Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Réunion du mercredi 2 décembre 2020 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION

Mercredi 2 décembre 2020

La séance est ouverte à neuf heures trente.

(Présidence M. Bruno Studer, président)

La commission examine, en nouvelle lecture, le projet de loi, modifié par le Sénat, relatif au retour de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal (n° 3526) (M. Yannick Kerlogot, rapporteur).

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Nous examinons ce matin, en nouvelle lecture, le projet de loi, modifié par le Sénat, relatif au retour de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal (n° 3526), la commission mixte paritaire (CMP), réunie le 19 novembre dernier, n'étant pas parvenue à un texte commun.

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En tant que rapporteur, j'étais, à l'issue de la première lecture, confiant quant à la possibilité d'obtenir un accord unanime des parlementaires sur la restitution d'objets mal acquis à la République du Bénin et à la République du Sénégal, Etats qui en avaient formulé la demande. De fait, le Sénat s'est prononcé unanimement en faveur des articles 1er et 2 du projet de loi, qui visent à autoriser le transfert de propriété de vingt-six objets appartenant au Trésor dit de Béhanzin et du sabre dit d'El Hadj Omar Tall.

Ce message fort exprimé par les deux chambres du Parlement vient confirmer la volonté de la France de reconsidérer ses relations avec l'Afrique subsaharienne en faisant le choix de la culture, messagère d'une intention, celle de renforcer les relations bilatérales et d'amitié avec les États béninois et sénégalais et de permettre aux citoyens de ces deux pays l'accès à un patrimoine des origines, symbolique, prestigieux et historique, qui comporte, pour une partie des objets concernés, une dimension sacrée.

Ce projet de loi, qui fait exception aux règles d'inaliénabilité, d'imprescriptibilité et d'insaisissabilité des collections publiques françaises, respecte le principe de l'étude au cas par cas des demandes de restitution. L'avenir nous dira si le nombre de ces demandes, formulées actuellement par un petit nombre de pays, augmentera à court terme, comme le pensent plusieurs des sénateurs qui ont participé à la CMP, dont les travaux n'ont pu aboutir à un accord.

Malgré une unanimité forte de sens, nous avons dû acter un désaccord sur un article additionnel qui vient modifier la portée du projet de loi initial puisqu'il tend à créer un conseil national de réflexion sur la circulation et le retour de biens culturels extra-européens. En somme, il nous est proposé, par cet article introduit par le Sénat, de nous projeter d'ores et déjà vers les possibles restitutions à venir, l'établissement de cette instance permettant, selon la rapporteure du Sénat, Mme Morin-Desailly, « une plus grande transparence dans la gestion des restitutions […] en garantissant un traitement rationnel […] et contradictoire de la question […] ».

La CMP a été l'occasion pour plusieurs collègues sénateurs de dénoncer un « fait du prince », alors que le Président de la République n'a fait, me semble-t-il, qu'exprimer sa volonté politique de lancer des démarches de restitution lors de son discours prononcé à Ouagadougou en 2017, discours qui a été suivi, dans le cadre d'une démarche diplomatique, de deux demandes de restitution formulées par deux républiques d'Afrique occidentale. En ma qualité de rapporteur, et compte tenu des informations que j'ai pu recueillir lors des auditions et de mes échanges avec les ministères concernés, je ne peux partager l'idée, exprimée lors de la CMP par un collègue sénateur, selon laquelle la diplomatie aurait prévalu sur le patrimoine dans les arbitrages interministériels. En effet, comme nous avons eu l'occasion de le préciser à plusieurs reprises depuis le début de l'examen de ce texte, les demandes béninoise et sénégalaise ont fait l'objet d'une démarche scientifique et historique entreprise de concert par les ministères des affaires étrangères et de la culture et qui a mobilisé les conservateurs des musées concernés pour confirmer l'aspect mal acquis des objets revendiqués.

À ce propos, j'aimerais partager avec vous les informations qui m'ont été récemment communiquées par le ministère de la culture et qui démontrent la volonté qui anime les conservateurs du musée du quai Branly. Depuis un an est entrepris un travail d'examen des collections visant à identifier les objets acquis par la violence ou par la contrainte administrative et ceux dont la provenance est contestée. Cette initiative porte sur l'ensemble des collections des quatre autres continents. Un premier périmètre des œuvres sur lesquelles pèsent des suspicions a été circonscrit : pour l'Afrique, 240 objets sont concernés. Ces œuvres doivent maintenant faire l'objet de recherches approfondies pour confirmer ou infirmer ces suspicions.

Les bourses de recherche du musée ont ainsi été réorientées vers la question de la provenance des œuvres. De nouvelles bourses plus spécifiques sont en cours de création, notamment avec des partenaires tels que la Bibliothèque nationale de France et l'Institut national d'histoire de l'art. Pour coordonner ces travaux, à la fois en interne et avec les partenaires extérieurs, un poste de chargé de recherche a été spécialement créé au Quai Branly ; la conservatrice recrutée à cet effet prend ses fonctions ce mois-ci.

En outre, dès que le contexte sanitaire le permettra, des missions seront effectuées dans différents pays d'Afrique concernés par cette question pour faciliter les échanges. Par réciprocité, des conservateurs africains seront invités à venir travailler à Paris. Ainsi, en 2021, le directeur du musée national du Tchad viendra étudier l'établissement d'un inventaire des collections tchadiennes en Europe, sur le modèle de ce qui a été réalisé pour le patrimoine kanak dispersé.

Rappelons par ailleurs que le Tchad a formulé en 2019 une demande de restitution concernant 10 000 objets. C'est l'occasion de rappeler que la France est saisie de deux types de demandes de restitution : les premières concernent des objets symboliques, prestigieux, inventoriés, comme le tambour du peuple Atchan, pour lequel la Côte d'Ivoire a fait connaître sa demande ; les secondes portent sur une réclamation en nombre, qui relève davantage d'une revendication, somme toute légitime, mais qui n'est pas l'expression d'une réflexion aboutie.

Pour en revenir au Tchad, il va de soi que la coopération proposée par la France devra permettre aux autorités tchadiennes de mieux saisir la réalité historique de la provenance des objets de leur pays se trouvant dans nos collections publiques. Le Tchad sera ainsi plus à même de comprendre la nécessité de revoir sa demande officielle à la lumière des connaissances scientifiques qui auront été partagées. Financièrement, pour le Quai Branly, le budget annuel des différents postes de dépenses consacrés à l'examen des collections est estimé à 200 000 euros.

Je reste convaincu que la création d'un conseil national de réflexion serait, au fond, un coin enfoncé dans l'acte de confiance qui doit prévaloir dans une démarche de restitution engageant deux États. J'en suis arrivé à la conclusion qu'une instance supplémentaire ne se justifie pas quand les parlementaires peuvent organiser des auditions et des missions leur permettant de recueillir des avis complémentaires avant de se prononcer par un vote sur un transfert de propriété. Le conseil national de réflexion résulterait, certes, d'une initiative du Parlement, qui entend défendre ses prérogatives et son indépendance, mais il constituerait à mes yeux un doublon, qui ne se justifie pas eu égard aux finances publiques, puisqu'il se surajouterait à la démarche conduite par les ministères et les musées saisis d'une demande de restitution, dont les conclusions figurent dans l'étude d'impact associée au projet de loi.

Les échanges en CMP ont porté par ailleurs sur un sujet complémentaire mais sans lien direct avec le fond du projet de loi, à savoir les conventions de prêt. L'actualité est venue, il est vrai, télescoper notre agenda au moment où le Sénat était amené à se prononcer à son tour sur les restitutions qui nous occupent. De quoi s'agit-il ? D'une convention de prêt entre la France et Madagascar qui s'est traduite par l'envoi d'un objet à haute valeur symbolique pour les Malgaches, un élément décoratif en zinc doré qui ornait le dôme du dais royal de la reine Ranavalona III. Ce projet, retenons-le, a été évoqué dès juillet 2005 par le président Jacques Chirac. C'est ce qu'a rappelé l'ambassadeur de France à Madagascar lors de l'inauguration du Rova, le palais de la reine détruit par un incendie en 1995 et inauguré après vingt-cinq ans de travaux le 5 novembre dernier. Plutôt que la polémique, je préfère retenir l'émotion populaire qui a accompagné le passage du convoi par lequel cet objet symbolique, appelé « couronne de la Reine », a été acheminé de l'aéroport au Rova au moment où les Malgaches fêtaient le soixantième anniversaire de l'indépendance.

Aujourd'hui, il s'agit d'un prêt ; demain, peut-être s'agira-t-il d'une restitution, comme l'ont demandé officiellement les autorités malgaches en février 2020. En tout état de cause, les parlementaires devront se prononcer au préalable pour valider ce transfert de propriété, comme nous le faisons aujourd'hui pour le sabre d'El Hadj Omar Tall.

Le projet de loi a fait l'objet de très peu d'amendements, ce qui vient confirmer, me semble-t-il, le consensus qui s'est exprimé sur les deux premiers articles. Nous avons entendu, par la voix de Mme Constance Le Grip, la nécessité de rappeler l'inaliénabilité des collections publiques et le titre dérogatoire qui doit être conféré au cas par cas à l'acte de restitution. Nous avons entendu et reconnu le travail de sémantique effectué par la rapporteure au Sénat, qui a préféré le terme « transférer » au terme « remettre ». En effet, le sabre d'El Hadj Omar Tall se trouvant déjà au musée des civilisations noires de Dakar, il peut sembler illogique de conserver le mot « remettre ». Actons donc la relation constructive entre les deux chambres qui vient enrichir ces deux premiers articles. En revanche, je proposerai le rétablissement du terme « restitution », auquel les sénateurs ont préféré celui de « retour », car il est aujourd'hui reconnu et utilisé par les médias et sa connotation technique convient à ce transfert de propriété.

En conclusion, je rappelle que les articles 1er et 2 du projet de loi ont été adoptés à l'unanimité par les deux chambres, qui ont adressé, ce faisant, un message symbolique aux deux pays concernés. Il serait dommage de ne pas conserver cette unanimité jusqu'au bout.

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Le projet de loi comporte deux dispositions majeures relatives à deux dérogations au principe d'inaliénabilité des collections nationales permettant d'autoriser la restitution du sabre d'El Hadj Omar Tall à la République du Sénégal et les vingt-six objets composant le Trésor d'Abomey à la République du Bénin. Ces restitutions résultent de demandes officielles adressées à la France et ont fait l'objet d'études historiques et de recherches préalables de la part des musées et des conservateurs concernés. S'ajoute à cette approche scientifique une démarche diplomatique qui accompagne non seulement la coopération des équipes muséales mais aussi des projets culturels pour accueillir ces objets.

Le texte a fait l'objet d'un travail approfondi du rapporteur, que le groupe LaREM salue à nouveau, et de ceux des membres de notre commission qui s'y sont associés. Il a pu être amendé, conformément à l'état d'esprit constructif de la majorité, ce qui a permis son adoption à l'unanimité en séance publique le 6 octobre dernier. Néanmoins, la réunion de la CMP n'a pas été conclusive. Cet échec est d'autant plus regrettable qu'il est fondé non pas sur l'objet même du texte – encore que –, mais sur l'ajout d'un troisième article visant à créer une instance chargée de donner ou non son quitus aux futures demandes de restitution. Ainsi, cette prérogative échapperait non seulement à l'exécutif mais aussi aux parlementaires. Allez comprendre !

Toutefois, il est vrai que le prêt – j'insiste sur ce terme –, sous forme de dépôt, de la couronne ornant le dais de la reine Ranavalona III de Madagascar au lendemain même de l'adoption du texte au Sénat a déclenché les foudres des sénateurs. On peut le comprendre : plusieurs d'entre nous se sont d'ailleurs également émus de cette situation, sans doute due à un défaut de communication. Cependant, il ne faut pas oublier le geste hautement symbolique et salvateur que ce prêt a représenté pour les autorités malgaches ; les autorités françaises ont sans doute accéléré les démarches pour que cette restitution s'effectue à temps pour la célébration du soixantième anniversaire de l'indépendance – cela peut se comprendre.

Le groupe LaREM proposera de rétablir le vocable « restitution » dans l'intitulé du projet de loi et de conserver les autres modifications sémantiques adoptées au Sénat. Enfin, nous défendrons la suppression de l'article 3, afin de réaffirmer deux principes : celui du traitement au cas par cas des demandes de restitution aboutissant, le cas échéant, à déroger au principe d'inaliénabilité des collections nationales et celui de l'exercice de cette prérogative par les seuls pouvoirs exécutif et législatif.

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La version du projet de loi que nous examinons a été enrichie par le Sénat.

Lors de la CMP, monsieur le rapporteur, vous nous avez annoncé la création d'un comité interministériel chargé du suivi des restitutions des biens culturels. Cette annonce visait purement et simplement à dévitaliser la proposition du Sénat de créer un conseil national de réflexion sur la circulation et le retour de biens culturels extra-européens. La solution que vous avez proposée, opportunément et au dernier moment, représente néanmoins une demi-mesure qui ne sera pas à la hauteur des enjeux qui ont incité nos collègues à proposer la création d'un conseil national. Vous affirmiez que ce comité interministériel permettrait de renforcer la transparence. Pourtant, on ne comprend pas très bien la plus-value qu'il apporterait à cet égard. En effet, une telle instance ne paraît pas indispensable pour que le Gouvernement fasse preuve de transparence dans ses décisions de restituer des biens culturels. Surtout, ce comité interministériel resterait par essence rattaché au Gouvernement alors que la pertinence d'un tel organisme réside dans son indépendance vis-à-vis de l'exécutif.

Le but poursuivi par la création d'un conseil national de réflexion est effectivement de s'opposer au fait du prince que l'on a pu observer par le passé et encore tout récemment. Nous ne comprenons donc pas les manœuvres que la majorité présidentielle a esquissées pour tenter de justifier le refus de la disposition proposée par le Sénat. Cela est d'autant plus incompréhensible que, lors de la première lecture, ce texte avait fait l'objet d'un véritable consensus. Il est dommage que celui-ci soit brisé par cette attitude, qui fait naître d'inutiles crispations sur un texte qui devrait recueillir sans mal l'unanimité.

La proposition de créer un conseil national de réflexion sur la circulation et le retour de biens culturels extra-européens est pourtant équilibrée, en raison des compétences scientifiques de celui-ci, et ne devrait avoir aucun mal à être adoptée. Ce conseil devrait permettre de défendre le principe d'inaliénabilité des collections publiques auquel, je le redis, nous sommes particulièrement attachés.

Ce principe a été mis à mal au cours des dernières années du fait de décisions de l'exécutif prises sans concertation. En témoigne l'exemple récent et particulièrement préoccupant de la restitution de la couronne décorative du dais de la dernière reine de Madagascar, Ranavalona III. Ces restitutions sont opérées sous forme de prêts en attendant que le Parlement confirme par la loi le fait accompli et le fait du prince, décidés sans concertation. Aucun élément ne laisse pourtant penser que ce bien culturel a fait l'objet d'un pillage qui pourrait justifier une restitution. Surtout, ce transfert est mis au service de l'opération de communication d'un président malgache qui pourrait être la cible des critiques de nombre de nos collègues.

Cette couronne va rejoindre l'enceinte royale du Rova au sujet de laquelle le Comité du patrimoine mondial de l'UNESCO a fait part de son inquiétude. Le pouvoir malgache a en effet décidé la construction, dans cette enceinte, d'un colisée en béton qui a suscité la polémique. Nous sommes donc loin des garanties souhaitées en matière de qualité de conservation du patrimoine culturel.

Cet exemple récent illustre davantage encore la nécessité de créer le conseil proposé par le Sénat. Lui seul assurerait une bonne information du Parlement, lui permettant de contrôler l'action du Gouvernement en la matière. Sans une telle instance, le déséquilibre des pouvoirs persisterait. Le conseil national de réflexion permettrait d'offrir des garanties, d'élaborer une méthode et de sécuriser les procédures de restitution des biens culturels. Le groupe Les Républicains souhaite donc son maintien dans le texte. Aussi ne votera-t-il pas les amendements déposés par la majorité visant à le supprimer.

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Nous devons accorder la plus grande attention à la question des restitutions tant elle touche à des problématiques d'importance qui ont trait à notre culture, à notre histoire, mais aussi à nos partenariats futurs. En 2017, le Président de la République opérait un virage radical en déclarant : « Le patrimoine africain doit être mis en valeur à Paris, mais aussi à Dakar, à Lagos, à Cotonou […]. D'ici cinq ans, je veux que les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain à l'Afrique. »

Trois années ont passé et nous voici à nouveau réunis pour examiner en nouvelle lecture ce texte qui marque un premier pas vers l'ambition affirmée à Ouagadougou d'accroître le nombre des restitutions auprès des États qui en font la demande.

L'adoption du projet de loi revêtira une forte dimension symbolique et diplomatique. Car si les restitutions qu'il acte marquent un approfondissement de notre partenariat politique et culturel avec les pays concernés, elles sont avant tout le signe d'une refondation profonde de notre histoire et de nos rapports avec les pays auxquels notre passé colonial nous lie. Parce que le projet de loi s'inscrit dans la trajectoire que nous défendons, le groupe MODEM et démocrates apparentés soutiendra son adoption.

Néanmoins, comme nous l'avions indiqué en première lecture, nous souhaitons aller plus loin et amplifier le mouvement de restitution. De fait, ce texte n'apporte qu'une réponse immédiate, ponctuelle et très partielle. Centré sur une liste d'objets prédéfinis, il n'offre pas de solution globale permettant de simplifier le cadre juridique des restitutions. Or il conviendrait de réfléchir à l'élaboration d'une réforme du régime juridique de la restitution, afin de le rendre plus lisible, plus fluide et moins dépendant des aléas politiques.

L'élaboration d'un texte de loi consacré à cette question permettrait de traiter l'ensemble des thématiques ayant trait à ce sujet, à commencer par le renforcement de l'accès aux musées africains, la formation de leurs conservateurs et de leurs restaurateurs d'œuvres d'art ainsi que la facilitation des prêts, de la circulation et du dialogue entre musées. À cet égard, je me réjouis de l'intention du Gouvernement, annoncée lors de la CMP, de créer une cellule interministérielle réunissant le ministère de la culture, celui de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ainsi que le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Cet organe garantira le caractère scientifique et culturel de la démarche, dans un cadre interministériel qui permettra d'englober l'ensemble des aspects des restitutions.

En revanche, j'émets de fortes réserves sur la volonté du Sénat de créer un conseil national de réflexion sur la circulation et le retour de biens culturels extra-européens. Une telle instance serait redondante et compliquerait davantage le processus de restitution. En effet, la procédure actuelle est déjà lourde. Les objets culturels du domaine public étant inaliénables, ils doivent être déclassés par la Commission scientifique nationale des collections pour faire l'objet d'une restitution, sauf dans les cas, très répandus, où le bien a fait l'objet d'un don ou d'un legs ; une loi ad hoc est alors nécessaire. Plutôt qu'à la création d'une instance supplémentaire de consultation, le groupe MODEM serait favorable à l'élaboration d'un mécanisme plus global qui renforcerait la Commission scientifique nationale des collections en lui permettant de déclasser des œuvres, y compris celles provenant de dons et de legs. Un tel mécanisme éviterait de recourir au législateur pour la restitution des œuvres qui ne présentent, selon cette commission, aucun problème particulier.

En conclusion, notre action ne doit pas se limiter aux restitutions ; elle doit s'accompagner d'une politique partenariale, sincère et équitable de circulation des œuvres, car il convient d'ouvrir l'accès à tous les patrimoines sur le continent africain. L'initiative que nous nous apprêtons à approuver est décisive à bien des égards, mais elle ne peut rester au stade d'ébauche. C'est pourquoi nous lançons un appel pour que lui soit donnée rapidement toute sa dimension.

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Nous abordons la nouvelle lecture de ce projet de loi qui avait été voté à l'unanimité par notre assemblée. Malgré quelques réserves émises par le groupe LR sur la forme, nous nous étions rejoints, me semble-t-il, sur la légitimité des demandes du Bénin et du Sénégal. Lors de la CMP, nous avons entendu les critiques portant sur la forme que ces restitutions ont prise, critiques qui ne sont pas sans fondement : les décisions de restituer des œuvres d'art, que leur provenance soit légitime ou non, sont pour les chefs d'État un outil diplomatique qui semble échapper au débat démocratique et peuvent servir régulièrement des stratégies discutables.

Plus encore que le fait du prince dénoncé, non sans une certaine emphase, par certains de nos collègues, c'est peut-être la question du sens de telles lois d'exception, appelées à se succéder, qui suscite des interrogations. Ainsi la méthode a-t-elle été contestée par nos collègues sénateurs qui, au-delà de l'aspect symbolique de ces restitutions, relèvent que la démarche au cas par cas risque de nous priver d'une approche plus scientifique et plus ample, qui prenne en compte, avec l'expertise de l'ensemble des acteurs concernés, la complexité de telles décisions. En effet, si le cas qui nous occupe est relativement consensuel, on peut concevoir que la manière de traiter les problématiques liées aux restitutions et au caractère inaliénable de nos collections ainsi que la nécessité de mener une étude éclairée et globale sur le voyage de ces objets à travers le temps et l'espace méritent davantage de dialogue et de réflexion.

Le manque de transparence de la procédure actuelle ayant été souligné, nous n'aurions pas été forcément défavorables à la création d'une instance qui pourrait, par sa pluralité et son expertise, nourrir le nécessaire débat autour de ces questions, un conseil national au sein duquel les enjeux de ces restitutions, présentes mais surtout à venir, auraient pu trouver le temps et l'espace nécessaires pour redonner au ministère de la culture toute la place qu'il devrait occuper dans ce domaine.

Que l'on discute de sémantique, pourquoi pas ? Les mots ont un sens. On perçoit bien, dans les propositions qui sont faites, l'affirmation d'une prudence lexicale qui dit les questions et les désaccords historiques et politiques qui peuvent exister à propos de l'idée même d'universalité du patrimoine, en opposition à l'identité nationale. Pour le dire plus simplement et sans nuances, ces objets doivent-ils rester chez nous ou retourner chez eux ? Choisir le mot « retour » plutôt que celui de « restitution » n'est pas neutre. Le second a semblé déranger en ce qu'il sous-entend un accaparement non consenti de richesses ; c'est pourtant, en partie, la réalité.

Lors de nos premières discussions, le rapporteur a fait état des nombreuses auditions organisées pour mieux saisir l'importance que le retour de ces objets symboliquement chargés pouvait avoir pour des peuples africains à la recherche de leur propre histoire, souvent violente, histoire que l'on ne peut décemment dissocier entièrement de celle de la colonisation. Il est de la responsabilité des gouvernements africains d'affirmer leur volonté de permettre à leur jeunesse de se réapproprier leur passé et des symboles. Mais cela ne nous dispense pas pour autant de nous interroger sur notre contribution à cette reconstruction et de l'accompagner.

Le projet qui devrait aboutir grâce à cette loi témoigne d'une confiance affirmée et traduit notre volonté forte de nous engager dans une collaboration, une recherche de compromis, qui accepte une coresponsabilité mémorielle, comme le suggère Emmanuel Pierrat, en nous exhortant à dépasser l'opposition stérile entre la notion de culture universelle, qui justifierait le statu quo, et celle de culture nationale, trop souvent synonyme d'un patriotisme étriqué. Entre ces deux postures, il y a, à l'évidence, un chemin pour favoriser la circulation des œuvres.

Nous ne souhaitons pas qu'à la faveur d'arguments de forme, l'idée même de ce retour soit finalement mise en cause. Les demandes auxquelles répond ce texte sont légitimes et la complexité des conditions dans lesquelles ces objets ont quitté leur territoire d'origine pour venir enrichir nos collections ne doit pas servir d'alibi à une autre complexité, celle de nos positions de principe sur des questions qui évoquent à la fois l'expertise muséale, les droits des États, les principes qui ont forgé l'histoire nationale de nos collections et la place de ces œuvres d'art dans une vaste économie de l'art. Car, nous le savons, le sujet dont nous débattons se heurte à des réalités complexes où se mêlent toutes sortes d'obstacles et d'analyses historiques, politiques, juridiques, financières et morales.

La tentation de refuser d'imaginer ces objets en dehors de l'écrin du Quai Branly est grande. Mais la demande de soutien, de partage et d'accompagnement qui est formulée devrait contribuer, sans naïveté excessive, à une nouvelle éthique de l'échange. C'est la raison pour laquelle le groupe Socialistes votera de nouveau ce texte avec enthousiasme.

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Comme en première lecture, le groupe Agir ensemble soutient ce projet de loi qui concrétise des engagements forts pris par le Président de la République devant la jeunesse d'Afrique. Ce qui importe ici, au-delà de la valeur historique et des qualités intrinsèques des œuvres, c'est bien notre rapport à l'avenir et la relation nouvelle que notre pays entend tisser avec le continent africain. Il ne s'agit nullement de réécrire le passé ou de refuser d'assumer notre histoire dans sa totalité, mais de penser nos relations à travers un prisme différent quand le partenariat renouvelé avec les pays d'Afrique comprend un désir légitime de reconnexion avec un patrimoine.

La lecture que nos collègues sénateurs ont pu faire de ce texte, en estimant que son objet serait un acte de repentance, relève d'une mauvaise interprétation. L'objectif est bien, au contraire, de renforcer la coopération mutuelle de nos pays en matière culturelle et patrimoniale. Par ailleurs, le projet de loi ne met pas en péril le caractère inaliénable de nos collections publiques ni l'universalité reconnue de nos musées. Nos travaux ont du reste permis, en première lecture, de préciser, à l'initiative de nos collègues du groupe Les Républicains, le caractère dérogatoire de ces restitutions. C'est tout l'intérêt d'un projet de loi spécifique que de permettre à la représentation nationale de se prononcer sur l'opportunité de la restitution d'un bien culturel.

Les travaux de la commission mixte paritaire ont échoué en raison de la volonté du Sénat de créer un conseil national de réflexion sur la circulation et le retour de biens culturels extra-européens. Nous pouvons comprendre la réflexion qui a conduit le Sénat à défendre cette proposition, mais nous devons nous interroger sur le périmètre retenu qui, en l'état, serait limité aux pays extra-européens. Quid des pays européens auxquels la restitution de certaines œuvres fait toujours l'objet de débats ?

Faut-il s'appuyer sur une commission généraliste plutôt que sur l'expertise des conservateurs des musées concernés par la demande elle-même ? J'insiste sur cette question car, s'agissant des restitutions dont nous débattons ce matin, les experts scientifiques du musée du quai Branly-Jacques Chirac et du musée de l'Armée ont été consultés. C'est à la lumière de cette bonne pratique que les restitutions auprès du Bénin et du Sénégal sont encadrées et souhaitables. Elles sont le fruit d'un long travail de réflexion et de co‑construction que le ministre de la culture, Franck Riester, avait entamé en se rendant dans ces deux pays amis de la France, et qui a été poursuivi depuis.

Nous devons nous réjouir que, dans un monde en proie aux tensions et aux fractures, la France fasse de la coopération culturelle l'un des piliers de la nouvelle relation d'échange qu'elle entend tisser avec l'Afrique, continent d'avenir. Le groupe Agir ensemble votera l'amendement de suppression de l'article 3.

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La France ne saurait s'opposer au droit que possède chaque pays de retracer son histoire et de connaître ce qui fait sa culture. Le groupe UDI et indépendants se réjouit donc que, dans le cadre de partenariats diplomatiques avec le Bénin et le Sénégal, la France contribue, par les restitutions de biens, à étendre l'accès à leur culture. C'est un acte d'amitié et de confiance envers ces pays, avec lesquels nous partageons une longue histoire et de nombreux projets.

Il est cependant important pour nous de rappeler la nécessité que les restitutions se fassent dans le cadre d'une telle coopération, sous l'œil vigilant de nos autorités, et que ces pays garantissent la conservation optimale des biens restitués – une garantie que la République du Bénin comme celle du Sénégal semblent avoir apportée.

De même, nous attachons de l'importance au fait que ces pays aient émis des demandes très précises. Le texte rappelle le caractère essentiel de l'inaliénabilité des collections françaises, ce qui me permet d'insister sur la nécessité de continuer d'examiner aux cas par cas ces demandes de restitutions au Parlement.

J'entends les critiques qui peuvent être émises envers l'article 3, lequel tend à instaurer un conseil national de réflexion sur la circulation et le retour de biens culturels extra‑européens : on craint que les décisions de cette instance ne finissent par remettre en cause le principe même d'inaliénabilité de nos collections nationales. Mais cette critique pourrait s'appliquer de la même manière à une loi d'exception ou une loi-cadre qui viendrait établir les principes généraux de remise de telles œuvres. Si nous comprenons donc ce qui pousse la majorité à demander la suppression de l'article 3, nous ne souhaitons pas qu'une telle loi vienne un jour régir ainsi ces restitutions, comme cela a pu être évoqué dans l'hémicycle.

Enfin, je partage le mécontentement de nos collègues sénateurs, tant sur le fond que sur la forme, concernant le prêt à Madagascar de la couronne de Ranavalona III. S'il est compréhensible que les objets culturels fassent partie de notre action diplomatique, il est déplorable que la décision de prêter cette couronne ait été prise sans que le Parlement en soit informé, au moment même où nous débattons de la restitution d'autres biens. Les parlementaires peuvent et doivent être associés à la diplomatie culturelle de notre pays ; nous sommes d'ailleurs nombreux à nous y intéresser.

Malgré ces quelques remarques, le groupe UDI et indépendants soutiendra bien entendu le texte.

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Le problème de la restitution des œuvres d'art ne peut être résolu par le fait du prince, car il est global, concernant aussi bien l'Afrique que l'Europe – je pense aux demandes de la Grèce – ou le Moyen-Orient, comme en témoignent par exemple les requêtes formulées par l'Irak.

L'Afrique veut se réapproprier son histoire et faire de la culture l'un des axes de son développement. Pour ce faire, certains pays africains ont décidé de réclamer la restitution d'œuvres qu'ils estiment être leur propriété. Si le pillage des œuvres africaines par les puissances coloniales est un fait incontestable, il ne faut pas oublier, là comme ailleurs dans le monde, d'autres vecteurs de dissémination des œuvres d'art, endogènes cette fois, tels le changement de croyances, de représentation du vivant et d'autres évolutions spirituelles et artistiques.

La restitution des œuvres d'art ne peut être fondée sur la repentance : il s'agit de construire de nouvelles relations avec les peuples du monde, notamment d'Afrique, reposant sur le respect réciproque de nos intelligences collectives.

L'universalité muséale implique que l'on puisse avoir accès aux collections patrimoniales les plus diverses provenant du monde entier, assumant ainsi sa fonction culturelle d'éveil. Cette universalité suppose la réciprocité. Or il est nettement plus facile de contempler les joyaux de l'art africain dans les capitales occidentales que dans les musées en Afrique : la circulation des œuvres oublie souvent leur territoire d'origine.

On peut aussi s'interroger sur le bien-fondé de prêts d'œuvres d'art dont les destinataires revendiquent la propriété. Il se dit également que la France fut la salvatrice de l'art africain par le rapatriement des collections dans l'hexagone ; mais, au moment de la spoliation des vingt-six statuettes, le royaume du Dahomey était tout aussi capable de les préserver. Même s'il est vrai que le continent africain, excepté quelques places fortes, manque de moyens et d'infrastructures pour accueillir des expositions d'envergure, cela n'empêche en rien de manière définitive le retour de l'art africain chez lui.

Le rapport de Bénédicte Savoy, du Collège de France, et Felwine Sarr, de l'université Gaston-Berger de Saint-Louis-du-Sénégal, qui fait l'état des lieux des objets africains détenus en France, préconise un programme très audacieux de restitution des biens culturels. Mais la réalité nous apprend que la plupart des pays africains ne désirent pas une restitution d'une telle ampleur. Le Congo, par exemple, ne souhaite exprimer aucune demande de restitution.

Faut-il donc restituer ? Même si l'idée est louable et se justifie tout à fait, se pose la question légale de l'inaliénabilité des collections nationales, de la légitimité des requêtes en propriété et de la limitation des restitutions aux établissements publics. En effet, les collections privées sont exclues du champ d'application de la restitution, mais l'un des trônes du roi Béhanzin exposé au Bénin est la propriété d'une fondation privée franco-béninoise très favorable au processus de restitution : on pourrait imaginer que, joignant l'acte à la parole, elle fasse don de ce patrimoine exceptionnel à l'État béninois.

Votre précipitation dans ce dossier a perturbé nombre d'États africains qui voient s'ouvrir une boîte de Pandore dont – comme vous, d'ailleurs – ils ne discernent pas le fond. Derrière cet acte de contrition, on distingue plutôt une nouvelle opération de communication du Gouvernement qu'une vaste réflexion sur les relations entre la France et les États africains.

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Je vous remercie de vos interventions. Je note que les raisons de mon amendement de suppression de l'article 3 ont été entendues par la majorité des groupes représentés ce matin.

Il serait intéressant de poursuivre l'échange avec nos collègues du groupe Les Républicains au sujet de la volonté politique exprimée depuis 2017 par le Président de la République, que l'on peut bien entendu contester, mais dont je ne comprends pas qu'on la qualifie de fait du prince. En effet, au-delà de l'intention générale de veiller à une plus large circulation des œuvres, donc à leur restitution, le Président n'a orienté en rien le choix des objets : n'oublions pas que ceux que nous nous apprêtons à restituer nous ont été demandés sous forme de listes précises, et qu'une étude scientifique et historique, dont on retrouve les conclusions dans l'étude d'impact, est venue objectiver l'aspect mal acquis de ces biens.

Peut-être cette formulation surprenante n'est-elle que l'expression de votre frilosité face à la restitution. Il ne s'agit pourtant que d'une demande d'État à État, au cas par cas, fondée sur une démarche scientifique. J'ai parlé de la Côte d'Ivoire ; je pourrais évoquer le Mali, qui a formulé en janvier 2020 une demande de restitution de seize objets identifiés : nul fait du prince dans cette affaire, nulle initiative présidentielle.

Quant à la cellule interministérielle annoncée, c'est déjà une réalité à travers la coopération entre le ministère des affaires étrangères, le ministère de la culture et le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, et elle a présidé aux études et à la démarche dans le cas du Bénin et du Sénégal – une démarche objective et scientifique par rapport à laquelle un conseil national de réflexion serait redondant.

La commission en vient à l'examen des amendements.

Article 1er

La commission adopte l'article et son annexe sans modification.

Article 2

La commission adopte l'article et son annexe sans modification.

Article 3

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Nous ne pouvons qu'être sensibles à la démarche du Bénin et du Sénégal visant à satisfaire le désir qu'éprouve la jeunesse africaine de connaître et de s'approprier son histoire, de même que nous ne pouvons que partager l'objectif de développer notre dialogue avec l'Afrique. Mais un vrai problème se pose, qui a été souligné par Emmanuelle Anthoine. Vous avez parlé de frilosité, monsieur le rapporteur : à titre personnel, j'assume en effet une certaine frilosité à l'idée de ramener ces œuvres dans les pays d'où elles viennent.

La méthode adoptée est révélatrice de l'estime que le Gouvernement et sa majorité portent à notre institution. Pour remédier au problème, les sénateurs ont fort justement proposé de créer un conseil national de réflexion, le plus transparent possible, au lieu de l'entre soi voulu par la majorité. Il est navrant que vous n'entendiez pas les arguments en faveur d'un tel outil : ce conseil ne donnerait qu'un avis.

J'exprime à nouveau deux inquiétudes dont j'avais fait part en séance lors de la première lecture. D'abord, on risque d'ouvrir la boîte de Pandore en cette matière ô combien sensible. Ensuite, la conservation des œuvres nécessite souvent un soin constant et coûteux que nous avons la chance, en France, de pouvoir leur prodiguer. Soyons donc vigilants.

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Monsieur Bois, seul le Parlement peut revenir sur l'inaliénabilité des œuvres : ce n'est pas le cas de l'exécutif, contrairement à ce que vous avez affirmé. Or l'exécutif contourne justement ce principe : il ne prend pas en compte l'avis du Parlement, considérant ce dernier comme une simple chambre d'enregistrement.

La proposition de créer un conseil national de réflexion – qui, je le rappelle, a été votée à l'unanimité par le Sénat : ce n'est pas rien ! – permettait à nos yeux d'éviter ce fait du prince. Vous protestez sans écouter ce que nous disons, comme toujours ! Une fois de plus, la majorité se contente d'exécuter une décision présidentielle sans entamer la moindre réflexion. Vous dites oui parce qu'on vous demande de dire oui. Quel dommage !

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Monsieur le rapporteur, nous sommes d'accord pour dire qu'il faut conserver les pouvoirs du Parlement en matière de restitution des œuvres d'art extra‑européennes ou extra-occidentales – même si je préfère à ce terme celui de retour, moins empreint de repentance vis-à-vis du passé colonial de la France.

En revanche, à l'instar de mes collègues du groupe Les Républicains, je ne suis pas d'accord avec votre proposition de suppression de l'article additionnel introduit au Sénat et visant à créer un conseil national de réflexion sur la circulation et le retour de biens culturels extra-européens. En effet, le Parlement a particulièrement besoin, en l'espèce, de l'avis d'un organe pluridisciplinaire et politiquement neutre, afin que la séparation des pouvoirs exécutif et législatif soit scrupuleusement respectée et que soit ainsi évité ce que nous avons qualifié de fait du prince : la création d'une cellule interministérielle pilotée par l'Élysée ou le pouvoir politique.

Les exceptions au principe d'inaliénabilité des collections publiques méritent systématiquement une loi ad hoc, ce qui suppose que les parlementaires qui la votent soient éclairés. Les parlementaires représentent le peuple. L'avis d'un conseil national de réflexion n'empêcherait en rien l'audition par le Parlement de diplomates issus du ministère des affaires étrangères. C'est au peuple qu'il appartient de décider du retour des œuvres d'art acquises au cours de son histoire.

La commission est saisie des amendements de suppression AC3 du rapporteur, AC1 de M. Raphaël Gérard et AC4 de M. Pascal Bois.

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Je vous remercie de votre franchise, monsieur Minot : vous confirmez votre frilosité quant à l'acte même de restitution et le conseil national vous rassurerait en apportant à celui-ci davantage de transparence.

S'agissant du risque d'ouvrir la boîte de Pandore, je vous rappelle que les demandes connues sont peu nombreuses ; certes, l'on ne peut pas prévoir l'avenir, mais comme l'a dit M. Larive, de nombreux États africains n'ont formulé à l'heure actuelle aucune demande. Je rappelle également que, parmi les collections du musée du quai Branly qui concernent l'Afrique, seuls 240 objets sont aujourd'hui considérés comme mal acquis. Enfin, je l'ai dit, il existe deux types de demande de restitution : celle qui vise des objets prestigieux, symboliques, somme toute peu nombreux ; celle qui repose sur des listes de plusieurs milliers d'objets et qui, je le répète, illustre une intention plutôt qu'une réflexion aboutie.

Madame Meunier, l'Assemblée nationale et le Sénat vous apparaissent peut-être comme des chambres d'enregistrement, mais nous serons en tout cas d'accord pour dire qu'ils viennent conclure l'ensemble de la démarche. C'est donc uniquement dans le cadre d'une procédure législative qu'une restitution sera possible, à condition que le Parlement se prononce en sa faveur. Nous n'effaçons pas le processus préalable suivi par les ministères et les conservateurs de musée et qui se reflète dans l'étude d'impact.

J'espère que vous retrouverez l'unanimité qui nous avait réunis en première lecture pour adopter mon amendement et supprimer l'article 3.

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Revenons au fond. Le conseil national introduit par le Sénat ressemble beaucoup à un succédané de la Commission scientifique nationale des collections, que nous avons supprimée à mon initiative dans le cadre du projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de l'action publique (ASAP). Nous étions parvenus à compliquer le fonctionnement de cette instance – qui n'était certes pas compétente en matière de restitution, mais était chargée de définir une ligne de conduite générale dans ce domaine – au point de lui faire perdre toute efficacité. La sénatrice Catherine Morin-Desailly en sait quelque chose, elle qui lui a ajouté un très grand nombre de membres.

Le risque d'une telle structure est d'abord de compliquer sans fin les règles de restitution de sorte que celle-ci ne soit pas possible lorsque les pays concernés en feront la demande, ensuite de priver le Parlement d'un débat tel que celui que nous avons en ce moment.

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Vous ne respectez pas le travail du rapporteur, qui a conduit des auditions auxquelles chacun de nous était convié : on ne peut pas dire que le débat n'a pas eu lieu, ni que les professionnels et l'ensemble des acteurs du secteur n'ont pas pu exprimer leur avis. Le Parlement a été suffisamment éclairé. Mais, dans la Ve République, il y a un fait majoritaire et notre majorité est favorable à la restitution.

Je l'ai dit en première lecture, il y va du respect de nos institutions : la ligne diplomatique est fixée par le Président de la République, puis un débat a lieu au Parlement puisqu'il s'agit de déroger à la règle de l'inaliénabilité. Pourquoi vouloir que des fonctionnaires en décident à notre place ? Car tel est bien le sens de la structure que vous voulez créer.

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Vous ne nous écoutez pas ! Le conseil national ne donnerait qu'un avis !

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L'avis qui importe, c'est celui du rapporteur. Il a donné la parole à tout le monde et produit un rapport très complet.

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L'article 3 nous paraît inutile et pour le moins inadapté.

Inutile, car le travail du conseil national de réflexion sur la circulation et le retour de biens culturels extra-européens ferait doublon avec les recherches historiques et l'expertise scientifique des musées et des responsables de collections concernés, se superposant ainsi à l'exercice d'une mission qui est fondamentalement du ressort de ces professionnels. Du point de vue méthodologique, ce sont ces derniers qui instruisent préalablement les demandes de restitution et contribuent à réfléchir à leur devenir : ils ont bel et bien voix au chapitre.

Le travail s'effectue en parallèle au ministère des affaires étrangères : l'aspect diplomatique de la question est tout aussi important. Que cela plaise ou non, la démarche est sacralisée par la relation diplomatique impliquant le Président de la République. Or les diplomates seraient entièrement absents du conseil national de réflexion.

De plus, la création de ce dernier rétablirait l'instance que vient de citer Raphaël Gérard, récemment supprimée après avoir fait la preuve de sa défaillance, faute de quorum la plupart du temps. J'irai jusqu'à me demander si le machin qu'il nous est proposé de créer ne servirait pas, comme cette ancienne structure, à freiner la démarche de restitution à laquelle nous adhérons. Pour le reste, il ne fonctionnerait pas mieux qu'elle.

Enfin, l'article nous paraît inadapté dans la mesure où l'instance établirait, au fil de l'application de ses réflexions, une doctrine qui rendrait toute future restitution complexe, voire impossible. Or le projet de loi défend une gestion au cas par cas des restitutions et procède par dérogation au principe d'inaliénabilité des collections nationales.

En conclusion, dans la perspective de demandes similaires ultérieurement adressées à la France, il est préférable que seuls les pouvoirs exécutif et législatif déterminent si la restitution doit ou non avoir lieu. La création du conseil national ne se justifie donc pas.

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Loin de nous l'idée de remettre en question le travail du rapporteur, dont nous saluons la qualité.

Simplement, un conseil national de réflexion aurait du sens. Vous avez d'ailleurs implicitement reconnu le besoin d'une entité juridique de ce type, monsieur le rapporteur, en faisant état lors de la commission mixte paritaire de la nécessité d'installer un comité interministériel. Selon le texte du Sénat, le conseil national de réflexion aurait pour mission de donner son avis sur les réclamations de biens avant toute réponse officielle des autorités françaises et d'alimenter les pouvoirs publics en réflexions prospectives. Il viendrait éclairer le Parlement, n'émettant qu'un avis qui ne nous lierait pas ; cela n'empêcherait pas le travail que vous avez entamé de se poursuivre ni ne lui retirerait son importance. La cellule interministérielle que vous souhaitez, elle, ne serait pas pérenne, elle ne survivrait pas aux changements de gouvernement : c'est un handicap notable.

Il faut donc maintenir le conseil national tel que l'a conçu le Sénat.

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Pour tout vous dire, je suis bien embêtée depuis la commission mixte paritaire, car je m'interroge sur la meilleure manière de procéder s'agissant de ces questions. Je m'abstiendrai donc lors du vote des amendements de suppression de l'article 3. L'idée d'un conseil est intéressante dans la mesure où elle permettrait une réflexion plus large sur ces questions d'importance, et peut-être un débat démocratique qui n'a jamais lieu – en Belgique, les questions de restitution ont fait l'objet d'un débat citoyen, ce qui n'est pas absurde. Ce qui m'ennuie, c'est mon impression que cette proposition est une manière déguisée d'empêcher une restitution qui n'est pas souhaitée. Or la restitution doit absolument avoir lieu : elle est légitime, a fait l'objet d'un énorme travail et représenterait un signe fort.

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Je veux rassurer Mme Victory : le conseil national n'est chargé que d'un avis. Si l'on est réticent à le créer, pourquoi ne pas supprimer toutes les instances qui éclairent le travail parlementaire par leurs avis – le Conseil d'orientation des retraites, le Conseil d'évaluation de l'école, le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, et j'en passe ? En réalité, cet avis ne peut être qu'un atout pour notre travail.

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L'idée d'un avis ne me pose pas de problème. Simplement, cet avis existe déjà s'agissant de la situation particulière des objets : les conservateurs du musée du quai Branly ou du musée de l'Armée se sont prononcés sur la possibilité de restituer les objets visés aux articles 1er et 2. La décision est éclairée par l'avis des scientifiques responsables de ces objets.

Par ailleurs, l'instance qu'il est proposé de créer concerne toutes les demandes de restitution de biens extra-européens, soit les trois quarts de la planète. Il faudrait donc qu'elle soit composée de 250 spécialistes de la Chine, du Japon, de l'Océanie et de ses différentes cultures, aussi pléthorique, en somme, que la Commission scientifique nationale des collections qui ne parvenait jamais à se réunir faute d'atteindre le quorum. À quoi bon créer un conseil qui ne sera compétent sur rien ? On ne peut pas être spécialiste de tous les sujets ni de tous les types de collections.

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Je précise que le conseil national réunirait des compétences très variées, puisqu'il comprendrait des spécialistes du patrimoine, des historiens, des juristes… Ses avis seraient particulièrement intéressants et susceptibles de nous éclairer.

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Ce qui vous conduit à demander la création d'un conseil national, si j'ai bien compris, c'est qu'il puisse donner un avis. Or je n'en vois pas l'intérêt, puisqu'il y aura déjà eu une expertise de la part des spécialistes, en premier lieu les conservateurs, et que les parlementaires ont toujours la possibilité d'auditionner les personnes qu'ils souhaitent. Un conseil national, il faudra l'animer ; les finances publiques, l'exigence de simplification sont aussi des arguments qui méritent d'être entendus.

Mme Victory a fait allusion au débat citoyen qui a été engagé en Belgique sur ces questions, mais il faut avoir en tête que l'opinion publique, dans sa très grande majorité, est favorable au principe de la restitution. N'oublions pas non plus qu'il s'agit d'objets demandés par des États, et qui sont donc clairement identifiés et inventoriés. Je ne vois pas ce qu'un débat citoyen pourrait apporter de plus qu'un avis historique et scientifique, dès lors que l'intention est largement partagée par la population.

Quant à la cellule interministérielle, c'est déjà une réalité : les ministères travaillent entre eux. Un conseil national serait redondant ; il risquerait de solliciter les mêmes personnes.

Enfin, l'intention de Mme Morin-Desailly, qui a de toute évidence tiré les enseignements de la commission scientifique nationale dont parlait Raphaël Gérard, était de créer un organe restreint, composé d'un tout petit nombre de personnes, et non, comme vous l'affirmez, madame Anthoine, de plusieurs historiens, ethnologues etc.

La commission adopte les amendements et l'article 3 est supprimé.

Titre

La commission examine l'amendement AC2 du rapporteur.

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Je voudrais souligner, en préambule, que nous avons adopté une démarche constructive, puisque nous avons retenu la proposition de la rapporteure du Sénat de remplacer, à l'article 1er et à l'article 2, le verbe « remettre » par le verbe « transférer ».

Pour le titre du projet de loi, le Sénat préfère « retour » à « restitution ». Si « restituer » signifie bien que l'on rend quelque chose que l'on possédait indûment, peut-être y a-t-il là un malentendu entre nous. Il est bien sûr impossible de réparer un acte ou un événement historique, mais, sans être, monsieur Larive, dans la contrition ou la repentance, nous avons néanmoins la volonté d'écrire une nouvelle page de l'histoire en assumant cette période douloureuse. « Restituer » a l'avantage d'avoir une connotation technique que « retour » n'a pas. Il s'agit en outre d'un terme largement employé aujourd'hui, notamment par les médias. C'est pourquoi le présent amendement vise à rétablir le titre initial du projet de loi, tel qu'il avait été adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale en première lecture.

La commission adopte l'amendement et le titre est ainsi rédigé.

Puis elle adopte l'ensemble du projet de loi modifié.

La séance est levée à dix heures quarante-cinq.

Informations relatives à la Commission

La commission des Affaires culturelles et de l'éducation a désigné :

– M. Maxime Minot et Mme Béatrice Piron, rapporteurs de la mission flash sur l'offre jeunesse du service public audiovisuel,

– M. Philippe Berta et Mme Karine Lebon, rapporteurs de la mission d'évaluation de la loi n° 2016-1828 du 23 décembre 2016 portant adaptation du deuxième cycle de l'enseignement supérieur français au système Licence‑Master-Doctorat,

– M. Pascal Bois, membre de la mission d'information sur l'application de la loi du 29 juillet 2019 pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, en remplacement de Mme Bénédicte Pételle.