Je félicite également le rapporteur pour l'ampleur du travail qu'il a accompli ainsi que pour la qualité et la précision de son rapport.
Soyons francs, l'examen de ce projet de loi revêt avant tout une dimension symbolique. Il faut bien sûr nous en réjouir. Si nous portons collectivement la volonté qu'il manifeste, ce texte est aussi de nature à ouvrir une refondation profonde de notre histoire et de nos rapports avec les pays auxquels nous lie un passé colonial. Félicitons-nous donc de pouvoir collectivement porter cette ambition à partir d'aujourd'hui.
Félicitons-nous également du chemin parcouru en quelques années, sous l'impulsion du Président de la République : souvenons-nous qu'en 2016, M. Jean-Marc Ayrault, alors ministre des affaires étrangères, avait balayé la restitution demandée par le Bénin, en se réfugiant derrière la complexité des règles du code civil et du code du patrimoine. En 2018, le Président de la République avait déclaré que le patrimoine africain devait être mis en valeur à Paris mais aussi à Dakar, Lagos, Cotonou, et souhaité que d'ici à cinq ans, les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain. Il a fallu un courage politique inédit au Président de la République pour opérer un virage radical lors du discours de Ouagadougou.
C'est la raison pour laquelle le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés soutiendra ce projet de loi. Il appelle surtout à amplifier ce mouvement et à le rendre beaucoup plus ambitieux. De fait, le texte n'apporte qu'une réponse immédiate, ponctuelle et très partielle. À ce stade, il ne répond clairement pas à l'ambition exprimée par le Président de la République, et que je partage. Le texte invite en effet à réfléchir sur les règles qui entourent les restitutions, telles qu'elles sont actuellement permises. Nous souhaitons qu'à travers une mission ou un rapport parlementaire, qui associerait la commission des affaires étrangères et notre commission, nous puissions redéfinir le principe d'inaliénabilité des collections des musées publics, et comprendre comment transformer les dispositions de l'article L. 451-7 du code du patrimoine, qui empêche le déclassement des œuvres issues d'un legs ou d'un don, sans passer par une loi ad hoc.
À l'issue de cette démarche, l'objectif est de proposer une loi-cadre sur les restitutions, afin de leur donner une procédure claire, lisible et fluide, qui ne serait pas dépendante des aléas ou du bon vouloir politique ou réglementaire. Tout l'intérêt sera de créer alors un subtil équilibre entre exigence de préservation du patrimoine français et création d'une procédure de restitution universelle.
C'est ainsi que nous pourrons répondre aux questions que ce texte soulève, notamment sur le renforcement de l'accès aux musées africains, la formation des conservateurs et restaurateurs d'œuvres d'art, la facilitation des prêts, de la circulation et du dialogue, de musée à musée, ou le déploiement de l'expertise de l'agence France-Muséums à travers le monde. Nous devons également dépasser la notion de restitution pour fonder une politique partenariale sincère et équitable, construite sur une confiance réciproque avec les États et les musées africains.
J'appelle enfin l'attention sur l'indispensable suivi des œuvres restituées. Le risque peut exister de voir se perdre la trace de ces œuvres dans des pays soumis parfois à une instabilité politique importante et croissante. Des institutions existent, comme l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), qui nous semblent particulièrement adaptées à ce processus.
Enfin, je rappellerai la portée universelle de ces œuvres. Quiconque s'est rendu au Musée du quai Branly-Jacques Chirac a pu ressentir la profondeur humaine des objets dont nous parlons. C'est le sens même de la philosophie humaniste qui nous inspire depuis deux siècles : rendre accessible au plus grand nombre le legs artistique, culturel et spirituel de nos histoires, devenu notre histoire.
L'initiative que nous nous apprêtons à voter aujourd'hui est décisive, à bien des égards, mais elle ne peut rester à ce stade d'ébauche. C'est pourquoi nous appelons à lui donner rapidement sa pleine dimension.