La culture est d'une importance primordiale et je souhaite que l'on sorte du débat entre « essentiel » et « non essentiel » : une définition administrative est relative aux commerces dits non essentiels mais, bien entendu, la culture est au cœur du projet de tous les partis politiques, de droite comme de gauche. J'ai lu les projets politiques présentés lors de la dernière campagne présidentielle ; on peut être d'accord ou ne pas l'être avec certaines mesures, mais tous les partis avaient un projet substantiel de politique culturelle. Finissons-en donc avec les faux débats. La France a été l'un des premiers pays à se doter d'un vrai ministère de la culture, où se sont succédé des personnalités de premier plan qui ont mené des politiques culturelles très fortes. Aujourd'hui, notre nation est celle qui soutient le plus artistes et établissements culturels, par des aides aux personnes et aux structures ; penser que le Gouvernement ne considérerait pas la politique culturelle comme essentielle est absurde. Voyez ce qui se passe dans les autres pays européens ou en Amérique : imaginez ce qu'est la vie du responsable culturel britannique qui nous avoue que 35 % des musiciens britanniques vont quitter le monde de la culture, observez que la Royal Opera House de Londres vend le tableau de David Hockney dont elle est propriétaire pour survivre, constatez que tous les établissements culturels sont à l'arrêt, sans aucune indemnité, aux États-Unis ! Soyons fiers de notre pays et de ce qu'il fait pour les établissements culturels.
Nous avions une certaine visibilité lors du premier chapitre de la pandémie, qui a pris fin aux environs de Noël. Alors que nous travaillions à une réouverture échelonnée entre la fin du mois de janvier et la mi-février selon les établissements, l'apparition des variants a entièrement modifié la donne. À cela s'ajoutent les aléas liés à la livraison des vaccins, qui exige une technologie sophistiquée ; les ruptures possibles de la chaîne de livraison fragilisent les calendriers de vaccination. Ces incertitudes nous privent de visibilité.
Malgré cela, il faut entrer dans une période où, en respectant les consignes sanitaires, nous pourrions construire un modèle résilient de réouverture des lieux culturels. Je ne peux pas vous dire à quelle échéance cela se fera, mais nous y travaillons avec les acteurs de tous les domaines culturels. Il va sans dire que selon que l'on parle de salles confidentielles où un humoriste se tient devant 50 à 100 personnes ou de festivals debout tels que les Eurockéennes – qui ont vendu 60 000 tickets –, les Vieilles Charrues ou la Hellfest, les modèles n'ont rien de commun. Il faut bâtir des stratégies adaptées à chaque spectacle. Le problème, dans notre pays, c'est que l'on veut à la fois des solutions adaptées et l'égalité de traitement et donc que le même modèle vaille pour tous. Je puis vous dire que je travaille d'arrache-pied avec les acteurs du spectacle vivant pour mettre au point des solutions permettant de retrouver les lieux culturels et d'assurer la totale sécurité des spectateurs. Personne plus que moi n'a hâte de rouvrir ces lieux. La culture est ma vie : je sortais tous les soirs dans un lieu culturel et il est paradoxal que je ne puisse plus le faire depuis que je suis devenue ministre de la culture ! Ce n'est pas de gaieté de cœur que nous maintenons les lieux culturels fermés, mais qui a vu ses proches mourir de cette maladie abominable connaît l'ordre des priorités.