Intervention de Michel Larive

Réunion du mercredi 2 décembre 2020 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Larive :

Le problème de la restitution des œuvres d'art ne peut être résolu par le fait du prince, car il est global, concernant aussi bien l'Afrique que l'Europe – je pense aux demandes de la Grèce – ou le Moyen-Orient, comme en témoignent par exemple les requêtes formulées par l'Irak.

L'Afrique veut se réapproprier son histoire et faire de la culture l'un des axes de son développement. Pour ce faire, certains pays africains ont décidé de réclamer la restitution d'œuvres qu'ils estiment être leur propriété. Si le pillage des œuvres africaines par les puissances coloniales est un fait incontestable, il ne faut pas oublier, là comme ailleurs dans le monde, d'autres vecteurs de dissémination des œuvres d'art, endogènes cette fois, tels le changement de croyances, de représentation du vivant et d'autres évolutions spirituelles et artistiques.

La restitution des œuvres d'art ne peut être fondée sur la repentance : il s'agit de construire de nouvelles relations avec les peuples du monde, notamment d'Afrique, reposant sur le respect réciproque de nos intelligences collectives.

L'universalité muséale implique que l'on puisse avoir accès aux collections patrimoniales les plus diverses provenant du monde entier, assumant ainsi sa fonction culturelle d'éveil. Cette universalité suppose la réciprocité. Or il est nettement plus facile de contempler les joyaux de l'art africain dans les capitales occidentales que dans les musées en Afrique : la circulation des œuvres oublie souvent leur territoire d'origine.

On peut aussi s'interroger sur le bien-fondé de prêts d'œuvres d'art dont les destinataires revendiquent la propriété. Il se dit également que la France fut la salvatrice de l'art africain par le rapatriement des collections dans l'hexagone ; mais, au moment de la spoliation des vingt-six statuettes, le royaume du Dahomey était tout aussi capable de les préserver. Même s'il est vrai que le continent africain, excepté quelques places fortes, manque de moyens et d'infrastructures pour accueillir des expositions d'envergure, cela n'empêche en rien de manière définitive le retour de l'art africain chez lui.

Le rapport de Bénédicte Savoy, du Collège de France, et Felwine Sarr, de l'université Gaston-Berger de Saint-Louis-du-Sénégal, qui fait l'état des lieux des objets africains détenus en France, préconise un programme très audacieux de restitution des biens culturels. Mais la réalité nous apprend que la plupart des pays africains ne désirent pas une restitution d'une telle ampleur. Le Congo, par exemple, ne souhaite exprimer aucune demande de restitution.

Faut-il donc restituer ? Même si l'idée est louable et se justifie tout à fait, se pose la question légale de l'inaliénabilité des collections nationales, de la légitimité des requêtes en propriété et de la limitation des restitutions aux établissements publics. En effet, les collections privées sont exclues du champ d'application de la restitution, mais l'un des trônes du roi Béhanzin exposé au Bénin est la propriété d'une fondation privée franco-béninoise très favorable au processus de restitution : on pourrait imaginer que, joignant l'acte à la parole, elle fasse don de ce patrimoine exceptionnel à l'État béninois.

Votre précipitation dans ce dossier a perturbé nombre d'États africains qui voient s'ouvrir une boîte de Pandore dont – comme vous, d'ailleurs – ils ne discernent pas le fond. Derrière cet acte de contrition, on distingue plutôt une nouvelle opération de communication du Gouvernement qu'une vaste réflexion sur les relations entre la France et les États africains.

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