Le présent projet de loi vise à restituer des biens culturels à la République du Bénin et la République du Sénégal. La France, particulièrement pendant sa période coloniale, a enrichi ses collections publiques grâce à des biens culturels provenant de ses dites colonies. Depuis de nombreuses années, plusieurs nations africaines en réclament légitimement la restitution.
Le rapport dressant un état des lieux des objets africains détenus en France, qu'ont rédigé Bénédicte Savoy du Collège de France et Felwine Sarr, de l'université de Saint-Louis au Sénégal, préconise un programme de restitution des biens culturels bien plus audacieux que votre projet de loi puisque ses auteurs appellent à restituer également des œuvres au Nigeria, à l'Éthiopie, au Mali ou encore au Cameroun.
Nous ne parlerons donc pas aujourd'hui des objets issus de butins de guerre, ni de centaines d'objets africains donnés aux institutions françaises par des officiers ou des médecins militaires, des milliers de pièces issues de missions d'exploration ou données aux musées français par des agents de l'administration coloniale ou leurs descendants. Ainsi, de nombreux pays ayant formulé des demandes de restitution de biens culturels à la France n'obtiendront pas satisfaction avec ce texte.
Pour la République du Sénégal, pourtant concernée par ce texte, la restitution est très incomplète. Parmi les biens culturels sénégalais détenus par la France, citons le trésor de Samory, héros de la résistance africaine face à l'expansion coloniale, fondateur de l'empire wassoulou, qui a résisté pendant deux décennies à la pénétration française en Afrique de l'Ouest sur un territoire actuellement situé entre la Guinée et la Côte d'Ivoire. Arrêté à l'automne 1898, après une campagne de représailles menée par le général français Henri Gouraud, il est déporté au Gabon où il meurt deux ans plus tard. Son trésor est saisi lors de sa reddition et le général Gouraud en donne une partie au musée de l'Armée.
Le présent projet de loi prévoit uniquement la restitution d'un sabre, certes à forte portée symbolique, mais n'inclut pas d'autres pièces comme celles du trésor de Samory. Ce sont pourtant toutes les œuvres identifiées comme étant celles du Sénégal que l'actuel ministre sénégalais de la culture réclame.
Le texte présenté, incomplet, témoigne d'une opération de communication opportune du Gouvernement : la restitution d'œuvres serait la preuve de nouvelles relations entre la France et ses anciennes colonies. Le discours de Ouagadougou a été évoqué. Pourtant personne n'a oublié les propos offensants du Président de la République française envers le président burkinabé ce jour-là. Celui-ci avait d'ailleurs quitté la salle après une remarque déplacée du chef de l'État français, qui a préféré ironiser en affirmant que M. le président du Burkina Faso était parti réparer la climatisation… M. Emmanuel Macron a également refusé de se prononcer contre le franc CFA.
Enfin, nous ne pourrions étudier ce projet de loi sans pointer les promesses non tenues du candidat Macron sur l'aide publique au développement. En 2020, seuls 210 millions d'euros supplémentaires ont été alloués à cette mission. Il semble donc évident que l'objectif de porter l'aide publique au développement à 0,55 % du produit intérieur brut d'ici à la fin du quinquennat ne sera pas tenu.
Le texte semble être à l'image de la politique de la France envers le continent africain depuis 2017 : beaucoup de communication mais aussi de contradictions, d'insuffisances et de renoncement.
Malgré tout, le groupe La France insoumise votera pour ce texte, afin que les biens culturels appartenant aux Béninois et aux Sénégalais leur soient justement et légitimement restitués.