COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION
Mardi 19 janvier 2021
La séance est ouverte à dix-sept heures trente-cinq.
(Présidence M. Bruno Studer, président)
La Commission poursuit l'audition de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture, sur les conséquences de la crise sanitaire pour le secteur culturel et les perspectives pour 2021 (suite de l'audition du12 janvier 2021).
Nous accueillons Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture, que je remercie d'être venue poursuivre avec nous les échanges commencés mardi dernier et que nous avions dû interrompre en raison de l'heure tardive.
J'ai été frappée par une vidéo montrant une ancienne ballerine : alors qu'on lui fait entendre Le Lac des cygnes, cette dame très âgée souffrant de la maladie d'Alzheimer reproduit immédiatement les mouvements de danse qu'elle avait appris il y a bien longtemps. On lit dans un rapport publié par l'OMS en 2019 que l'art peut compléter ou renforcer les protocoles thérapeutiques dans des affections complexes telles que le diabète ou l'obésité et, au Canada, des médecins soignent la dépression en prescrivant des sorties au musée. En France, cette piste thérapeutique est sous-exploitée. Alors que le monde de la culture subit de plein fouet les conséquences de la crise sanitaire, cette approche offre pourtant des perspectives. Le ministère de la culture et le ministère de la santé pourraient y travailler de conserve. Quel est votre avis à ce sujet, madame la ministre ?
Vous prêchez une convaincue et une militante de l'art-thérapie et de la musicothérapie qui, il y a plusieurs années, a fondé l'association Music'O seniors. Elle donne des bourses à des étudiants de conservatoire méritants, organise des concerts dans les maisons de retraite pour les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et, très souvent, ceux qui les entourent nous disent : « Vous avez rallumé la lumière dans leurs yeux ».
Les interactions entre culture et santé ne sont pas ignorées. C'est en 1999 qu'a été signée la première convention nationale associant le ministère des solidarités et de la santé et le ministère de la culture en vue d'une politique commune d'accès à la culture pour tous les publics en milieu hospitalier. Pendant les deux décennies suivantes, les établissements hospitaliers ont été encouragés par l'État, les collectivités territoriales et, au sein du Gouvernement, par une collaboration active entre les ministres de la santé et ceux de la culture – singulièrement entre moi-même et Frédéric Mitterrand, auquel j'envoie mes vœux les plus chaleureux de bon rétablissement puisqu'il a été frappé par le Covid, virus cruel. La convention culture-santé qui permet de développer l'accès à l'art et à la culture pour les personnes âgées, les personnes handicapées, les personnes malades ou hospitalisées, est en cours de renouvellement pour acter l'élargissement des bénéficiaires au secteur médico-social.
L'enjeu est fort, mais dans une pandémie aussi sévère que celle à laquelle nous sommes confrontés, une gradation s'impose. Quand le coronavirus sévit, le premier acte consiste à le traiter par des soins puissants : administration de cortisone et d'anticoagulants, oxygénation, réanimation… L'art-thérapie, dont je suis une militante acharnée, ne peut être envisagée qu'au moment de la convalescence, en accompagnement des soins.
La culture, que certains considèrent comme non essentielle, est en danger, avec une baisse annoncée de 25 % du chiffre d'affaires du secteur en 2020. Depuis le début de la crise sanitaire, 46 % des acteurs de la culture se sont trouvés au chômage partiel. Cette crise se prolongeant, nous devons apprendre à vivre malgré le virus en attendant qu'il soit éradiqué. Or, nous ne sommes pas uniquement des corps : notre esprit a aussi besoin d'être nourri et la culture est nécessaire en ces temps difficiles où elle peut être un rempart au mal-être et au repli sur soi. Laisser fermés les lieux culturels, c'est rompre la relation entre le public et les artistes, arrêter les processus de création, mettre à mal l'éducation artistique et culturelle. En prenant évidemment les précautions nécessaires, avez‑vous un plan de réouverture des lieux culturels ? D'autre part, envisagez-vous de prolonger l'« année blanche », comme le demandent les intermittents du spectacle ?
La culture est d'une importance primordiale et je souhaite que l'on sorte du débat entre « essentiel » et « non essentiel » : une définition administrative est relative aux commerces dits non essentiels mais, bien entendu, la culture est au cœur du projet de tous les partis politiques, de droite comme de gauche. J'ai lu les projets politiques présentés lors de la dernière campagne présidentielle ; on peut être d'accord ou ne pas l'être avec certaines mesures, mais tous les partis avaient un projet substantiel de politique culturelle. Finissons-en donc avec les faux débats. La France a été l'un des premiers pays à se doter d'un vrai ministère de la culture, où se sont succédé des personnalités de premier plan qui ont mené des politiques culturelles très fortes. Aujourd'hui, notre nation est celle qui soutient le plus artistes et établissements culturels, par des aides aux personnes et aux structures ; penser que le Gouvernement ne considérerait pas la politique culturelle comme essentielle est absurde. Voyez ce qui se passe dans les autres pays européens ou en Amérique : imaginez ce qu'est la vie du responsable culturel britannique qui nous avoue que 35 % des musiciens britanniques vont quitter le monde de la culture, observez que la Royal Opera House de Londres vend le tableau de David Hockney dont elle est propriétaire pour survivre, constatez que tous les établissements culturels sont à l'arrêt, sans aucune indemnité, aux États-Unis ! Soyons fiers de notre pays et de ce qu'il fait pour les établissements culturels.
Nous avions une certaine visibilité lors du premier chapitre de la pandémie, qui a pris fin aux environs de Noël. Alors que nous travaillions à une réouverture échelonnée entre la fin du mois de janvier et la mi-février selon les établissements, l'apparition des variants a entièrement modifié la donne. À cela s'ajoutent les aléas liés à la livraison des vaccins, qui exige une technologie sophistiquée ; les ruptures possibles de la chaîne de livraison fragilisent les calendriers de vaccination. Ces incertitudes nous privent de visibilité.
Malgré cela, il faut entrer dans une période où, en respectant les consignes sanitaires, nous pourrions construire un modèle résilient de réouverture des lieux culturels. Je ne peux pas vous dire à quelle échéance cela se fera, mais nous y travaillons avec les acteurs de tous les domaines culturels. Il va sans dire que selon que l'on parle de salles confidentielles où un humoriste se tient devant 50 à 100 personnes ou de festivals debout tels que les Eurockéennes – qui ont vendu 60 000 tickets –, les Vieilles Charrues ou la Hellfest, les modèles n'ont rien de commun. Il faut bâtir des stratégies adaptées à chaque spectacle. Le problème, dans notre pays, c'est que l'on veut à la fois des solutions adaptées et l'égalité de traitement et donc que le même modèle vaille pour tous. Je puis vous dire que je travaille d'arrache-pied avec les acteurs du spectacle vivant pour mettre au point des solutions permettant de retrouver les lieux culturels et d'assurer la totale sécurité des spectateurs. Personne plus que moi n'a hâte de rouvrir ces lieux. La culture est ma vie : je sortais tous les soirs dans un lieu culturel et il est paradoxal que je ne puisse plus le faire depuis que je suis devenue ministre de la culture ! Ce n'est pas de gaieté de cœur que nous maintenons les lieux culturels fermés, mais qui a vu ses proches mourir de cette maladie abominable connaît l'ordre des priorités.
La tenue des grands festivals d'été suppose l'accueil des festivaliers dans des campings et en des lieux de restauration. Des mesures sanitaires seront‑elles décidées dans ce cadre ? Si c'est le cas et si elles entraînent un surcoût dans l'organisation du festival, des crédits seront-ils alloués pour le compenser afin d'éviter la hausse du prix des billets ?
Dans un autre domaine, les cinémas associatifs demandent à être informés trois semaines ou à tout le moins quinze jours à l'avance de la date de réouverture des salles pour avoir le temps de négocier avec les distributeurs les films qu'ils pourront diffuser. Je comprends la difficulté que cela présente, mais ce délai leur est indispensable.
Les grands festivals debout regroupent des dizaines de milliers de participants qui chantent, crient, dansent, boivent… Cela pose des problèmes de sécurité sanitaire dont les organisateurs sont conscients. La question est grave, et j'y travaillais ce matin encore, longuement, avec un des organisateurs d'un très grand festival mondialement connu. Certains organisateurs nous demandent de leur dire tout de suite que les festivals de l'été prochain ne pourront pas avoir lieu et de les indemniser. D'autres veulent rouvrir comme si l'épidémie n'avait pas existé et nous demandent de les y autoriser au motif qu'ils savent faire et que ces événements participent du patrimoine culturel et de l'activité économique. Je ne peux accepter ni l'une ni l'autre de ces demandes.
En revanche, je salue la créativité des organisateurs partisans d'une voie médiane, réaliste et utile, ceux qui s'attachent à trouver un modèle économique permettant de concilier, par des adaptations, sécurité sanitaire et reprise de l'activité économique et du travail des artistes. Ceux-là rejettent l'expérimentation barcelonaise consistant à pratiquer des tests PCR à l'entrée d'un festival debout, jugeant l'idée lunaire : comment, m'ont-ils dit, imaginer réaliser 10 000 ou même 5 000 tests PCR par jour ? De plus, un festival dure entre trois et cinq jours ; il faudrait donc refaire des tests au bout de trois jours, ce qui est évidemment impossible – et qui les payerait ? La France assure la gratuité des tests pour tous quand, au Royaume-Uni, chaque test coûte 300 euros à ceux qui se le font faire, mais une question éthique se pose : peut-on facturer à l'Assurance maladie un test d'entrée dans un festival ? Ces sujets, beaucoup plus complexes qu'il n'y paraît, ne permettent pas des solutions simplistes. Nous y travaillons.
On pense souvent que le temps des bobines n'étant plus, la numérisation permet de projeter un film comme on allume la lumière : on actionne un interrupteur et la séance démarre. Il n'en est rien et, de fait, deux à trois semaines sont nécessaires pour relancer une programmation. Mais j'anticipe les questions éventuelles portant sur la sécurité des lieux de spectacle pour vous dire que lors de la première version du coronavirus, nous étions, de manière empirique faute d'études scientifiques, assez sûrs que ces lieux étaient sûrs. Les nouvelles versions du coronavirus sont beaucoup plus contaminantes et nous n'avons pas de réponse sûre possible puisque, ces lieux étant fermés, nous ne disposons d'aucun élément d'appréciation. Beaucoup d'interrogations demeurent et on peut comprendre que le principe de précaution prévale.
L'exception culturelle française se traduit en particulier par le soutien à la filière cinéma grâce à un mode de financement spécifique, pertinent et légitime de la création. Les 165 millions d'euros affectés au Centre national du cinéma et de l'image animée, le CNC, dont 60 millions pour maintenir les dispositifs d'aide à la création et à la diffusion et 105 millions de mesures exceptionnelles pour le plan de relance « Cinéma » ont permis à la filière de limiter la casse en 2020, mais l'inquiétude demeure pour 2021. Certes, le décret relatif aux services de médias audiovisuels à la demande mettra les plateformes de streaming à contribution, mais comme ce sont plutôt des spécialistes des séries, leur investissement portera plus sur l'audiovisuel, si bien que le cinéma n'obtiendra guère plus de 40 à 50 millions. Dans le même temps, les recettes publicitaires des chaînes de télévision baisseront probablement encore, et les revenus des entrées dépendent de la sortie hypothétique des superproductions en salles. Cinquante pour cent du produit des entrées vont aux réseaux Pathé et UGC, 25 % à des salles municipales soutenues par des collectivités locales, elles-mêmes en difficulté en raison de la crise sanitaire, et 25 % à de petits cinémas indépendants dont les projets de création de nouvelles salles, dans ma circonscription en tout cas, sont suspendus, voire réduits. Pouvez-vous, madame la ministre, rassurer les acteurs de la filière cinéma sur leur avenir en 2021 ?
Il est à l'honneur de notre pays d'avoir maintenu depuis des années l'aide publique massive apportée au secteur du cinéma et maintenant de l'audiovisuel français, nous permettant ainsi, au-delà des vicissitudes politiques et des changements de majorité, de préserver une filière « cinéma » française – filière de soft power non négligeable. Nous devons maintenant aussi gagner des parts de marché dans l'audiovisuel, nouvelle forme de consommation culturelle. Vous me donnez l'occasion de dresser le bilan de ce qui a été fait en 2020. Le total des soutiens ou prêts garantis par l'État et de la dépense fiscale s'est élevé à plus de 1,1 milliard d'euros, auxquels s'ajouteront les 165 millions d'euros actés dans le plan de relance pour 2021. L'ensemble des taxes affectées au CNC devait représenter 676 millions d'euros dans le budget initial ; finalement, compte tenu de la crise sanitaire, il devrait s'élever à 583 millions en 2020 et à 606 millions en 2021. Depuis le début de la crise, le Gouvernement mobilise des financements importants pour accompagner le secteur. Les mesures d'urgence appliquées par le CNC entre mars et juin derniers représentent 98 millions d'euros auxquels ont été ajoutés, en tout, 80 millions de mesures d'accompagnement prises après l'obligation de couvre-feu avec le fonds de compensation à la reprise d'activités liées à la distanciation et le fonds « couvre-feu ». Après que, début décembre, le Premier ministre a annoncé que les salles ne pourraient rouvrir, nous avons réabondé ces fonds à hauteur de 27 millions d'euros qui seront versés en 2021, une fois les comptes faits. Ces aides massives ont compensé les pertes signalées par le secteur du cinéma en 2020 ; c'est assez remarquable.
Dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2021, les dépenses fiscales ont été renforcées ; votre mobilisation a permis d'améliorer plusieurs dispositifs tels que les Sofica et de prolonger le crédit d'impôt international, portant la dépense fiscale à 400 millions d'euros. Bien entendu, le cinéma bénéficie des mesures transversales, dont le ministre de l'économie, des finances et de la relance a indiqué qu'elles ont été reconduites et considérablement renforcées, puisque portées à 4 milliards d'euros par mois. Le cinéma, dans ses volets « production » et « distribution », est éligible à ces aides.
Les petites salles de cinéma jouent un rôle très important. Certaines, telles les salles municipales, ne sont pas éligibles à certaines aides. Cependant, j'ai indiqué au cours de la discussion budgétaire que, au cas par cas, si une salle est en péril, j'aurai de la situation une vision large, non technocratique. Je souhaite en effet le maintien de ce tissu exceptionnel de 7 000 écrans rendu possible par un système de distribution remarquable, une densité qui ne se trouve dans aucun autre pays européen. Nous disposons d'une enveloppe de 50 millions d'euros et nous aiderons toutes les salles dont l'existence pourrait être menacée par la crise. Rappelons‑nous que le cinéma est la première salle de spectacle des Français.
Dans les quartiers populaires et ceux de la politique de la ville tel le Mirail à Toulouse, des fillettes et des adolescentes sont inscrites dans les cours de danse installés en bas des immeubles et des professeurs mettent toute leur énergie à faire émerger le talent de ces gamines dont les parents ou les grands-parents sont issus de l'immigration. Elles ont une rythmique exceptionnelle, dégagent une force, une beauté, une joie contagieuse et galvanisent les salles quand elles dansent devant leurs familles. Elles pourraient conquérir les cœurs de la France entière et bousculer les préjugés mais, le plus souvent, elles ne sont vues que dans leurs quartiers, d'autant que quand elles ont une quinzaine d'années, c'en est souvent terminé : des coutumes parfois sévères peuvent enfermer les talents et les danseuses. N'y a-t-il pas là un levier majeur de reconquête des valeurs républicaines, une clef de l'adhésion aux valeurs républicaines de respect, d'expression et de partage des cultures par la fierté de l'appartenance et de la reconnaissance ?
La diffusion de la culture dans les quartiers comme outil de citoyenneté est une politique de long terme. Elle s'accomplit par la diffusion de l'éducation artistique et culturelle, pour l'instant en sommeil. Votre question me permet d'aborder la question de la réouverture des établissements d'enseignement culturel. Dans un premier temps, seuls les établissements mentionnés à l'article L216-2 du code de l'éducation ont été autorisés à ouvrir au public, pour les seuls élèves inscrits dans les classes à horaires aménagés, en série technologique sciences et techniques du théâtre, de la musique et de la danse, en troisième cycle et en cycle de préparation à l'enseignement supérieur, lorsque les formations ne peuvent être assurées à distance, ce qui est le cas en général.
Mais le décret du 15 janvier dernier permet – et ce n'est souvent pas su – l'accueil des mineurs dans les conservatoires territoriaux et dans tous les établissements de l'enseignement artistique relevant du spectacle vivant et des arts plastiques. Les jeunes élèves peuvent ainsi reprendre, dans le respect des protocoles sanitaires, tout leur cursus d'enseignement sur site quand les enseignements à distance ne peuvent être assurés, exception faite des arts lyriques pour des raisons que l'on peut comprendre. Je n'ignore pas les efforts accomplis dans ces établissements pour assurer des enseignements à distance de qualité ; c'est une première étape vers la reprise des activités culturelles.
Je précise que, par dérogation, les conservatoires et les établissements de l'enseignement artistique relevant du spectacle vivant et des arts plastiques peuvent rester ouverts au-delà de 18 heures pour assurer les enseignements destinés aux élèves mineurs et à ceux qui sont inscrits dans les classes à horaires aménagés en séries technologiques sciences et techniques du théâtre, de la musique et de la danse, en troisième cycle et en cycle de préparation à l'enseignement supérieur.
Les nombreuses questions posées à ce sujet me laissent penser que la teneur du décret est peu connue et que l'on croit l'interdiction maintenue ; faites-vous, je vous prie, les hérauts de cette disposition à laquelle je tiens particulièrement.
J'aimerais être sûr de vous avoir correctement comprise, madame la ministre. Si je vous ai bien entendue, l'accès aux établissements d'enseignement artistique et culturel au delà de 18 heures est possible pour les activités extra‑scolaires ; cette précision intéressera de nombreuses écoles de musique. Est-ce bien cela ?
Oui, pour peu que l'on soit en possession de l'attestation dérogatoire. Nous avons donné consigne aux directions régionales des affaires culturelles (DRAC) de le signaler aux acteurs locaux. Si cette information est relayée par plusieurs canaux, c'est parfait.
La crise a un fort impact sur les cirques. Ainsi, le cirque Alexis Gruss, le plus grand de France, a perdu plus de 2 millions d'euros depuis le début de la crise sanitaire. Il prévoyait de reprendre sa tournée à partir du 15 janvier, mais la situation épidémique a de nouveau douché cet espoir. De nombreuses charges fixes pèsent sur les cirques, qui doivent nourrir et loger les artistes et entretenir les animaux. Angelo Gopée, directeur général de Live Nation France, préconise un plan de reprise pour faire revenir les spectateurs. Étant donné la paupérisation généralisée des circassiens, prévoyez-vous des aides spécifiques jusqu'à la reprise de leurs activités ?
Je recevrai jeudi MM. Lucien et Gilbert Gruss pour examiner avec eux la situation de cette activité. Cela étant, nous n'avons jamais manqué de faire participer les représentants du cirque à nos entretiens avec les acteurs et les opérateurs du spectacle vivant, qu'il s'agisse d'accompagnement social ou d'accompagnement financier. Le cirque, spectacle vivant, bénéficie à ce titre de toutes les mesures transversales : prêts garantis par l'État, chômage partiel, aides spécifiques, exonérations de charges fiscales et sociales pour couvrir les frais fixes et toutes mesures sectorielles. Le cirque est un spectacle culturel et il doit être considéré comme tel. Les aides de grande ampleur que nous accordons au spectacle vivant visent à couvrir l'ensemble des frais fixes et des pertes de billetterie. Aussi n'est-il pas besoin de mesures spécifiques aux circassiens, qui rencontrent les mêmes difficultés que l'ensemble du spectacle vivant et qui sont éligibles à toutes les formes d'aide. Les structures particulièrement fragilisées sont l'objet d'une attention soutenue : si un complément spécifique est nécessaire, des enveloppes permettent de le verser.
Depuis le début de la crise sanitaire, le Gouvernement et la majorité agissent pour soutenir la filière du livre. Cela s'est fait par le biais de la loi de finances rectificative (LFR) et du plan de relance, qui comportent des mesures propres à aider les librairies à gagner en productivité en modernisant leur équipement numérique. Sait-on déjà si les libraires, indépendants en particulier, se sont saisis de ces mesures ?
Il est encore trop tôt pour vous le dire puisque cette disposition est d'application très récente. C'est en tout cas un sujet de grande satisfaction pour nous tous de constater que le secteur de la librairie a particulièrement bien résisté à la crise. Alors que certains augures prédisaient la disparition des librairies indépendantes en France, la chute de chiffre d'affaires n'a été que de 3,3 %. Quand on ajoute à cela les aides accordées par l'État au secteur, c'est un beau succès, dans les circonstances que nous connaissons. Plusieurs libraires m'ont confié avoir vu arriver de nouveaux lecteurs en grand nombre. L'un d'eux m'a ainsi indiqué que, le samedi, 600 clients étaient passés au lieu de 150 en temps ordinaire, cette évolution étonnante s'accompagnant de plus d'un panier moyen considérablement augmenté. Cet appel d'air lui a permis de gommer intégralement la perte de chiffre d'affaires qu'il avait subie lors de la fermeture obligée.
Pendant la période de fermeture, les librairies ont bénéficié de toutes les aides transversales et des mesures complémentaires ont été adoptées pour tenir compte des fragilités structurelles du secteur : 25 millions d'euros dans le cadre de la LFR et 12 millions répartis sur 2020 et 2021 pour la modernisation numérique des librairies. Le plan de relance permettra de soutenir les achats de livres par les bibliothèques publiques, à hauteur de 5 millions d'euros par an, et 3,5 millions d'euros seront consacrés à la généralisation du programme d'éducation artistique et culturelle Jeunes en librairie. En outre, les frais d'expédition des librairies ont été pris en charge entre le 5 novembre et le 31 décembre 2020. À ce sujet, je salue l'intéressant travail mené par MM. Yannick Kerlogot et Michel Larive sur l'évaluation de la loi encadrant les conditions de vente à distance des livres.
Bien entendu, la crise n'a pas gommé les problèmes structurels qui affectent certaines librairies comme toutes sortes d'autres entreprises. Mais si l'on considère que le chiffre d'affaires global du secteur ne s'est contracté que de 3,3 % ; que 19 millions d'euros visant à compenser l'activité partielle ont été versés aux librairies ; que le fonds de solidarité a mobilisé près de 6 millions d'euros ; que le montant des prêts garantis par l'État pour les libraires – qui bénéficieront des dispositions élargies annoncées par le ministre des finances – a été de 91 millions d'euros, nous pouvons nous dire que nous avons sauvé nos librairies, et nous réjouir qu'elles aient acquis de nouveaux lecteurs.
Dans les Outre-mer, la culture est le produit d'une histoire mouvementée. Foisonnante et plurielle, elle ne se résume pas, contrairement aux clichés, à une vision festive ; elle s'exprime dans une palette variée s'inspirant des traditions des différents océans où notre République est présente. Cependant, les cultures ultramarines continuent d'être traitées en parents pauvres, comme le montre un rapport du Sénat sur les nouveaux territoires de la culture publié en 2019. On y lit que la situation des départements et collectivités d'outre-mer mérite une attention particulière au regard de la fracture entre ces collectivités et les régions métropolitaines. À titre illustratif, avant la pandémie, il n'y avait dans les douze territoires ultramarins que deux conservatoires et deux scènes nationales, aucune salle de plus de 3 000 places, aucun musée d'art contemporain… Aujourd'hui, les difficultés que connaissent les artistes ultramarins sont amplifiées au centuple par rapport à celles des artistes de France métropolitaine, et il y a fort à craindre que le peu qui a été construit grâce aux efforts des acteurs locaux soit amené à disparaître. Quelles actions le Gouvernement mène-t-il pour soutenir le monde culturel dans les outre-mer ?
C'est un sujet de préoccupation pour moi et je souhaite que l'équité soit rétablie. C'est pourquoi j'ai pris garde, lors de l'élaboration du plan de relance, à ce que chaque territoire ultramarin soit bien servi ; je tiens à votre disposition les chiffres qui vous permettront de vérifier mon militantisme dans ce domaine. D'autre part, je suis particulièrement attentive à la préservation du patrimoine linguistique des outre-mer. Comme M. Kerlogot, je suis une militante des langues de France, et j'espère pouvoir me rendre à la grande rencontre qui permettra aux défenseurs de ces langues, dont nous sommes, d'échanger sur ce sujet qui me tient à cœur. Préserver les langues régionales, c'est une garantie de diversité et c'est aussi sauvegarder un patrimoine menacé. L'Unesco rappelle que cette biodiversité linguistique est partie de la culture française, même si le français est la langue qui, constitutionnellement, doit nous réunir – mais ce n'est pas antinomique.
L'entreprise espagnole Mediapro, qui avait acquis les droits audiovisuels de diffusion du championnat de France de football, a fait défaut, secouant durement les clubs professionnels français. Par son impact sur le rendement de la taxe sur les droits TV dite « taxe Buffet », cet événement touche aussi le tissu sportif amateur français, à trois ans des Jeux olympiques. Nous avons lu que dans le cadre de la recherche d'un repreneur, Canal +, partenaire historique, attendait de l'État une réforme de l'audiovisuel et notamment de la TVA favorable au groupe de Vincent Bolloré ; pouvez-vous nous en dire plus ? D'autre part, je suis inquiet du sort des salariés et des journalistes de la chaîne Téléfoot qui risquent de se trouver sans porte de sortie. Je note aussi qu'une grève agite le journal L'Équipe, qui ne paraît plus en kiosque après l'annonce d'un plan de sauvegarde de l'emploi ; que pensez-vous de ces plans successifs dans les médias sportifs français ? Enfin, dans le cadre d'un nouvel appel d'offres de la Ligue française de football pour les droits audiovisuels, seriez-vous favorable à l'attribution d'un lot spécifique aux chaînes publiques afin que ce sport populaire puisse le rester ?
Le ministère de la culture n'intervient à aucun moment dans la procédure contractuelle entre la LFP et les diffuseurs qui acquièrent les droits de diffusion du football. Pour autant, je suis attentivement cette affaire éminemment regrettable pour l'audiovisuel et pour le sport. Pour ce qui concerne la culture, le devenir des droits de diffusion est important puisqu'il dessine notre paysage audiovisuel et que Canal + est un pilier de la production audiovisuelle et cinématographique française. Le choix fait par Mediapro de recourir à ses propres équipes pour capter les images des matches de football au cours des derniers mois a mis en grande difficulté toute la filière française des industries techniques, et la question se pose aussi de l'accès des téléspectateurs aux matches de Ligue 1 et de Ligue 2 dans les prochaines semaines. Canal + a proposé un modèle transitoire de pay-per-view – paiement par match regardé – dans l'attente de l'aboutissement d'un nouvel appel d'offres. J'en appelle évidemment à l'esprit de responsabilité des acteurs concernés pour trouver une solution permettant de sortir rapidement de cette situation problématique mais, je le redis, la gestion de cette affaire ne relève aucunement de la responsabilité de la ministre de la culture.
J'avais déjà L'Équipe pour lecture quotidienne lorsque j'ai été ministre pour la première fois... Le sort de ce journal emblématique, remarquablement bien fait et bien écrit, pose la question de la fragilité des grands titres français. C'est pourquoi nous avons, avec le Président de la République, mis sur pied un programme de soutien à la presse extrêmement ambitieux, qui mobilise 481 millions d'euros pour l'instant. Les procédures sont celles que nous connaissons, et je suis évidemment cette affaire avec une grande attention.
Après que nous avons évoqué avec vous notre souhait commun de voir rouvrir très vite les lieux culturels, les grands festivals, les cinémas, les cirques, j'aimerais approfondir la réflexion sur la pratique amateur. Pour illustrer mon propos, je parlerai de la Bretagne et de ses arts et traditions populaires. Les 30 000 adhérents des fédérations de bagadoù et de cercles celtiques nous rappellent l'importance des relations sociales dont nous avons tous besoin et dont la crise nous a rappelé que sans elles, rien ne va. Plutôt que d'expérimenter d'abord des grands concerts tests, ne faudrait-il pas commencer par autoriser la reprise des répétitions de ces petits ensembles de pratique amateur, dans les territoires plutôt préservés et avec de petites jauges ?
Les bagadoù et les cercles celtiques font la richesse de la Bretagne et j'y suis, comme vous très attachée. Vous m'avez adressé un courrier à ce propos au mois de décembre. Étant donné les incertitudes persistantes et l'instabilité de la situation sanitaire, nous ne pouvons pas envisager la reprise des répétitions des formations amateur. Mais je puis vous assurer que les services déconcentrés du ministère veillent à soutenir les associations régionales à forte implication culturelle, en Bretagne et ailleurs. La DRAC Bretagne, très mobilisée, a eu des échanges avec certaines des associations concernées et leur porte une attention particulière. J'ai donné les consignes nécessaires pour l'accompagnement des structures les plus en difficulté ; les services de l'État seront au rendez-vous.
Je suis très attachée aux pratiques amateur, qui sont l'amorce de l'enseignement de la culture. Des moyens supplémentaires ont été votés dans la loi de finances pour 2021 afin de soutenir ces pratiques. La nouvelle délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle que j'ai créée au sein du ministère et qui veille en particulier au développement des pratiques amateurs nous permettra de mieux le faire.
Les ventes de livres se sont donc maintenues au cours de l'année 2020, ce qui est une très bonne chose pour le bien-être de nos concitoyens. L'État, par le biais de la LFR, la prise en charge des frais d'expédition et la non prise en compte pour l'accès au fonds de solidarité des ventes faites en mode « cliquez-retirez », ainsi que La Poste par une remise sur son offre « Proxi Course Librairies » ont participé activement au soutien des librairies, notamment indépendantes. Malgré tout, une sur cinq affiche une perte de 10 % de chiffre d'affaires, alors que les étudiants ont plus que jamais besoin d'accéder aux livres qui, même au domicile de leurs parents, restent un antidote à l'angoisse en cette période de crise. Les difficultés persistant, pouvez-vous confirmer que ces aides seront maintenues aussi longtemps que nécessaire ? Il serait même bon que certaines, notamment celle relative aux frais d'expédition, soient pérennisées.
Je rends hommage, madame la présidente du groupe d'études sur le livre, à votre implication dans ces questions. La pérennisation de la prise en charge des frais d'expédition ne peut être envisagée que dans un système revu globalement. Pour ce qui nous concerne, nous maintiendrons les aides aussi longtemps que c'est nécessaire. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance l'a redit : il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Les mesures seront bien sûr reconduites pour janvier et février et le seront s'il en est besoin à chaque fois que cela sera utile. Certaines grandes librairies ont été particulièrement affectées par la crise ; ainsi Gibert Jeune, situé place Saint-Michel à Paris, a annoncé sa fermeture prochaine – c'est la conséquence de difficultés structurelles avivées par des crises successives, en particulier les exactions de certains Gilets jaunes et la fermeture de fait des établissements. C'est tout à fait regrettable, mais nous sommes bien entendu à leurs côtés.
Les amoureux de l'architecture et du patrimoine s'inquiètent de l'avenir de la Butte rouge à Châtenay-Malabry. Construite à partir des années 1930 dans l'esprit épuré du Bauhaus pour loger les ouvriers, cette cité-jardin, témoignage emblématique de l'histoire de l'architecture du XXe siècle, nous invite aussi à repenser les rapports entre la ville et la nature à l'heure du réchauffement climatique. Pourtant, elle est menacée par un projet municipal de réaménagement du secteur qui aurait pour conséquence de raser 80 % de la Butte rouge, dont une trentaine d'immeubles à forte valeur architecturale et une large partie du système racinaire des arbres qui en constituent le patrimoine végétal. Ce projet rencontre une forte opposition locale relayée par ma collègue Frédérique Dumas et l'enquête publique sur le projet de transformation a révélé une majorité écrasante d'avis défavorables. Envisagez‑vous de classer la cité-jardin dans la catégorie des sites patrimoniaux remarquables, et surtout d'élaborer un plan de sauvegarde et de mise en valeur dans les conditions prévues par l'article L. 313-1 du code de l'urbanisme afin de concilier protection patrimoniale et amélioration du cadre de vie des habitants ?
Le projet de « réhabilitation » de la mairie de Châtenay-Malabry ne peut avoir pour conséquence de porter atteinte à La Butte rouge, ensemble urbanistique et architectural de premier plan. Pour garantir le respect de la cité-jardin, je souhaite qu'elle soit classée site patrimonial remarquable. La mairie s'est engagée devant le préfet et le directeur régional des affaires culturelles à lancer cette démarche. Si, d'aventure, elle changeait d'avis, j'engagerais une procédure unilatérale. Elle supposera la validation du Conseil d'État, mais elle sera enclenchée si c'est nécessaire.
Le plan de relance en faveur de la culture prévoit une enveloppe de 614 millions d'euros pour le patrimoine. Je salue votre engagement car les moyens alloués aux monuments historiques sont sans précédent, comme l'est le soutien au fonctionnement des musées nationaux pour leur permettre d'adapter leur offre numérique. Mais depuis près d'un an, les classes sont privées des visites de découverte qui contribuent à la formation des esprits et sont de magnifiques opportunités pédagogiques ; les liens avec les artistes ont également été rompus. Quel travail conduisez-vous avec les divers responsables culturels en vue d'une prochaine reprise des sorties scolaires culturelles ?
Je mène une importante activité culturelle en faveur des territoires. Elle s'est traduite, vous l'avez indiqué, par les 614 millions d'euros affectés dans le plan de relance. À ces moyens inédits, il faut bien sûr ajouter les crédits ordinaires, considérablement augmentés dans le PLF pour 2021, et les mesures d'urgence prises en 2020. Je souhaite que, dès que la situation sanitaire s'éclaircira, nous trouvions les moyens de concilier sécurité sanitaire et activités culturelles. Cela étant, nous avons tenu à ce que l'école, éminent lieu de culture, reste ouverte. Outre cela, les écoliers peuvent lire, et de nombreuses chaînes de télévision et plateformes offrent des programmes culturels de qualité. De plus, les activités culturelles se poursuivent dans les familles, ne serait-ce qu'en se promenant dans nos villes et nos campagnes : on peut apprécier l'architecture d'un bâtiment sans le visiter, et apprécier la beauté des villages de Dordogne. La réouverture des lieux culturels et la reprise de l'éducation artistique et culturelle devront aller de pair.
La ville de Clichy est propriétaire d'un bâtiment emblématique du patrimoine culturel du XXe siècle, la Maison du Peuple, dont les associations de riverains nous signalent l'état de dégradation critique ; que pouvez-vous faire pour que ce bâtiment redevienne un lieu de culture, d'échanges, de vie, en associant les citoyens au projet dans un schéma participatif et concerté ?
Dans un autre domaine, le projet de loi Climat et résilience traitera de l'encadrement de la publicité, notamment pour les produits émetteurs de gaz à effet de serre. Ces publicités sont sources de financement pour les médias ; comment s'engager résolument dans une voie de progrès pour l'environnement tout en prenant en compte les inquiétudes exprimées par les entreprises de médias ?
Le travail que vous avez mené, madame Calvez, sur la place des femmes dans les médias est une source d'inspiration pour la politique que je veux mener dans ce cadre et nous mettrons en œuvre presque intégralement, je vous l'ai dit, les propositions contenues dans votre rapport.
La Maison du Peuple à Clichy, classée monument historique, est effectivement emblématique de l'architecture du XXe siècle, dont j'ai dit mon intention de la valoriser. Nous nous sommes opposés récemment à un projet immobilier qui n'était pas inintéressant mais qui, portant atteinte à l'intégrité du bâtiment, n'était pas recevable. L'immeuble est dans un état préoccupant, le temps presse, et j'ai bon espoir que nous trouvions une autre solution avec le maire de Clichy. Une réunion a eu lieu cette semaine avec le maire, le préfet et le directeur régional des affaires culturelles pour examiner une nouvelle proposition de restauration de ce monument. Nous ne pouvons rien faire seuls, mais l'État prendra sa part du financement des études et d'une partie de la restauration et il apportera son expertise dans le respect dû à ce monument historique.
Un travail a été engagé lors d'une réunion, le 18 décembre dernier, avec Mme Pompili et les membres de la Convention citoyenne, en vue de l'élaboration avec les médias d'un « contrat climat ». Une nouvelle réunion aura lieu cette semaine pour discuter des engagements à venir, qui pourraient se traduire par le développement de la diffusion de programmes de sensibilisation aux enjeux de la transition écologique et le renforcement de la diffusion de publicité pour des produits écoresponsables. L'attente sociétale est forte. Les médias ont montré un volontarisme qu'il faut saluer, mais des engagements tangibles et à la hauteur des enjeux sont nécessaires : sans engagements volontaires, des mesures coercitives seront prises, ils le savent.
Ma question porte sur le devenir des salles de cinéma, notamment des exploitants indépendants. En 2020, les salles de cinéma ont subi une chute de leurs recettes et de leur fréquentation de 70 %. La réaction de l'État a été massive, qu'il s'agisse d'aide financière directe ou de prêts garantis, mais l'inquiétude demeure pour l'avenir. Quelles aides seraient accordées aux exploitants si la fermeture des salles était prolongée ? Le chiffre d'affaires de référence retenu sera-t-il bien celui de 2019 ? Quel dispositif de relance est prévu pour accompagner la réouverture des salles alors que, d'évidence, il faudra de nombreux mois pour retrouver une vitesse de croisière ?
Le communiqué de presse que nous avons publié après la réunion que nous avons tenue au ministère de l'économie et des finances avec les opérateurs du spectacle vivant et les exploitants des salles de cinéma, contient des réponses précises aux questions que vous vous posez. M. Le Maire et moi-même avons indiqué sans ambiguïté que l'année de référence est bien 2019. Toutes les mesures prises sont maintenues et pour certaines renforcées. Ainsi, le fonds de solidarité, qui bénéficie à toutes les entreprises fermées administrativement, sans critère de taille, permet d'indemniser les pertes de chiffre d'affaires correspondant à 20 % du chiffre d'affaires mensuel dans la limite de 200 000 euros par mois, en prenant pour référence soit le chiffre d'affaires de décembre 2019, soit le chiffre d'affaires mensuel moyen de 2019. Le Gouvernement a de plus décidé de créer une aide complémentaire permettant d'indemniser le solde de charges fixes non absorbable. Les exonérations de charges sociales patronales sont maintenues ; l'activité partielle sans reste à charge pour l'employeur sera maintenue en janvier et en février 2021, puis autant que de besoin, au même niveau, s'il n'y avait pas de réouverture pour des raisons sanitaires.
La crise sanitaire illustre la nécessité de sauvegarder un service public audiovisuel de qualité, alimenté par des ressources pérennes et suffisantes. En effet, les médias du service public sont actuellement les seuls vecteurs de diffusion de l'offre culturelle en France. Or, avec la suppression totale de la taxe d'habitation, effective en 2023, se pose la question du devenir de la contribution à l'audiovisuel public. J'ai co-signé, lors de l'examen du PLF pour 2021, un amendement déposé par le président de notre commission et qui visait à sanctuariser cette contribution malgré la suppression de la taxe d'habitation. Cet amendement a été retiré sous bénéfice d'inventaire. Or, la mission qui devait étudier les meilleurs moyens de préserver un financement affecté au service public audiovisuel n'a toujours pas été lancée. Quelles sont les intentions du Gouvernement en cette matière ?
Sur le principe, les recettes de l'audiovisuel public ne seront pas budgétisées ; le Président de la République l'a dit solennellement et je vous le redis, comme je l'ai fait la semaine dernière après avoir été interrogée à ce sujet par l'excellent président de votre commission. Nous sommes convenus de créer un groupe de travail sur cette affaire. Je reconnais que ce n'est pas encore fait parce que, depuis le début de la crise sanitaire, j'ai eu quelques menus problèmes à régler, mais nous nous attelons à cette tâche et nous la mènerons de la manière la plus déterminée pour nous référer ensuite à l'arbitrage qui jugera si la question est traitée, comme le souhaite votre président, dans le projet de loi de finances pour 2022 que je défendrai, ou bien dans celui que je défendrai, ou qu'un autre défendra, en 2023…
Je vous remercie, madame la ministre, pour le temps que vous nous avez consacré. Le président de l'Assemblée nationale ayant demandé aux présidents de commission de faire le point avec les ministres relevant de leurs champs de compétence respectifs sur les conséquences du Brexit, nous aurons le plaisir de vous retrouver dans quelques semaines.
Je suis à votre disposition, mais nous avons seulement commencé de décortiquer les 1 200 pages de l'accord de retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne. Le texte a des implications pour le secteur culturel, mais permettez-moi de prendre encore un peu de temps ; nous ne sommes pas encore tout à fait mûrs pour vous donner un avis utile sur cette cathédrale de papier.
Puisqu'il est question de cathédrale, j'informe mes collègues que vendredi matin, le comité de suivi des dons pour la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, qui rassemble les présidents des commissions des affaires culturelles et des finances des deux assemblées, se réunira en présence de M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, et du général Jean-Louis Georgelin.
La séance est levée à dix-neuf heures.