Intervention de Denis Rapone

Réunion du mardi 8 décembre 2020 à 17h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Denis Rapone, président de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) :

Cette audition conjointe avec le président Maistre illustre parfaitement l'état d'esprit dans lequel nous nous inscrivons depuis le début de l'année 2020 : une démarche partagée, proactive, pour rapprocher étroitement nos deux institutions dans la perspective d'une fusion.

Deux sujets concernent particulièrement l'HADOPI : le renforcement de la lutte contre le piratage et la création d'un régulateur unique, puissant, capable de mener cette lutte grâce à des moyens renouvelés.

En 2009, la France était l'un des pays pionniers dans la lutte contre le piratage des œuvres culturelles sur les différents supports numériques. En onze ans, la situation s'est améliorée puisque nous sommes passés d'un tiers des internautes se livrant à des pratiques illicites à un quart, tandis que l'offre légale se développait considérablement. Pourtant, le fléau du piratage est loin d'être éradiqué. En 2020, 11,8 millions d'internautes, en moyenne, se livrent encore, chaque mois, à des pratiques illicites. En mars 2020, nous avons même atteint les 13,6 millions d'internautes, en raison du confinement.

Le projet de loi sur l'audiovisuel comportait des mesures ambitieuses qui nous semblaient de nature à relancer la lutte contre le piratage, à l'origine d'un manque à gagner considérable pour notre économie – en 2019, la consommation illicite de contenus audiovisuels et sportifs a représenté un manque à gagner de plus de 1 milliard d'euros, et 300 millions pertes de recettes fiscales pour les finances publiques. L'idée principale était de de s'intéresser non plus aux modalités technologiques du piratage, tant on sait que la technologie est toujours en avance sur le droit, mais aux sites, aux moyens de les assécher, de les bloquer et de les faire disparaître de manière pérenne.

Ce texte portait une autre ambition : moderniser le paysage de la régulation et l'adapter au monde numérique. L'ampleur du piratage et le niveau élevé d'atteintes aux droits d'auteur soulève un enjeu de régulation numérique évident et éprouve la capacité de l'État à faire cesser des pratiques illicites sur internet. Cette question de la régulation numérique se pose d'ailleurs de la même façon en matière de lutte contre la diffusion de fausses informations ou de propos haineux sur internet.

Nous avions donc salué la création d'un nouveau régulateur, l'ARCOM, issu de la fusion entre le CSA et l'HADOPI, dont les missions convergent de plus en plus. Je partage pleinement la vision du président Maistre sur l'intérêt de cette fusion et les raisons qui militent en sa faveur, sans hésitation.

Les agents de nos deux autorités attendent une claire visibilité quant au devenir de leurs institutions. Au sein de l'HADOPI, je perçois un risque de démobilisation si le projet de fusion ne devait pas rapidement devenir réalité. On ne peut pas laisser durablement les agents dans l'incertitude de leur avenir. Mon mandat à la présidence de l'HADOPI s'achèvera à la fin du mois de janvier prochain, et j'éprouve une responsabilité particulière à leur égard. Je crois de mon devoir de faire tous les efforts pour ne pas laisser les équipes en proie à l'inquiétude, au doute ou à la déception.

Depuis la signature de la convention de préfiguration de la fusion de nos deux autorités, en janvier dernier, les équipes de l'HADOPI et du CSA avancent rapidement et s'engagent résolument sur le chemin de la fusion. Six groupes de travail rassemblant des agents des deux autorités ont été constitués sur des sujets transverses : le budget, les ressources humaines, les marchés publics, la communication, les systèmes d'information et l'immobilier.

Les travaux du groupe de travail « Budget » avancent très rapidement puisque nous disposerons du même système d'information budgétaire et comptable d'ici au 1er janvier 2021, ce qui facilitera nettement les échanges d'informations et les mutualisations entre nos deux institutions.

Sur proposition du groupe de travail « Ressources humaines », nous avons décidé de considérer les candidatures des agents de l'HADOPI et du CSA postulant dans l'une ou l'autre des autorités comme des candidatures internes, de façon à leur donner une priorité sur les candidatures externes. Nous avons recruté l'ancienne directrice de la communication du CSA comme chef de notre pôle communication et nous allons recruter un premier agent mutualisé entre l'HADOPI et le CSA, qui sera chargé de préparer et de mettre en œuvre les procédures de marchés publics pour les besoins de la préfiguration et ceux de nos deux autorités. Enfin, un premier séminaire de direction rassemblant les comités de direction des deux autorités s'est tenu le 6 octobre dernier, pour que les équipes se connaissent mieux et puissent échanger.

Dans le cadre du groupe de travail « Marchés publics », l'HADOPI a réalisé un inventaire de l'ensemble de ses marchés publics afin d'en renouveler certains ou d'en mettre d'autres en commun avec le CSA.

Nos équipes du groupe de travail « Communication » ont travaillé à la définition de la future marque ARCOM ainsi qu'à son futur site internet. Dans un premier temps, une simple page d'accueil devrait permettre aux internautes de découvrir la nouvelle autorité, avant le lancement d'un nouveau site rassemblant les contenus de ceux de l'HADOPI et du CSA. Une lettre d'information commune, à destination des agents des deux autorités, a également été élaborée afin de les tenir informés de l'avancée de la préfiguration et des évolutions législatives en perspective, qui vont redéfinir leur mission.

Concernant le groupe de travail « Systèmes d'information », il est prévu que nous installions, dès l'année prochaine, nos serveurs informatiques au sein du fort de Rosny en vue d'une future mise en commun de nos salles serveur.

Enfin, le groupe de travail « Immobilier » a examiné la question du regroupement des agents des deux autorités dans la tour Mirabeau, siège du CSA. Toutefois, le développement du télétravail, encouragé depuis le déclenchement de la crise sanitaire et qui tend à devenir une pratique plus usuelle au sein de nos deux autorités, nous pousse à reconsidérer nos besoins en matière d'espaces de travail. Aussi aucune décision définitive n'a‑t-elle été actée sur le plan immobilier.

Nous avons, en outre, fait appel à un cabinet extérieur en vue d'accompagner les agents dans le processus de fusion. L'envoi d'un premier questionnaire aux agents des deux autorités, afin de recueillir leurs attentes et leurs sentiments, a été reporté compte tenu de la suspension de l'examen du projet de loi sur l'audiovisuel.

Si la fusion ne devait pas se réaliser dans les prochains mois, les travaux de ces différents groupes de travail auront permis à nos deux institutions de mettre en place des mesures substantielles de mutualisation de leurs actions et d'améliorer la cohérence de leur gestion interne afin de fonder une forme de coopération renforcée. Ce n'est toutefois pas un scénario conforme aux attentes que je partage avec le président Maistre. Notre conviction profonde est que la fusion de nos deux institutions est une nécessité. Elle permettra de porter, avec une efficacité renouvelée, une politique publique de soutien à la création ambitieuse et pérenne, et de refonder la régulation audiovisuelle à l'ère numérique. Nous sommes donc impatients qu'un texte de loi soit voté à cette fin dans les meilleurs délais possibles.

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