Intervention de Roch-Olivier Maistre

Réunion du mardi 8 décembre 2020 à 17h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Roch-Olivier Maistre, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel :

Je suis très heureux de renouer ce dialogue régulier et confiant avec les membres de votre commission. Je commencerai par rappeler la démarche de préfiguration du rapprochement entre le CSA et l'HADOPI.

Dès la présentation du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique, qui prévoyait le rapprochement entre le CSA et l'HADOPI au sein d'une nouvelle autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), les deux autorités ont souhaité préparer au mieux ce rapprochement, conformément à ce qu'elles avaient exprimé dans les avis rendus sur le projet de loi. Dès le 13 janvier 2020, j'ai signé avec le président Denis Rapone, sous l'égide du ministre de la culture, une convention instaurant une mission de préfiguration de la fusion des deux autorités. Selon cette convention, la préfiguration est pilotée par les deux présidents, dans le cadre d'un comité stratégique qui se réunit tous les trimestres – le prochain est programmé la semaine prochaine. Par ailleurs, un comité de pilotage réunit le directeur général du CSA et la secrétaire générale de l'HADOPI, qui supervisent les travaux de plusieurs groupes de travail thématiques.

Cette anticipation est importante, car l'expérience des fusions administratives montre que beaucoup de chantiers ne peuvent être menés du jour au lendemain et qu'ils nécessitent du temps. C'est le cas pour les systèmes d'information et les ressources humaines. C'est pourquoi l'information, l'association des personnels et des instances représentatives a été au cœur de nos préoccupations. Ainsi, le président Rapone est intervenu devant l'ensemble des agents du CSA, le 4 mars dernier, et j'ai moi-même présenté notre institution et ses missions devant le personnel de l'HADOPI, le 18 septembre. Pour le seul CSA, près de 300 agents, au siège et dans les territoires de métropole et des outre-mer, sont concernés.

La mission de préfiguration suit son cours, nonobstant les incertitudes qui pèsent sur le devenir du projet de loi adopté par votre commission au printemps dernier. Les deux maisons ont appris à se connaître et à travailler ensemble, et n'attendent plus qu'une intervention législative pour concrétiser le rapprochement. L'incertitude qui plane sur le calendrier rend les travaux de configuration difficiles pour nos deux institutions. Les dossiers importants, comme l'immobilier, ne pourront franchir certaines étapes qu'une fois le paysage législatif éclairci. Cet entre-deux rend difficile la communication en direction de nos équipes.

Pour ce qui est du CSA, les constats qui avaient présidé au projet de rapprochement avec l'HADOPI restent d'actualité. Le report du projet de loi n'empêche pas nos compétences de s'étendre. Le CSA a récemment émis un avis sur le projet d'ordonnance que le Gouvernement a été autorisé à prendre par la loi du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière (DDADUE) pour la transposition de la directive relative aux services de médias audiovisuels. Il sera prochainement saisi de la modification du décret relatif aux services de médias audiovisuels à la demande (SMAD), qui fixera les obligations des plateformes. Nous serons amenés à intégrer ces grandes plateformes internationales de vidéo à la demande à notre système de financement de la création et de la production. Ce sera une grande étape dans l'évolution du périmètre de la régulation.

En parallèle, nos missions s'élargissent en direction des plateformes de contenus et de réseaux sociaux du fait de l'adoption de divers textes : deux lois dont vous étiez le rapporteur, monsieur le président, l'une contre la manipulation de l'information, dite loi infox, promulguée le 22 décembre 2018, sur laquelle nous avons rédigé notre premier rapport cette année, l'autre, visant à encadrer l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne, afin de juguler le phénomène grandissant des enfants youtubeurs, sur laquelle nous travaillons dès à présent ; mais également la loi relative à la protection des victimes des violences conjugales, adoptée en 2020, qui impose aux sites hébergeant des contenus pornographiques de recourir à des dispositifs de vérification d'âge pour empêcher que les mineurs y aient accès. Enfin, nous aurons peut-être à traiter bientôt des dispositions du projet de loi confortant les principes républicains qui visent à lutter contre la haine en ligne.

Dans ce contexte où nos attributions s'élargissent, il reste pertinent de constituer un régulateur renforcé, doté de moyens et d'une expertise confortés, et dont la compétence s'étendra sur l'ensemble de la chaîne de la création, depuis les contributions des opérateurs audiovisuels jusqu'à la lutte contre le piratage. Ce régulateur renforcé présenterait une vraie valeur ajoutée alors qu'aujourd'hui, notre simple appellation de CSA, qui ne renvoie qu'aux médias audiovisuels, ne rend plus vraiment compte de la réalité de nos missions.

Qui plus est, la France se positionne, en Europe comme au niveau international, en faveur d'une responsabilisation accrue des grandes plateformes de contenus. Elle joue un rôle essentiel, au sein de la Commission européenne, dans la préparation du Digital Services Act (DSA), qui est un ensemble de textes législatifs destinés à proposer le nouveau régime de responsabilisation des plateformes systémiques mais aussi à moderniser la directive sur le commerce électronique adoptée en 2000, à une époque où ces acteurs n'existaient pas. La constitution d'un régulateur intégré, disposant d'une taille critique face à de grands opérateurs d'envergure internationale, recueille un large consensus.

Outre le rapprochement du CSA et de l'HADOPI, d'autres chantiers participent à la modernisation de notre législation : la révision, cet été, des décrets relatifs au cinéma et à la publicité ; la transposition de la directive SMA, très attendue ; le plan de relance, qui redonnera de l'oxygène à la filière audiovisuelle. D'autres encore seraient nécessaires à nos yeux. Sans même parler de la seule lutte contre le piratage, il faudrait actualiser certaines règles applicables aux médias audiovisuels, notamment en ce qui concerne les concentrations ou la publicité, simplifier l'exercice de la régulation et faciliter l'adaptation du secteur à son environnement.

Il conviendrait également de moderniser la télévision numérique terrestre (TNT) qui reste un mode d'accès gratuit à la télévision, accessible dans la quasi-totalité du territoire français – plus de 22 % de nos concitoyens ne reçoivent la télévision que par cette voie. Moderniser la TNT en la portant aux standards de l'ultra haute définition et en offrant des possibilités d'interaction comme il en existe sur le câble, serait un objectif important.

Pour ces raisons, il nous semble toujours nécessaire que le législateur adopte la partie procédant à l'adaptation de la régulation dans le projet de loi relatif à l'audiovisuel, que votre commission avait adopté début mars.

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