
Je félicite également le rapporteur pour l'ampleur du travail qu'il a accompli ainsi que pour la qualité et la précision de son rapport.
Soyons francs, l'examen de ce projet de loi revêt avant tout une dimension symbolique. Il faut bien sûr nous en réjouir. Si nous portons collectivement la volonté qu'il manifeste, ce texte est aussi de nature à ouvrir une refondation profonde de notre histoire et de nos rapports avec les pays auxquels nous lie un passé colonial. Félicitons-nous donc de pouvoir collectivement porter cette ambition à partir d'aujourd'hui.
Félicitons-nous également du chemin parcouru en quelques années, sous l'impulsion du Président de la République : souvenons-nous qu'en 2016, M. Jean-Marc Ayrault, alors ministre des affaires étrangères, avait balayé la restitution demandée par le Bénin, en se réfugiant derrière la complexité des règles du code civil et du code du patrimoine. En 2018, le Président de la République avait déclaré que le patrimoine africain devait être mis en valeur à Paris mais aussi à Dakar, Lagos, Cotonou, et souhaité que d'ici à cinq ans, les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain. Il a fallu un courage politique inédit au Président de la République pour opérer un virage radical lors du discours de Ouagadougou.
C'est la raison pour laquelle le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés soutiendra ce projet de loi. Il appelle surtout à amplifier ce mouvement et à le rendre beaucoup plus ambitieux. De fait, le texte n'apporte qu'une réponse immédiate, ponctuelle et très partielle. À ce stade, il ne répond clairement pas à l'ambition exprimée par le Président de la République, et que je partage. Le texte invite en effet à réfléchir sur les règles qui entourent les restitutions, telles qu'elles sont actuellement permises. Nous souhaitons qu'à travers une mission ou un rapport parlementaire, qui associerait la commission des affaires étrangères et notre commission, nous puissions redéfinir le principe d'inaliénabilité des collections des musées publics, et comprendre comment transformer les dispositions de l'article L. 451-7 du code du patrimoine, qui empêche le déclassement des œuvres issues d'un legs ou d'un don, sans passer par une loi ad hoc.
À l'issue de cette démarche, l'objectif est de proposer une loi-cadre sur les restitutions, afin de leur donner une procédure claire, lisible et fluide, qui ne serait pas dépendante des aléas ou du bon vouloir politique ou réglementaire. Tout l'intérêt sera de créer alors un subtil équilibre entre exigence de préservation du patrimoine français et création d'une procédure de restitution universelle.
C'est ainsi que nous pourrons répondre aux questions que ce texte soulève, notamment sur le renforcement de l'accès aux musées africains, la formation des conservateurs et restaurateurs d'œuvres d'art, la facilitation des prêts, de la circulation et du dialogue, de musée à musée, ou le déploiement de l'expertise de l'agence France-Muséums à travers le monde. Nous devons également dépasser la notion de restitution pour fonder une politique partenariale sincère et équitable, construite sur une confiance réciproque avec les États et les musées africains.
J'appelle enfin l'attention sur l'indispensable suivi des œuvres restituées. Le risque peut exister de voir se perdre la trace de ces œuvres dans des pays soumis parfois à une instabilité politique importante et croissante. Des institutions existent, comme l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), qui nous semblent particulièrement adaptées à ce processus.
Enfin, je rappellerai la portée universelle de ces œuvres. Quiconque s'est rendu au Musée du quai Branly-Jacques Chirac a pu ressentir la profondeur humaine des objets dont nous parlons. C'est le sens même de la philosophie humaniste qui nous inspire depuis deux siècles : rendre accessible au plus grand nombre le legs artistique, culturel et spirituel de nos histoires, devenu notre histoire.
L'initiative que nous nous apprêtons à voter aujourd'hui est décisive, à bien des égards, mais elle ne peut rester à ce stade d'ébauche. C'est pourquoi nous appelons à lui donner rapidement sa pleine dimension.
Permettez-moi d'abord de remercier M. le rapporteur pour le travail important qu'il mène depuis plusieurs mois. Notre commission est saisie cet après-midi d'un projet de loi relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal par la France. Ce texte concrétise un engagement fort du Président de la République formulé en 2017 devant la jeunesse d'Afrique : celui de restituer des œuvres culturelles du patrimoine de l'Afrique dans un cadre partenarial refondé avec les pays africains dont elles sont originaires.
Le projet de loi prévoit ainsi une dérogation limitée au principe d'inaliénabilité des collections publiques, afin de permettre la restitution d'un sabre historique au Sénégal et de 26 objets patrimoniaux au Bénin.
L'objectif est donc bien de faciliter la possibilité pour les peuples africains d'accéder, chez eux, à leur art patrimonial. Pour la France, cette nouvelle forme de coopération se fonde sur la coconstruction avec ses partenaires africains. La coopération culturelle est évidemment l'un des piliers de cette nouvelle relation. Au Bénin comme au Sénégal, elle se matérialise par la mise en œuvre de projets de coopération patrimoniale, avec l'appui d'agences françaises, et par un soutien à la politique muséale.
Le groupe Agir ensemble salue la volonté du gouvernement français de nouer une amitié nouvelle et solide avec les pays d'Afrique. L'annonce de ce projet de loi, dans la lignée du rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain, a suscité des débats, parfois très vifs, sur ce que devrait être notre politique patrimoniale.
Le projet de loi ne remet pas en cause la vocation universaliste des musées français, ni le caractère inaliénable des collections nationales. Je tiens d'ailleurs à saluer l'excellence de nos musées dont la qualité de conservation des œuvres ne fait évidemment pas débat. Il était toutefois nécessaire de prendre conscience des enjeux mémoriels et symboliques des questions liées à la restitution de ces œuvres, souvent acquises lors des guerres de colonisation. Il ne s'agit pas de réécrire le passé ou de s'adonner à une repentance bien illusoire mais simplement de faire droit à des demandes légitimes de reconnexion avec un patrimoine, une histoire. Ce qui importe, au-delà de la valeur historique et de la qualité intrinsèque des œuvres, c'est bien le présent et la relation nouvelle de confiance que notre pays entend tisser avec l'Afrique qui importent.
En conséquence, notre groupe soutiendra avec force et conviction ce texte, qui participe du renforcement des relations diplomatiques et culturelles entre la France, le Bénin et le Sénégal.
Le présent projet de loi vise à restituer des biens culturels à la République du Bénin et la République du Sénégal. La France, particulièrement pendant sa période coloniale, a enrichi ses collections publiques grâce à des biens culturels provenant de ses dites colonies. Depuis de nombreuses années, plusieurs nations africaines en réclament légitimement la restitution.
Le rapport dressant un état des lieux des objets africains détenus en France, qu'ont rédigé Bénédicte Savoy du Collège de France et Felwine Sarr, de l'université de Saint-Louis au Sénégal, préconise un programme de restitution des biens culturels bien plus audacieux que votre projet de loi puisque ses auteurs appellent à restituer également des œuvres au Nigeria, à l'Éthiopie, au Mali ou encore au Cameroun.
Nous ne parlerons donc pas aujourd'hui des objets issus de butins de guerre, ni de centaines d'objets africains donnés aux institutions françaises par des officiers ou des médecins militaires, des milliers de pièces issues de missions d'exploration ou données aux musées français par des agents de l'administration coloniale ou leurs descendants. Ainsi, de nombreux pays ayant formulé des demandes de restitution de biens culturels à la France n'obtiendront pas satisfaction avec ce texte.
Pour la République du Sénégal, pourtant concernée par ce texte, la restitution est très incomplète. Parmi les biens culturels sénégalais détenus par la France, citons le trésor de Samory, héros de la résistance africaine face à l'expansion coloniale, fondateur de l'empire wassoulou, qui a résisté pendant deux décennies à la pénétration française en Afrique de l'Ouest sur un territoire actuellement situé entre la Guinée et la Côte d'Ivoire. Arrêté à l'automne 1898, après une campagne de représailles menée par le général français Henri Gouraud, il est déporté au Gabon où il meurt deux ans plus tard. Son trésor est saisi lors de sa reddition et le général Gouraud en donne une partie au musée de l'Armée.
Le présent projet de loi prévoit uniquement la restitution d'un sabre, certes à forte portée symbolique, mais n'inclut pas d'autres pièces comme celles du trésor de Samory. Ce sont pourtant toutes les œuvres identifiées comme étant celles du Sénégal que l'actuel ministre sénégalais de la culture réclame.
Le texte présenté, incomplet, témoigne d'une opération de communication opportune du Gouvernement : la restitution d'œuvres serait la preuve de nouvelles relations entre la France et ses anciennes colonies. Le discours de Ouagadougou a été évoqué. Pourtant personne n'a oublié les propos offensants du Président de la République française envers le président burkinabé ce jour-là. Celui-ci avait d'ailleurs quitté la salle après une remarque déplacée du chef de l'État français, qui a préféré ironiser en affirmant que M. le président du Burkina Faso était parti réparer la climatisation… M. Emmanuel Macron a également refusé de se prononcer contre le franc CFA.
Enfin, nous ne pourrions étudier ce projet de loi sans pointer les promesses non tenues du candidat Macron sur l'aide publique au développement. En 2020, seuls 210 millions d'euros supplémentaires ont été alloués à cette mission. Il semble donc évident que l'objectif de porter l'aide publique au développement à 0,55 % du produit intérieur brut d'ici à la fin du quinquennat ne sera pas tenu.
Le texte semble être à l'image de la politique de la France envers le continent africain depuis 2017 : beaucoup de communication mais aussi de contradictions, d'insuffisances et de renoncement.
Malgré tout, le groupe La France insoumise votera pour ce texte, afin que les biens culturels appartenant aux Béninois et aux Sénégalais leur soient justement et légitimement restitués.
Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour votre travail. Madame la ministre, je voudrais souligner le bien-fondé des demandes des gouvernements du Bénin et du Sénégal. Tout peuple doit avoir accès à son patrimoine historique car, comme vous l'avez très bien dit, ces objets sont des objets de mémoire. Pour construire son avenir, il faut maîtriser sa mémoire, son histoire.
Bien évidemment, on peut parler de réparation puisque toutes ces pièces ont été pillées par les armées coloniales, mais il serait préférable de passer de la notion de réparation à celle de coopération, d'égal à égal, pour effacer ce qu'a été la « Françafrique » pendant des décennies.
Il faut saluer le travail des musées français dans l'effort de conservation : j'ai eu l'occasion d'aller à plusieurs reprises au Musée du quai Branly-Jacques Chirac et je salue le travail des équipes, sur des objets provenant de différents continents. Nous avons un devoir de coopération afin de faire en sorte que tous les pays auxquels nous restituons des œuvres aient les moyens matériels et humains de poursuivre ce travail de conservation et d'analyse historique. Nous devons aussi les aider à construire leurs musées – la construction n'a toujours pas commencé au Bénin – et soutenir la formation des personnels, indispensable. Il faut développer le travail en commun entre les musées français et ces musées.
Tous ces objets ont un caractère universel, qu'ils datent du Moyen-Âge français ou qu'ils fassent partie de l'histoire des pays africains : ils appartiennent au patrimoine de l'humanité, et doivent donc continuer à circuler. Comment faire en sorte qu'ils circulent beaucoup plus d'un continent à l'autre, d'un pays à l'autre, afin qu'ils soient toujours accessibles au public ?
Le projet de loi ne dit rien – ce n'était pas son objet – des marchands privés, mais nous devons veiller à préserver l'accessibilité d'un maximum de ces œuvres au public, aux experts, aux chercheurs, etc. C'est un enjeu pour l'humanité. Il faut davantage mettre en commun la richesse des différents musées dans le monde. Peut-être faudrait-il revaloriser le rôle et les missions de L'UNESCO en la matière, dont les effets ne sont pas toujours visibles.
Le groupe GDR votera pour le projet de loi. J'étais favorable à un projet de loi-cadre, monsieur le rapporteur, mais vos arguments m'ont fait réfléchir. Il faudra retravailler la question.
Je vous remercie de m'accueillir dans votre commission. J'ai eu le privilège de faire partie des quelques députés qui étaient à Ouagadougou en novembre 2017. Évidemment, j'ai accueilli avec une grande satisfaction le discours du Président de la République, qui avait pour ambition de redéfinir les liens entre la France et l'Afrique subsaharienne. Cette décision de restitution d'œuvres est une réponse à la demande de pays spoliés de leurs richesses. Certains ont parlé de symbole. C'est effectivement une affaire de justice, pour les Africains et pour les afro-descendants en Europe.
Une fois que la décision est prise, beaucoup de questions se posent et c'est l'objet de nos débats : quelles œuvres ? On retient le critère de « spoliation » : encore faut-il le définir. Quelle conservation ? Quelle muséographie ? Le rapport Sarr-Savoy a généré beaucoup d'interrogations et d'incompréhensions, certains estimant qu'il crée une présomption de culpabilité quand la spoliation n'est pas prouvée. Il faut donc que la recherche continue à travailler.
C'est un débat que nous aurons ultérieurement car, pour les œuvres visées par le projet de loi, il n'y a pas débat : même si elles ont été sauvées du feu par des soldats, elles ont été spoliées au royaume du Dahomey.
D'autres collègues l'ont souligné, c'est aussi une formidable occasion de coopération culturelle, patrimoniale et historiographique car il n'est pas question de poser des conditions muséographiques à une restitution. Mais il est évidemment légitime de se poser la question de la bonne conservation des œuvres restituées.
Ce sera l'occasion de renforcer les coopérations culturelles et muséales entre la France et les pays africains, tout en favorisant la circulation des œuvres, essentielle pour le travail de mémoire. Ces œuvres sont des propriétés africaines, mais elles appartiennent aussi au patrimoine mondial et leur force symbolique est importante pour la mémoire collective de la colonisation.
Le groupe EDS votera en faveur de ce projet de loi. Nous sommes surtout disponibles pour la suite, car d'autres pays africains vont probablement demander restitution. Nous devrons encore davantage renforcer nos coopérations culturelles.
Monsieur le rapporteur, je voulais d'abord vous féliciter pour la clarté de votre propos liminaire. J'y souscris presque complètement : à titre personnel, je ne suis pas très partisan d'une loi-cadre. Ce texte constitue la démonstration que nos institutions fonctionnent parfaitement bien, dès lors que chacune est dans son rôle : en l'espèce, la ligne politique et diplomatique est définie par le Président de la République ; des scientifiques – les conservateurs du Musée du quai Branly notamment – ont fait leur travail de recherche, d'études et de documentation des collections ; ensuite, on demande au Parlement de déroger au principe d'inaliénabilité des collections, auquel nous sommes tous particulièrement attachés. Une loi « d'exception » me paraît donc la meilleure solution.
Je vous rejoins également quand vous indiquez qu'il s'agit de marquer le début d'une nouvelle relation entre la France et ces pays, qui vont retrouver une partie de leur patrimoine. Ma question portera sur la manière dont on va construire cette relation. Nous avons évoqué l'aide financière de l'Agence française de développement (AFD). Ces restitutions sont une opportunité pour construire un nouveau mode de relations, beaucoup moins asymétrique, au‑delà de la simple aide financière. Comment procéder ? Qui sera en charge ? Combien va‑t‑on y affecter ? Cette relation devrait, avant tout, être de nature scientifique et donc portée par les personnels scientifiques du ministère de la culture, plutôt que par ceux du ministère des affaires étrangères.
Je voulais également rendre hommage à l'important travail effectué par notre rapporteur. À la suite de l'excellente intervention de notre collègue Emmanuelle Anthoine, je me limiterai à quelques observations. Ce projet de loi a soulevé, et soulève toujours, des questions, des inquiétudes – souvent légitimes –, et a parfois même suscité une certaine polémique. Je vous rends grâce, madame la ministre, pour vos propos, que j'ai accueillis avec beaucoup de plaisir. Ce projet de loi n'est pas un acte de repentance, avez-vous rappelé. Nous partageons ce constat.
Vous avez également souligné, tout comme le rapporteur, que le projet de loi ne constitue absolument pas une entorse au principe d'inaliénabilité des collections, un des trois piliers du modèle muséal français, auquel nous sommes attachés.
Je reviendrai sur le sens de notre vote après la défense de nos amendements.
Monsieur le rapporteur, vous jugez que le moment n'est pas venu de déposer un projet de loi-cadre, mais vous suggérez dans votre rapport qu'il pourrait être opportun d'en proposer un ultérieurement, afin de prévoir les cas dans lesquels un bien culturel peut être déclassé en vue de sa restitution. Tout en prônant un déclassement au cas par cas des œuvres des collections publiques…
Les demandes de restitution que nous examinons dans le projet de loi sont le résultat d'une collaboration culturelle entre la France et deux pays africains. Au Bénin, c'est d'ailleurs une exposition très réussie et visitée qui a suscité l'envie du gouvernement béninois de récupérer ces œuvres. Comment continuer à développer ouverture et partage culturels, deux éléments essentiels de nos coopérations franco-africaines, sans risquer de nouvelles demandes de restitution ? L'existence même de ces collections contribue à ouvrir nos esprits aux cultures différentes et, vous l'avez dit, concerne notre humanité commune.
Des garanties ont-elles été apportées par ces deux pays africains concernant l'accès des œuvres restituées au plus grand nombre ? Depuis la présentation du projet de loi, d'autres pays ont-ils engagé une procédure similaire ?
Madame la ministre, monsieur le rapporteur, je vous remercie pour la clarté de vos propos.
L'article 1er précise que l'autorité administrative dispose d'un délai maximal d'un an pour remettre les œuvres à la République du Bénin. Une fois la loi promulguée, la France devra donc organiser la restitution matérielle des vingt-six pièces dans ce délai. Un tel acte de restitution est symboliquement et historiquement inédit. Il va permettre de redonner vie à une mémoire universelle, ainsi transmise aux nouvelles générations. Pouvez-vous nous préciser quelles seront les modalités techniques de la restitution au Bénin ? À quelle fréquence les vingt-six œuvres seront-elles transférées et connaissez-vous leur destination finale ?
Vous m'interrogez sur les demandes de restitution réceptionnées par la France : le Bénin en a formulé une – vous en connaissez l'ampleur ; le Sénégal a fait une demande le 8 août 2019 pour les objets issus du butin de guerre de Ségou ; la Côte d'Ivoire, le 10 septembre 2019, pour le tambour du peuple atchan, premier objet d'une liste de cent quarante-huit communiquée à la branche africaine du Conseil international des musées – les demandes sont en cours d'instruction ; l'Éthiopie a rédigé une demande le 20 février 2019 pour 3 081 biens culturels éthiopiens conservés dans les collections publiques françaises et affectés au Musée du quai Branly-Jacques Chirac ; le Tchad, le 17 mai 2019 pour l'ensemble des pièces tchadiennes présentes dans les collections du Musée du quai Branly, soit environ dix mille objets ; le Mali, le 29 janvier 2020, pour seize biens listés dans une annexe ; Madagascar, le 20 février 2020, dans la perspective du soixantième anniversaire de l'indépendance, demande la restitution du dais de la couronne de la dernière reine malgache Ranavalona III, actuellement conservé au Musée de l'Armée.
Ces demandes sont peu nombreuses, certaines, mais d'une ampleur très variable : la demande tchadienne – dix mille objets – ou celle de l'Éthiopie exigeront un travail considérable d'investigation et d'études historiques. À l'inverse, pour Madagascar, nous avions proposé une procédure de prêt, comme nous l'avions fait pour le Musée des civilisations noires (MCN) au Sénégal, en attendant la fin de la procédure habituelle. Madagascar demandait un transfert de propriété immédiat, juridiquement impossible en France du fait du caractère inaliénable des œuvres. Qui plus est, l'épidémie de covid a bloqué tout le processus alors que nous étions plutôt allants sur cette affaire. La liste que je viens de vous détailler a été arrêtée le 24 septembre dernier : il s'agit donc d'un état des lieux extrêmement précis et récent.
Vos interventions l'ont rappelé : les principes sont clairs et il faut veiller à étudier l'histoire et l'origine de ces biens, en les contextualisant. Les biens des musées français ne sont pas systématiquement des biens pillés ou spoliés. C'était toute la difficulté du rapport de Mme Savoy et M. Sarr : comment définir quels biens en provenance d'Afrique sont des biens spoliés ? Doit-on estimer qu'ils le sont par définition ? L'UNESCO – et c'est la raison pour laquelle je suis assez réservée à l'idée d'une intervention de sa part – est allée encore plus loin, puisqu'elle a récemment adopté une résolution indiquant que les œuvres venant d'Afrique et conservées dans les musées occidentaux ont toutes été volées ! On ne peut que regretter cette radicalisation. Lui confier, à partir de présupposés aussi violents et aussi systématiques, le soin de présider aux procédures de restitution me paraît donc, en l'état actuel du débat, extrêmement dangereux.
Plusieurs d'entre vous – comme d'ailleurs les sénateurs – ont parlé de « déclassement ». De grâce, gardez-vous d'utiliser ce mot : le déclassement n'intervient que lorsque l'objet conservé n'a plus de valeur patrimoniale. Or, en l'espèce, c'est justement parce qu'il en a une que les pays d'origine en souhaitent la restitution. Si nous déclassions des œuvres pour les rendre parce qu'elles sont sans intérêt, nous n'aurions plus de problèmes !
Vous appelez de vos vœux une plus grande circulation des biens culturels. Bien sûr ! Il faut restituer ces objets, mais je souhaite également qu'à Cotonou ou à Dakar, on voit des expositions Matisse, Picasso ou Léonard de Vinci. Rappelons toutefois qu'il s'agit souvent d'œuvres très fragiles, qui exigent beaucoup de précautions ; l'organisation d'une telle exposition est extrêmement coûteuse. Je ne suis pas vraiment fan de culture numérique, mais le développement de visites immersives dans les musées offre bien des possibilités plutôt que de véhiculer des œuvres dans des conditions de dangerosité extrême. D'ailleurs, sur les 2 milliards d'euros alloués à la culture dans le plan de relance, 400 millions sont dédiés au développement de la culture numérique, pour faciliter l'accès aux œuvres. Cette approche me paraît tout à fait intéressante et mérite qu'on s'en empare.
M. Raphaël Gérard s'est interrogé sur les moyens que le Quai d'Orsay entend consacrer au renforcement de la coopération scientifique et aux partenariats muséographiques. Le ministère de la culture et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères travaillent avec leurs opérateurs à la mise en œuvre de partenariats ciblés, avec notamment l'appui de l'AFD et d'Expertise France, surtout dans la phase de préparation. C'est le cas au Bénin pour le musée d'Abomey, afin de définir la programmation du futur musée, ou à Cotonou, où nous accompagnons la rénovation du musée national. Le Musée du quai Branly-Jacques Chirac est tout à fait impliqué : il a par exemple été un important prêteur, à hauteur de 12 millions d'euros, pour l'ouverture du Musée des civilisations noires de Dakar.
Vous m'interrogez sur la signature de futurs accords bilatéraux pour la restitution d'œuvres d'art. Tout dépend de la définition juridique que l'on donne d'un accord bilatéral. Nous avons écarté le recours à ce type d'accord international au profit d'une loi spécifique. Il est vrai que ces accords, dont la négociation aurait été engagée à l'initiative des autorités françaises, auraient pu prévoir que l'État partenaire sollicite la restitution de biens culturels, mais aussi définir la procédure d'instruction de la demande et les conditions de la restitution. Mais de tels accords, conclus aux fins de restitution de biens culturels, sont nécessairement soumis au Parlement en application de l'article 53 de la Constitution. Nous avons donc retenu la loi ad hoc pour atteindre le même objectif.
D'autres types d'accords bilatéraux propres, qui se rapprocheraient d'un arrangement administratif de coopération, ne nécessitent pas de ratification par le Parlement, et peuvent déjà accompagner le processus de restitution – c'est le cas avec le Bénin où un programme de travail commun a été signé à Cotonou en décembre. De même, afin que les restitutions de biens culturels soient un des éléments au sein de coopérations plus larges, la déclaration conjointe du 17 novembre 2019, issue du quatrième séminaire intergouvernemental franco‑sénégalais, prévoit le renforcement du partenariat culturel entre le Sénégal et la France dans le domaine muséal, grâce à une meilleure circulation des œuvres.
Quelles pourraient être les prochaines restitutions acceptées par la France suite à la demande d'un État étranger ? Il est encore trop tôt pour le dire. Les demandes sont encore peu nombreuses et loin d'être toutes affinées.
Quelles garanties sont apportées quant à l'accès du plus grand nombre à ces biens culturels, me demande M. Stéphane Testé ? C'est la préoccupation centrale des deux États qui nous ont fait la demande de restitution : ils tiennent à ce que les œuvres soient visibles et les conditions de présentation des œuvres au public sont au cœur de leur démarche. La condition est totalement remplie pour le sabre d'El Hadj Omar Tall puisqu'il est d'ores et déjà visible au Musée des civilisations noires de Dakar. Quant aux vingt-six œuvres originaires du palais d'Abomey, elles ont vocation à rejoindre le site du futur musée.
En complément des propos de Mme la ministre, auxquels je souscris, je partagerai quelques éléments issus de nos auditions.
Monsieur Gérard, vous évoquez une éventuelle loi-cadre. En l'état actuel des demandes, les projets de loi au cas par cas sont opérants, mais je ne ferme la porte d'emblée à une loi-cadre. J'aime réfléchir avec les autres : nous pourrions nous pencher sur son intérêt. L'étude que suggère M. Fuchs me semble intéressante : peut-être démontrera-t-elle la complexité des critères pour établir un projet de loi-cadre, au point de conclure que le cas par cas n'est pas si mal ! Mais je n'ai pas la réponse.
Vous vous interrogez également sur les moyens et les modalités de ces restitutions. Vous le savez mieux que moi mais quand, en 2016, le Bénin a essuyé un premier refus au motif de l'inaliénabilité de la part du ministre des affaires étrangères de l'époque, ce dernier et le ministère de la culture n'ont pas attendu les bras croisés pour entamer une réflexion sur cette démarche historique et scientifique, pleinement intégrée par les professionnels des musées, mais également par les différents services des ministères, afin de caractériser très précisément la nature et la provenance des objets.
Quant aux moyens des deux ministères, ils sont suffisants puisqu'il s'agit de cas isolés. En outre, en lien avec MM. Emmanuel Kasarhérou et Yves Le Fur, du Musée du quai Branly, les ministères ont démontré leur capacité à apporter une réponse, même après un premier refus. Sans oublier, fait nouveau, que l'AFD accompagne désormais financièrement les projets culturels ; c'est le cas au Bénin. La coopération financière est donc opérationnelle.
Madame Le Grip, nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen de vos amendements, mais nous comprenons votre souci de ne faire aucune entorse au principe d'inaliénabilité. Nous l'avons répété, les biens restitués doivent pleinement répondre au caractère de provenance mal acquise, relevant d'opérations militaires ou de spoliation ; mais il est hors de question pour l'heure de répondre automatiquement aux différentes demandes. Mme la ministre l'a rappelé : elles sont peu nombreuses et sont systématiquement précédées d'une étude scientifique et historique. Il s'agit d'une garantie, apportée par des professionnels. Le vote de telles lois d'exception au principe d'inaliénabilité est une forme de main tendue, liée à des raisons bien particulières. Je ne reprendrai pas ici les arguments, très intéressants, développés par chacun d'entre vous. On ne remet pas en cause le principe d'inaliénabilité quand on est en mesure de reconnaître la nature et la provenance des objets. C'est une condition préalable à laquelle chacun d'entre nous est très attaché. J'espère que l'examen des amendements finira de vous convaincre que nous pouvons trouver un terrain d'entente.
Madame Dubois, vous avez raison, nous sommes sur une ligne de crête, entre examen des demandes au cas par cas et réflexions sur l'intérêt d'un projet de loi-cadre. Nous devons réussir à trouver un équilibre entre les demandes, légitimes, des États africains et la dimension universaliste des musées occidentaux.
Peut-on procéder sans risque à l'examen de nouvelles demandes ? Oui, car notre démarche est rigoureuse : des recherches sont entreprises à condition qu'un État fasse une demande. Certains d'entre eux sont dans une forme de surenchère – j'espère que M. Larive excusera l'emploi de ce terme – et revendiquent des collections, sans informations précises sur la manière dont elles ont été ramenées en Europe. Dans tous les cas, il faut accompagner chacune des demandes et en démontrer la légitimité et la pertinence et, plus les demandes sont ciblées, plus nous serons capables d'y répondre.
Monsieur Testé, Mme la ministre l'a souligné, le MCN démontre la capacité du Sénégal à accueillir le plus grand nombre dans un équipement absolument remarquable, paradoxalement financé par la Chine… Nous devons pouvoir répondre aux sollicitations des pays africains quand ils font appel à Expertise France ou à nos savoir-faire pour accompagner leurs projets.
Enfin, madame Cazarian, vous souhaitez savoir si la restitution des vingt-six objets béninois sera progressive. Non, ils seront tous restitués au même moment, dans un délai maximal d'un an. Les objets ne seront initialement pas accueillis dans le musée, dont la création a été décidée mais qui en est encore au stade de concept. Madame Buffet a raison, les travaux n'ont pas encore commencé mais la procédure est actée. Dans un premier temps, ces œuvres seront accueillies dans un musée à Ouidah, avant d'être transférées dans ce nouvel établissement de près de 4 000 mètres carrés, censé accueillir trois cent cinquante autres objets répertoriés.
Cet exemple me permet, en conclusion, de saluer la qualité de la relation entre la France et le Bénin, dans le cadre du comité de coopération muséale et patrimoniale, dont nous avons auditionné le président et le vice-président. Il s'agit d'un véritable projet culturel et touristique : le projet vise à mettre en avant les objets restitués, objets historiques, mais aussi le savoir-faire des artisans. En effet, dans l'histoire du Bénin, le royaume du Dahomey sollicitait des artisans et des artistes professionnels pour la cour et ce savoir-faire s'est un peu estompé avec le temps. Le Bénin souhaite le remettre en valeur dans ce site réhabilité.
La commission passe à l'examen des articles.
La commission examine l'amendement AC3 de Mme Constance Le Grip.
Cet amendement vise à rédiger ainsi le début de la première phrase : « Par dérogation au principe d'inaliénabilité des collections publiques françaises inscrit à l'article L. 451‑5 du code du patrimoine, », par parallélisme avec la rédaction de l'exposé des motifs du projet de loi. Nous sommes tous attachés à la pérennité de ce principe, qui mérite une mention dans la loi.
Sauf erreur de ma part, personne n'entend remettre en cause le principe d'inaliénabilité des collections, mais une telle mention aurait peut-être le mérite de rassurer ceux qui s'interrogent sur le devenir de cette procédure de restitution qui doit, par principe, faire l'objet d'une loi autorisant une telle dérogation. Je ne vois pas d'inconvénient à ce qu'on apporte cette précision.
Ce principe est au cœur du projet de loi. Sa mention au début de l'article 1er me paraît opportune. Mon avis sera donc favorable.
La commission adopte l'amendement.
Suivant l'avis favorable de la ministre, elle adopte l'amendement rédactionnel AC7 du rapporteur.
Elle en vient à l'amendement AC5 de Mme Constance Le Grip.
Cet amendement, dans le droit fil du précédent, vise à préciser les conditions opportunes pour la mise en œuvre du processus de restitution, dérogeant au principe général d'inaliénabilité du domaine public. Je remercie M. le rapporteur et M. la ministre de leur avis favorable sur mon premier amendement. J'espère que leur avis sera identique pour celui-ci !
Votre amendement exige que le processus de restitution se fasse en considération des conditions optimales d'accueil, de conservation et de présentation au public des œuvres concernées.
Le projet de loi adresse un message de la France à des pays anciennement colonisés – République du Bénin et République du Sénégal – dans un dialogue d'égal à égal. Nous devons être extrêmement attentifs au message que nous allons délivrer : il doit être positif, une main tendue. En multipliant les conditions et en nous interrogeant sur la manière dont les œuvres seront conservées et présentées, nous prenons le risque de froisser. Au Sénégal, les conditions d'exposition ne posent aucun problème, la qualité du Musée des civilisations noires ne justifie aucune inquiétude sur les conditions de conservation ; s'agissant du Bénin, les auditions de AFD et du comité chargé de la coopération muséale et patrimoniale entre la France et le Bénin ont confirmé le sérieux du projet ; c'est un équipement aux normes internationales qui attend les Béninois.
Il est préférable d'affirmer une forme de confiance plutôt que d'inscrire dans un texte condition qui risquerait de froisser. Je vous invite à retirer cet amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
L'argumentation du rapporteur a été excellente, je me rallie à sa demande de retrait. La logique de cette proposition me paraît même presque orthogonale à celle de l'amendement AC3, qui rappelle que nous agissons par dérogation, au cas par cas.
En l'occurrence, les bonnes conditions de conservation, de présentation et d'accueil du public sont assurées. Elles sont actées au Sénégal, on le constate en visitant le Musée des civilisations noires. Et une collaboration muséale très active, largement soutenue financièrement par la France, garantira la qualité de la présentation des œuvres au Bénin.
Comme l'a excellemment expliqué le rapporteur, cet amendement peut laisser transparaître une forme de méfiance, voire de condescendance vis-à-vis des opérateurs patrimoniaux et muséaux au Bénin et au Sénégal. Qui plus est, une fois la propriété transférée, nous n'aurons plus aucun moyen de vérifier son application : autrement dit, il n'est pas opérationnel. Mais surtout, il risque de fragiliser le nouveau rapport de confiance que nous souhaitons instaurer avec les pays africains.
Je suis sensible aux arguments du rapporteur et de la ministre : mon intention n'était absolument pas de manifester une quelconque défiance ou condescendance à l'égard du Sénégal ou du Bénin. Je souhaitais plutôt insister sur le fait que la République française, par l'intermédiaire du ministère de la culture, de l'AFD ou des grandes organisations muséales françaises, est partie prenante du processus de restitution et va travailler à la mise en place des modalités d'accompagnement, de formation et d'expertise. Il me semblait utile de relayer cet important travail et ce fort engagement pour l'avenir, car nous souhaitons une coopération culturelle et scientifique riche et apaisée. Mais après avoir entendu vos explications, je retire mon amendement.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article 1er, modifié, et son annexe.
Article 2 : Sortie des collections publiques du sabre d'El Hadj Omar Tall et restitution à la République du Sénégal
La commission est saisie de l'amendement AC4 de Mme Constance Le Grip.
Il s'agit de rappeler, comme dans l'article précédent, que ces mesures sont prises par dérogation au principe d'inaliénabilité des collections publiques françaises.
Suivant l'avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, la commission adopte l'amendement.
Elle adopte les deux amendements rédactionnels AC8 et AC11 du rapporteur.
Elle en vient à l'amendement AC6 de Mme Constance Le Grip.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article 2, modifié, et son annexe.
Elle adopte ensuite, à l'unanimité, l'ensemble du projet de loi, modifié.
La séance est levée à seize heures cinquante.
Présences en réunion
Réunion du mercredi 30 septembre 2020 à 15 h 00.
Présents. – Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Géraldine Bannier, M. Pascal Bois, M. Pierre-Yves Bournazel, M. Bertrand Bouyx, Mme Marie-George Buffet, Mme Céline Calvez, Mme Danièle Cazarian, Mme Sylvie Charrière, M. Stéphane Claireaux, Mme Jacqueline Dubois, M. Bruno Fuchs, M. Raphaël Gérard, Mme Florence Granjus, M. Régis Juanico, M. Yannick Kerlogot, M. Michel Larive, M. Gaël Le Bohec, Mme Constance Le Grip, Mme Sophie Mette, Mme Sandrine Mörch, Mme Béatrice Piron, Mme Florence Provendier, Mme Cathy Racon-Bouzon, M. Bruno Studer, M. Stéphane Testé, Mme Michèle Victory
Excusés. – M . Bernard Brochand, Mme Anne Brugnera, Mme Annie Genevard, Mme Josette Manin, M. Bertrand Sorre
Assistaient également à la réunion. – M . Hubert Julien-Laferrière, Mme Marion Lenne