Intervention de Michel Larive

Réunion du mercredi 21 octobre 2020 à 14h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Larive, rapporteur pour avis sur les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » :

La présente mission doit être jugée au regard des difficultés inédites et redoutables que traversent le mouvement sportif et les milieux associatifs. Le sport amateur et professionnel français attend un soutien face aux conséquences dévastatrices de la crise sanitaire.

Nous parlons d'associations amateurs et de clubs professionnels qui ont souffert d'une paralysie totale ou partielle des structures de la pratique sportive entre mars et juin 2020.

La levée du confinement en mai 2020, puis les conditions de la reprise, n'ont pas signifié un retour à la normale. D'après les prévisions, à quelques exceptions notables – par exemple, le handball et le rugby –, le nombre de licenciés sportifs devrait baisser sensiblement à la rentrée 2020. Certains organismes évoquent même la perspective d'une réduction de 20 % à 30 % dans certaines disciplines.

Au-delà de l'adhésion et de l'animation des associations sportives, c'est toute une économie qui voit ses fondements ébranlés.

S'agissant du sport amateur, l'enquête réalisée au printemps 2020 par la Centrale du Sport évalue ainsi à 6 747 euros en moyenne la perte occasionnée aux clubs par la suppression des événements sportifs. Le sport professionnel subit quant à lui une profonde déstabilisation de son modèle d'affaires. La menace pèse en particulier sur les disciplines dont une part importante des ressources provient des droits télévisuels.

À bien des égards, le tableau apparaît tout aussi sombre pour les milieux associatifs. En effet, les associations subissent encore les effets mortifères de l'épidémie de covid-19. Pour nombre de structures, la crise a provoqué soit une suspension d'activité – plus ou moins durable –, soit au contraire un afflux de demandes auxquelles elles pouvaient difficilement répondre. Elles expriment de vives préoccupations. La première porte sur la disponibilité des bénévoles compte tenu des risques de santé auxquels ils s'exposent et de leur situation économique et professionnelle. La seconde touche à la capacité à garantir l'équilibre financier des structures face à la menace d'une réduction des ressources et d'un épuisement des trésoreries.

En pareilles circonstances, la programmation de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » pour 2021 relève à bien des égards d'un budget en trompe l'œil.

Le PLF 2021 propose d'allouer à la mission près de 1 490,93 millions d'euros en autorisations d'engagement et 1 369,42 millions d'euros en crédits de paiement. Par rapport à la LFI 2020, les autorisations d'engagement progressent de 5,5 % et les crédits de paiement de 12,51 %.

Cela étant, quels sont les ressorts de ce volontarisme budgétaire de façade ?

Il s'agit d'abord et surtout de la préparation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, objet du programme 350. Il s'agit ensuite de la poursuite du déploiement du Service national universel (SNU), qui accapare le programme 163. En dehors de ces deux postes, le Gouvernement ne propose pas de réelle inflexion dans le soutien apporté au sport, à la jeunesse et à la vie associative. Le Gouvernement renvoie systématiquement au plan de relance. Je tiens à rappeler qu'il s'agit là d'un instrument ponctuel dont les crédits seront consommés sur une période de deux ans.

Dans son état initial, le projet de loi de finances prévoyait de porter le produit global destiné à l'Agence nationale du sport (ANS) à 170,54 millions d'euros. Cette mesure résulte notamment de la hausse du produit de la taxe Buffet affecté à l'ANS à hauteur de 24,1 millions d'euros. Avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a relevé le plafond de cette contribution de 10 millions d'euros en séance publique. En conséquence, le plafond de cette taxe correspond à son rendement prévisionnel, soit 74,1 millions d'euros. Néanmoins, cette mesure ne signifie pas nécessairement des ressources supplémentaires en net pour l'ANS, ni pour les actions du programme 219 qui est à budget quasi constant par rapport à l'année dernière, annihilant ainsi l'effet du relèvement de cette taxe.

En pratique, le budget de l'Agence supporte des missions et des charges croissantes. La participation au financement de la rénovation de certains équipements sportifs agréés, comme les centres de préparation des Jeux (CPJ), en constitue l'exemple le plus récent.

En réalité, la programmation budgétaire ne correspond ni aux ambitions du ministère chargé des sports, ni aux enjeux de la vie associative.

Comme en 2019, le Gouvernement propose d'accorder peu de ressources nouvelles à la mission. En revanche, il maintient la priorité accordée au financement de projets sans rapport avec les aspirations de la jeunesse et des milieux associatifs. Je ne m'attarderai pas ici sur le programme 350. Depuis 2018, il vise à retracer l'ensemble des ressources spécifiquement accordées par l'État à la préparation matérielle des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Le programme traduit donc le poids croissant – mais connu – des engagements pris par la puissance publique pour l'organisation de cet événement. Chacun jugera, suivant ses convictions, du bien-fondé de cet investissement.

À l'évidence, le programme 219 mérite davantage l'attention. Si le plan de relance annonce 120 millions de crédits, le programme enregistre pour sa part une augmentation totale très peu significative de ses ressources. En l'occurrence, le montant des crédits demandés s'élève à 436,50 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 435,61 millions d'euros en crédits de paiement. Par ailleurs, le PLF poursuit la réduction des effectifs relevant du programme 219, c'est-à-dire des conseillers techniques sportifs (CTS). Il prévoit de ramener le plafond d'emplois de 1 529 à 1 481 équivalents temps plein travaillés (ETPT). Ainsi, il accentue les mouvements de personnel qui, depuis plusieurs exercices, affaiblissent les ressources humaines du programme 219 et, a fortiori, celles du ministère chargé des sports. Sur ce point, deux chiffres illustrent mieux que tous les discours l'ampleur des pertes subies : entre 2007 et 2018, le nombre d'agents serait passé de 8 050 à 4 453.

Il importe de prendre du recul par rapport à des schémas d'emplois et des mesures de réorganisation qui affaiblissent les moyens d'action de la puissance publique. Je pense à la réforme des CTS.

La place prise par l'ANS dans le financement et l'animation de la politique du sport soulève également bien des questions. Ainsi, je demande au Gouvernement une évaluation de l'action de l'Agence et des obligations qui la lient à l'État dans le cadre du projet de convention d'objectifs et de moyens en cours de finalisation.

En ce qui concerne le programme 163, le moins que l'on puisse dire est que le soutien apporté à la vie associative et à la jeunesse se révèle bien dérisoire au regard de l'extrême concentration des crédits en faveur du SNU. Le PLF 2021 propose d'affecter à l'ensemble du programme la somme de 699,73 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Cependant, sur les 39,52 millions d'euros supplémentaires inscrits, le SNU accapare 32,42 millions d'euros. Sa dotation atteint donc 62,26 millions d'euros. En comparaison, les crédits demandés pour le Service civique stagnent. C'est pourtant ce dernier dispositif qui est plébiscité par les jeunes, plutôt que le SNU – dont les premiers intéressés ne veulent pas.

Je me réjouis de la hausse des crédits demandés pour la création de « postes FONJEP » dans le cadre du programme 163. De la part de ce gouvernement, cela marque peut‑être un intérêt nouveau pour le développement de l'emploi au sein des associations. À tout le moins, il s'agit là d'une inflexion que ne laissait pas présager la politique suivie en matière de contrats aidés.

Qui peut comprendre, en revanche, la relative stabilité des moyens affectés au FDVA ? En l'occurrence, le PLF 2021 lui attribue près de 33,08 millions d'euros, soit une somme en léger retrait par rapport à 2020. Or, les amendements que nous examinerons ultérieurement le montrent : il existe au sein de cette commission un consensus réel sur la nécessité de renforcer et d'étoffer cet outil indispensable au soutien de nos associations. Nous pouvons, nous devons aller plus loin, par exemple en adossant aux deux volets d'action existants un volet d'actions structurelles et conjoncturelles.

Conforter le soutien à la jeunesse, à l'engagement et à la vie associative suppose sans nul doute de surmonter une obstination déraisonnable : le surinvestissement dans le SNU. Le projet annuel de performance table sur le recrutement d'une cohorte de 25 000 jeunes mais le dispositif ne rencontre pas l'adhésion. En outre, son déploiement soulève des problèmes d'organisation qui peuvent décourager bien des volontaires parmi les encadrants. Surtout, quelle utilité accorder au SNU ? De l'avis de nombre d'observateurs, la durée de séjour de cohésion ne favorise pas le partage de valeurs communes. De surcroît, les formations et les modalités d'engagement du SNU peuvent présenter un caractère redondant avec celles assurées dans d'autres cadres. Pensons ici aux enseignements de l'Éducation nationale ou aux journées défense et citoyenneté (JDC). À l'évidence, les ressources du service national universel pourraient être mieux employées. Dans cette optique, je défendrai tout à l'heure des amendements proposant une réaffectation des crédits à des fins plus utiles.

Chers collègues, sur bien des points la programmation proposée nécessite de profonds infléchissements.

C'est donc en considération des doutes sur son efficacité et par opposition à certaines de ses priorités qu'en tant que rapporteur je donne un avis défavorable au vote des crédits de la mission.

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