Intervention de Sophie Mette

Réunion du mercredi 2 décembre 2020 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSophie Mette :

Nous devons accorder la plus grande attention à la question des restitutions tant elle touche à des problématiques d'importance qui ont trait à notre culture, à notre histoire, mais aussi à nos partenariats futurs. En 2017, le Président de la République opérait un virage radical en déclarant : « Le patrimoine africain doit être mis en valeur à Paris, mais aussi à Dakar, à Lagos, à Cotonou […]. D'ici cinq ans, je veux que les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain à l'Afrique. »

Trois années ont passé et nous voici à nouveau réunis pour examiner en nouvelle lecture ce texte qui marque un premier pas vers l'ambition affirmée à Ouagadougou d'accroître le nombre des restitutions auprès des États qui en font la demande.

L'adoption du projet de loi revêtira une forte dimension symbolique et diplomatique. Car si les restitutions qu'il acte marquent un approfondissement de notre partenariat politique et culturel avec les pays concernés, elles sont avant tout le signe d'une refondation profonde de notre histoire et de nos rapports avec les pays auxquels notre passé colonial nous lie. Parce que le projet de loi s'inscrit dans la trajectoire que nous défendons, le groupe MODEM et démocrates apparentés soutiendra son adoption.

Néanmoins, comme nous l'avions indiqué en première lecture, nous souhaitons aller plus loin et amplifier le mouvement de restitution. De fait, ce texte n'apporte qu'une réponse immédiate, ponctuelle et très partielle. Centré sur une liste d'objets prédéfinis, il n'offre pas de solution globale permettant de simplifier le cadre juridique des restitutions. Or il conviendrait de réfléchir à l'élaboration d'une réforme du régime juridique de la restitution, afin de le rendre plus lisible, plus fluide et moins dépendant des aléas politiques.

L'élaboration d'un texte de loi consacré à cette question permettrait de traiter l'ensemble des thématiques ayant trait à ce sujet, à commencer par le renforcement de l'accès aux musées africains, la formation de leurs conservateurs et de leurs restaurateurs d'œuvres d'art ainsi que la facilitation des prêts, de la circulation et du dialogue entre musées. À cet égard, je me réjouis de l'intention du Gouvernement, annoncée lors de la CMP, de créer une cellule interministérielle réunissant le ministère de la culture, celui de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ainsi que le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Cet organe garantira le caractère scientifique et culturel de la démarche, dans un cadre interministériel qui permettra d'englober l'ensemble des aspects des restitutions.

En revanche, j'émets de fortes réserves sur la volonté du Sénat de créer un conseil national de réflexion sur la circulation et le retour de biens culturels extra-européens. Une telle instance serait redondante et compliquerait davantage le processus de restitution. En effet, la procédure actuelle est déjà lourde. Les objets culturels du domaine public étant inaliénables, ils doivent être déclassés par la Commission scientifique nationale des collections pour faire l'objet d'une restitution, sauf dans les cas, très répandus, où le bien a fait l'objet d'un don ou d'un legs ; une loi ad hoc est alors nécessaire. Plutôt qu'à la création d'une instance supplémentaire de consultation, le groupe MODEM serait favorable à l'élaboration d'un mécanisme plus global qui renforcerait la Commission scientifique nationale des collections en lui permettant de déclasser des œuvres, y compris celles provenant de dons et de legs. Un tel mécanisme éviterait de recourir au législateur pour la restitution des œuvres qui ne présentent, selon cette commission, aucun problème particulier.

En conclusion, notre action ne doit pas se limiter aux restitutions ; elle doit s'accompagner d'une politique partenariale, sincère et équitable de circulation des œuvres, car il convient d'ouvrir l'accès à tous les patrimoines sur le continent africain. L'initiative que nous nous apprêtons à approuver est décisive à bien des égards, mais elle ne peut rester au stade d'ébauche. C'est pourquoi nous lançons un appel pour que lui soit donnée rapidement toute sa dimension.

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