Intervention de Emmanuelle Anthoine

Réunion du mercredi 30 septembre 2020 à 15h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Anthoine :

En 1892, le général Alfred Amédée Dodds conduit la campagne du Dahomey. Lors de la prise de la ville d'Abomey dans l'actuel Bénin, il s'empare du trésor de Béhanzin, des œuvres qui se trouvaient au sein du palais, que le onzième roi du Dahomey fit incendier à la suite de la prise de la ville par les Français, le 17 novembre 1892. Le général Dodds, métis franco-sénégalais à la tête des troupes françaises, récupère ce trésor qu'il léguera par la suite au musée d'ethnographie du Trocadéro, et qui est désormais conservé au Musée du quai Branly-Jacques Chirac.

Après la demande officielle de restitution de la République du Bénin, le Président de la République, sur proposition du Musée du quai Branly-Jacques Chirac et du ministère de la culture, a annoncé que la France procéderait à cette restitution. La demande, limitée à une liste précise d'œuvres, s'inscrit dans la volonté du Bénin de mieux appréhender son histoire, et dans le cadre d'un projet de musée porté par la République du Bénin et pour lequel l'Agence française de développement a prévu un prêt de 12 millions d'euros. La France entend ainsi participer à ce projet dans le cadre du programme de travail franco-béninois, signé le 16 décembre 2019 à Cotonou.

Autre histoire : en avril 1893, au cours des combats qui ont lieu à Bandiagara contre Amadou Tall, le colonel Louis Archinard récupère un sabre attribué au père de celui-ci, El Hadj Omar. En 1909, le général Archinard fait don de ce sabre au musée de l'Armée. Le Président de la République du Sénégal, M. Macky Sall, en a demandé la restitution au Président de la République française en juillet 2019, demande à laquelle le Premier ministre a répondu favorablement en novembre. Comme vous l'avez indiqué, le sabre est exposé au Musée des civilisations noires de Dakar, depuis son ouverture en décembre 2018. Il est maintenant nécessaire d'acter cette restitution de fait par une sortie des collections nationales.

Ces restitutions d'œuvres s'inscrivent dans le cadre d'une coopération culturelle avec le Sénégal et le Bénin. Le groupe Les Républicains soutient cette initiative à partir du moment où des garanties sont apportées. Nous sommes fortement attachés aux grands principes d'inaliénabilité, d'imprescriptibilité et d'insaisissabilité des collections.

C'est avant tout parce que le projet de loi prévoit une simple dérogation à ces principes, et non leur remise en cause, qu'il est acceptable à nos yeux.

Ces restitutions sont d'une part limitées à certaines œuvres. Elles doivent le rester car elles répondent à des demandes précises des pays. Elles s'effectuent d'autre part avec des garanties de bonne conservation qu'il serait opportun de rappeler. Des amendements ont d'ailleurs été déposés en ce sens, qu'il conviendra d'adopter.

Il est également important de pouvoir octroyer à ces pays le matériau muséal dont ils manquent cruellement pour pouvoir retracer leur histoire et leur culture. Soulignons que les musées français ont conservé ces œuvres non dans une volonté d'appropriation nationale de ces trésors de l'humanité, mais avec une dimension universaliste qui consistait à préserver ce patrimoine mondial. C'est dans nos musées que peut s'opérer le dialogue entre les cultures ; il faut donc veiller à ne pas associer aux œuvres qui s'y côtoient la marque d'une revendication avant tout nationaliste. Il doit être ici question non d'appropriation par un pays plutôt qu'un autre, mais de partage de nos expériences culturelles.

L'histoire particulière de ces biens culturels, que j'ai évoquée dans la première partie de mon propos, doit par ailleurs nous inviter à mieux retracer le parcours des œuvres jusqu'à nos musées. Il est important de pouvoir distinguer si elles proviennent d'acquisitions légales ou illicites, distinguo sur lequel nos musées font un travail remarquable, que je tiens à saluer.

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