Intervention de Céline Calvez

Réunion du mardi 27 octobre 2020 à 21h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCéline Calvez, rapporteure pour avis pour la mission « Médias, livre et industries culturelles » :

La mission « Médias, livre et industries culturelles » et le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » ne font pas exception : le budget alloué à ces différents secteurs sera exceptionnel en 2021, car les circonstances le sont.

Avec 606,5 millions d'euros, la mission « Médias » est dotée de près de 20 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2020. C'est indispensable, car la crise sanitaire a été un cataclysme pour l'ensemble des secteurs concernés.

La presse a subi de plein fouet une double crise. La crise sanitaire a entraîné la fermeture de nombreux points de vente et l'effondrement du chiffre d'affaires pour le papier. Le secteur a ensuite connu une crise de la distribution, avec la faillite de Presstalis, qui a déposé le bilan au mois d'avril. Une nouvelle structure dénommée France Messagerie lui a succédé, moyennant une réduction massive de ses effectifs et de son périmètre d'intervention. La combinaison de ces deux facteurs a été terrible.

C'est pour y faire face qu'un plan « filière presse » d'une ampleur sans précédent a été décidé, d'un montant de 483 millions d'euros d'ici à 2022. En 2021, 136 millions d'euros y seront consacrés, dont 70 millions d'euros au titre du plan de relance. C'est un plan complet qui aidera la presse à affronter les conséquences de l'épidémie, mais aussi à accélérer sa modernisation. Il prévoit des aides pour les services de presse en ligne, d'autres pour la modernisation des imprimeries de la presse régionale ou encore deux nouveaux fonds en faveur de la transition écologique du secteur et de la lutte contre la précarité.

S'y ajoute le crédit d'impôt abonnement, instauré dans la troisième loi de finances rectificatives pour 2020, qui a été notifié à la Commission européenne. Si l'estimation qui a été faite de son coût paraît élevée, à hauteur de 120 millions d'euros sur deux ans, ce dispositif devrait indéniablement permettre de soutenir la filière presse.

En définitive, nous avons pour la presse un budget de crise autant que de refondation, et je m'en félicite.

Par ailleurs, une évolution semble bien engagée concernant les aides au transport postal de la presse. À terme, il s'agirait de renforcer le soutien au portage, pour une meilleure qualité de service et un coût moindre pour la collectivité.

Certaines questions demeurent néanmoins en suspens, s'agissant des aides à la presse, et notamment des aides au pluralisme. La lumière doit être faite sur les critères d'attribution du label « information politique et générale » (IPG), son évaluation, son éventuel retrait, ainsi que sur les montants exacts accordés d'année en année à chaque titre. Madame la ministre, avez-vous des projets pour améliorer ces aides et renforcer leur évaluation ?

Ces aides sont en hausse, et de nouvelles conventions devraient être conclues d'ici à janvier entre l'État et les médias IPG. Comment intégrer des contreparties écologiques, sociales ou sociétales à ces aides ? Par exemple, un grand travail reste à faire pour améliorer la place des femmes dans les médias de presse écrite.

Le soutien aux médias de proximité est en nette hausse, avec 250 000 euros supplémentaires sur un budget total de 1,8 million d'euros en 2021. Ces médias, souvent nouveaux ou de petite taille, contribuent au lien social de proximité en agissant à destination des jeunes, des quartiers prioritaires de la politique de la ville ou des territoires ruraux.

La Compagnie internationale de radio et de télévision bénéficie d'une dotation de 1,6 million d'euros. L'utilisation de ces crédits pose question, ainsi que la pertinence de leur affectation à cette mission.

Le livre et les industries culturelles bénéficient, quant à eux, d'une hausse de 11,6 millions des crédits de paiement en 2021. Ces sommes permettront de réarmer le Centre national de la musique (CNM) qui, à peine né, a dû faire face à l'effondrement du secteur de la musique. Ses ressources se sont effondrées suite à notre décision d'exempter les spectacles des taxes dont il devait percevoir le montant, mais nous ne mettons pas le CNM en danger, puisque nous renforçons ses capacités à agir. C'est d'autant plus important qu'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne relative aux « irrépartissables juridiques » constitue un autre coup de tonnerre, dont les conséquences pourraient s'avérer lourdes sur l'aide à la création dans notre pays. Nous avons tenté d'apporter une réponse à ce problème dans le projet de loi DDADUE.

Enfin, il serait intéressant de nous pencher, lors des prochains exercices, sur la mise à contribution des ventes de matériels d'écoute numériques au soutien à la création. Quel est votre avis sur la création d'une taxe affectée spécifique ?

L'année 2021 sera exceptionnelle pour le livre, avec un net renforcement des crédits de la Bibliothèque de France (BNF) dans le périmètre de la mission, et du Centre national du livre (CNL) dans la mission « Plan de relance ». Après une intervention d'urgence en faveur des auteurs, des éditeurs et des libraires, le CNL pourra poursuivre son soutien à une filière, très affectée par le confinement. C'est particulièrement nécessaire pour les libraires, qui attendent de voir leur chiffre d'affaires se rétablir avant de solliciter les aides pour la modernisation de leur commerce.

Au-delà de ces nouveaux moyens, je souhaite aborder le rabais de 9 % sur le prix des livres dont bénéficient les collectivités territoriales. Certaines d'entre elles souhaitent y renoncer pour mieux soutenir leurs librairies mais les dispositions combinées de la loi de 1981 sur le prix du livre et du code de la commande publique l'interdisent. Qu'envisagez-vous concernant ce rabais de 9 % ? Comment aider les collectivités qui souhaitent soutenir leurs librairies ?

Le cinéma bénéficie d'un soutien massif dans le plan de relance, avec 165 millions d'euros en faveur de toute la filière, auxquels s'ajoutent 50 millions d'euros à destination des salles de cinéma. Ce soutien est crucial, alors que le couvre-feu met une nouvelle fois en danger un secteur déjà lourdement touché par la crise. Vous avez d'ailleurs fait de nouvelles annonces la semaine dernière, notamment la création d'un bonus billetterie venant en soutien aux distributeurs, qui n'ont pas été épargnés par cette crise.

Le budget de l'audiovisuel public est globalement stable. Le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » diminue de 70 millions d'euros, mais 65 millions d'euros de crédits supplémentaires sont prévus dans la mission « Plan de relance ». La baisse de 70 millions d'euros est conforme à la trajectoire financière décidée en 2018, la contribution de l'audiovisuel public au redressement des finances publiques se poursuit donc bel et bien.

Les effets de la crise doivent toutefois être compensés, sinon la situation sera intenable pour les sociétés audiovisuelles publiques. Le plan de relance leur apporte 70 millions d'euros sur la période 2021‑2022, dont 65 millions en 2021. Sur ces 70 millions, 45 iront à France Télévisions et 20 à Radio France, qui ont été très fortement touchées par l'effondrement des recettes publicitaires. ARTE et l'INA bénéficieront chacune de 2 millions d'euros tandis que France Médias Monde et TV5 Monde seront dotées de 500 000 euros.

Les perspectives demeurent pourtant incertaines pour les années à venir. L'effet pour France Télévisions du report des Jeux olympiques de Tokyo, dont la retransmission représente un coût de 20 millions d'euros, suscite des interrogations.

La situation est également préoccupante pour ARTE, qui a procédé à de nombreuses réductions de coûts ces dernières années et doit faire face à la hausse des prix sur le marché des droits de production, en raison de l'activité importante des plateformes. Au-delà de son équilibre financier, c'est son modèle, tourné vers la coproduction d'œuvres originales, qui est menacé.

L'agenda sera également chargé pour Radio France avec la mise en œuvre de son plan social et la poursuite du chantier de la Maison de la radio.

En termes de contenus, l'année a été marquée par l'essor des offres numériques, dont le succès a été indéniable. Il faut favoriser les synergies pour offrir le meilleur du service public.

L'avenir de la contribution à l'audiovisuel public mérite toute notre attention. Vous avez déclaré que les parlementaires pourraient approfondir les réflexions à ce sujet, nous y sommes prêts. Au-delà de la question de son financement, quelle doit être la place de l'audiovisuel public dans notre société, et comment faire reconnaître sa contribution à la culture ?

J'invite notre commission à rendre un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.