La version du projet de loi que nous examinons a été enrichie par le Sénat.
Lors de la CMP, monsieur le rapporteur, vous nous avez annoncé la création d'un comité interministériel chargé du suivi des restitutions des biens culturels. Cette annonce visait purement et simplement à dévitaliser la proposition du Sénat de créer un conseil national de réflexion sur la circulation et le retour de biens culturels extra-européens. La solution que vous avez proposée, opportunément et au dernier moment, représente néanmoins une demi-mesure qui ne sera pas à la hauteur des enjeux qui ont incité nos collègues à proposer la création d'un conseil national. Vous affirmiez que ce comité interministériel permettrait de renforcer la transparence. Pourtant, on ne comprend pas très bien la plus-value qu'il apporterait à cet égard. En effet, une telle instance ne paraît pas indispensable pour que le Gouvernement fasse preuve de transparence dans ses décisions de restituer des biens culturels. Surtout, ce comité interministériel resterait par essence rattaché au Gouvernement alors que la pertinence d'un tel organisme réside dans son indépendance vis-à-vis de l'exécutif.
Le but poursuivi par la création d'un conseil national de réflexion est effectivement de s'opposer au fait du prince que l'on a pu observer par le passé et encore tout récemment. Nous ne comprenons donc pas les manœuvres que la majorité présidentielle a esquissées pour tenter de justifier le refus de la disposition proposée par le Sénat. Cela est d'autant plus incompréhensible que, lors de la première lecture, ce texte avait fait l'objet d'un véritable consensus. Il est dommage que celui-ci soit brisé par cette attitude, qui fait naître d'inutiles crispations sur un texte qui devrait recueillir sans mal l'unanimité.
La proposition de créer un conseil national de réflexion sur la circulation et le retour de biens culturels extra-européens est pourtant équilibrée, en raison des compétences scientifiques de celui-ci, et ne devrait avoir aucun mal à être adoptée. Ce conseil devrait permettre de défendre le principe d'inaliénabilité des collections publiques auquel, je le redis, nous sommes particulièrement attachés.
Ce principe a été mis à mal au cours des dernières années du fait de décisions de l'exécutif prises sans concertation. En témoigne l'exemple récent et particulièrement préoccupant de la restitution de la couronne décorative du dais de la dernière reine de Madagascar, Ranavalona III. Ces restitutions sont opérées sous forme de prêts en attendant que le Parlement confirme par la loi le fait accompli et le fait du prince, décidés sans concertation. Aucun élément ne laisse pourtant penser que ce bien culturel a fait l'objet d'un pillage qui pourrait justifier une restitution. Surtout, ce transfert est mis au service de l'opération de communication d'un président malgache qui pourrait être la cible des critiques de nombre de nos collègues.
Cette couronne va rejoindre l'enceinte royale du Rova au sujet de laquelle le Comité du patrimoine mondial de l'UNESCO a fait part de son inquiétude. Le pouvoir malgache a en effet décidé la construction, dans cette enceinte, d'un colisée en béton qui a suscité la polémique. Nous sommes donc loin des garanties souhaitées en matière de qualité de conservation du patrimoine culturel.
Cet exemple récent illustre davantage encore la nécessité de créer le conseil proposé par le Sénat. Lui seul assurerait une bonne information du Parlement, lui permettant de contrôler l'action du Gouvernement en la matière. Sans une telle instance, le déséquilibre des pouvoirs persisterait. Le conseil national de réflexion permettrait d'offrir des garanties, d'élaborer une méthode et de sécuriser les procédures de restitution des biens culturels. Le groupe Les Républicains souhaite donc son maintien dans le texte. Aussi ne votera-t-il pas les amendements déposés par la majorité visant à le supprimer.