Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, chers collègues, je crois que nous conviendrons tous que la question qui nous réunit, à savoir la gestion des milieux aquatique et la prévention des inondations, est d'importance. Elle suscite la préoccupation d'un certain nombre – pour ne pas dire de la totalité – des collectivités locales, qu'elles récupèrent intégralement cette compétence ou qu'elles s'en voient dessaisies dans l'état actuel du droit.
Je remercie Mme la rapporteure pour le travail considérable qu'elle a mené avec notre collègue Catherine Kamowski du groupe La République en marche dans la conduite des travaux de la commission des lois sur cette proposition. Au-delà de leur proximité géographique, je les salue pour le travail d'équipe qu'elles ont accompli, avec l'ensemble des groupes représentés dans notre assemblée.
La loi MAPTAM du 27 janvier 2014 confie à titre exclusif et obligatoire aux EPCI à fiscalité propre l'exercice des missions de la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations à compter du 1er janvier 2018. Cette disposition résultait d'un voeu exprimé en particulier par des élus de territoires ruraux. Sur le plan des principes, il apparaissait utile, et même nécessaire, de le faire ; mais il faut dire qu'à l'époque cette disposition a été votée sans que l'on en mesure toutes les conséquences.
En effet la préparation de ce transfert de compétences a soulevé un certain nombre de questions pratiques. Il fallait donc remettre cette mesure sur le métier, pour obvier aux carences et aux imprécisions évidentes auxquelles étaient confrontés les EPCI.
Nous ne pouvons que nous satisfaire du débat constructif qui s'est tenu en commission des lois, notamment – je le répète – grâce au travail d'Élodie Jacquier-Laforge, mais aussi – je tiens à le souligner – grâce à la volonté, commune à tous les groupes parlementaires, de voir ce texte aboutir dans l'intérêt de nos collectivités et de nos concitoyens.
Je tiens ici à rappeler que cette proposition de loi porte exclusivement sur l'exercice de la compétence GEMAPI et sur les modalités pratiques de son transfert et de sa mise en oeuvre. Je salue le Gouvernement pour avoir engagé la procédure accélérée sur ce texte – ce qui est rare pour une proposition de loi – et sa volonté, partagée sur ces bancs, de le voir définitivement adopté avant la fin de l'année avec l'aide et la coopération constructive – j'en suis certain – du Sénat.
Mes chers collègues, nous savons tous que l'état du droit n'est pas satisfaisant. Si notre groupe a déposé cette proposition de loi, cosignée par le groupe La République en marche – dont je salue tous les membres ici présents ainsi que le président Richard Ferrand – , c'est d'abord parce que nous avons voulu introduire davantage de souplesse dans la mise en oeuvre de ce transfert de compétences. En effet de très nombreuses collectivités n'étaient pas prêtes à les assumer dans des conditions favorables.
Nous voulons permettre à ce qui fonctionne aujourd'hui de continuer à fonctionner lorsque cela n'entre pas en contradiction avec la volonté de rationalisation affirmée par le législateur ces dernières années – je pense, par exemple, aux départements côtiers, qui ont une expertise et des moyens indéniables en termes de prévention des risques de submersion marine.
Deuxièmement, nous avons déposé cette proposition de loi dans une optique de co-construction avec tous nos collègues et avec les associations d'élus locaux. Notre idée, depuis le début, est de pouvoir amender ce texte pour tirer parti des expériences de terrain, à condition de nous cantonner à son objet propre, à savoir l'organisation de la compétence GEMAPI. Vous devinez sans mal tous les autres sujets que d'aucuns seraient tentés d'aborder par le biais de cette proposition de loi : nous ne pouvons les accepter, car cela n'irait pas dans le bon sens.
Cette proposition de loi, telle qu'elle a été déposée puis amendée en commission, va dans le bon sens. Son article 1er permet aux départements exerçant des missions de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations de continuer à le faire après le 1er janvier 2020 – ce qui est impossible dans le cadre actuel du droit. L'examen en commission a substantiellement enrichi cet article. Un amendement de la rapporteure, qui visait à répondre à une demande émanant de plusieurs groupes, a prévu la mise en place d'une convention entre l'EPCI et le département lorsque ce dernier souhaite continuer à exercer une mission relevant de la GEMAPI. Cette convention devra préciser la répartition des missions ainsi que les modalités de coordination et de financement de cette répartition. Souplesse et clarté, voilà les deux objectifs que nous visons, non seulement par l'article 1er mais par l'ensemble de ce texte. Cette précision y contribue.
Le champ de l'article 2 a été élargi en commission. Il ouvrait dans un premier temps le débat – au moyen d'une demande de rapport au Gouvernement – sur la gestion des fleuves. Il nous semble que les EPCI ne sont pas à eux seuls l'échelle pertinente pour exercer cette gestion ; nous pensons que cela doit relever davantage d'une politique supra-EPCI, avec une vision nationale.
Un amendement de Mme la rapporteure prévoit par ailleurs d'étendre le champ de ce rapport aux zones côtières et aux digues domaniales. La submersion côtière soulève en effet les mêmes enjeux que la gestion des fleuves, des enjeux d'envergure nationale. Nous y sommes évidemment favorables. J'insiste sur l'importance de ce rapport, dont le texte précise qu'il devra notamment porter sur les possibles évolutions institutionnelles et financières de ces gestions.
Nous n'éludons pas la question du financement de la compétence GEMAPI, mais je rappelle à ceux de nos collègues qui seraient tentés d'introduire dans ce texte des mesures relatives à cette question que ce n'est pas son objet. Le temps d'aborder ce problème viendra avec la réforme de la fiscalité locale annoncée par le Président de la République. L'urgence la plus immédiate est l'organisation pratique du transfert de compétence – sachant que le dispositif initial prévoyait déjà la possibilité d'instaurer une taxe.
Les articles 3 et 4 revêtent une importance particulière car ils mettent fin aux fréquentes divergences d'interprétation entre les services de l'État et les EPCI quant à la possibilité d'organiser ce que l'on appelle la « sécabilité interne » des missions de la compétence GEMAPI. Grâce à ces articles, il sera possible pour les EPCI de transférer ou déléguer, en totalité ou partiellement, chacun des quatre items de cette compétence.
Un amendement supplémentaire, adopté en commission à l'initiative de Mme la rapporteure, a permis d'améliorer encore la souplesse de ce dispositif, en autorisant les EPCI à déléguer – en plus du transfert – à des syndicats mixtes de droit commun. Il aligne ainsi leur régime de transfert et délégation sur celui des EPAGE et des EPTB. Là aussi, nous allons dans le bon sens : sans cette mesure, certaines structures, exerçant aujourd'hui de manière efficace une partie d'une mission, pourraient se trouver en difficulté.
J'en viens aux articles 5 et 6 de la proposition de loi, qui tirent les conséquences directes de l'article 1er, à savoir la possibilité pour les départements exerçant des missions GEMAPI, notamment en matière de prévention du risque d'inondation, de faire bénéficier les EPCI de leur ingénierie et de leur assistance technique, cette dernière devant être organisée par convention. Nous accédons ainsi à une demande forte de certaines collectivités, notamment les départements côtiers.
Nous examinons aujourd'hui un texte clair dont l'ambition est de faciliter les modalités pratiques du transfert de la compétence. Nous sommes mobilisés ce matin et cet après-midi pour franchir une étape nécessaire. Je note que l'ensemble des associations d'élus ont salué notre travail collectif sur ce texte et nous ont invités à le voter largement.
En conclusion, j'insiste sur le fait que ce texte a d'abord une portée pratique. Il vise à simplifier la mise en oeuvre de la GEMAPI, sans modifier l'esprit de la réforme conduite en ce domaine par la loi MAPTAM. Il permet de tenir compte des réalités locales, en renouant les liens avec des acteurs qui se sont profondément engagés, ces dernières années, sur ces questions. Il pose la question du financement, qui n'avait été qu'imparfaitement levée, car seuls les principes de la taxe avaient été fixés : or nous voyons bien que cette question a une portée beaucoup plus large, concernant les fleuves et les côtes.
Il permet en outre – et c'est l'essentiel – de conforter et d'aider les collectivités à prévenir les inondations. C'est un défi technique, un défi d'ingénierie, un défi financier ; c'est aussi éminemment une question de gouvernance, une question politique. Ici se pose la capacité de dialogue entre les territoires, de solidarité entre l'amont et l'aval. C'est une invitation à coopérer entre collectivités dans l'intérêt commun. La question de la place de l'État se pose également, car il doit rester présent dans ce domaine.
Sur la méthode, ce texte découle du postulat suivant : là où des solutions fonctionnelles ont été trouvées, adaptons la loi pour laisser aux collectivités la liberté de les conserver.
Enfin, ce texte nous conduit à nous poser la question du dialogue avec les citoyens. C'est un point dont l'importance n'est peut-être pas suffisamment perçue. Quel plus beau défi que celui de faire comprendre les risques – qui seront de plus en plus nombreux avec le dérèglement climatique – aux citoyens, de les préparer à y faire face, et de partager les responsabilités avec eux ? Il faut développer une culture du risque partagée, car cet état d'esprit est trop souvent absent du débat public.
Ce sont de formidables défis. Ce texte vise à donner aux collectivités des outils pour y faire face. En ce sens, nous jouons pleinement notre rôle de législateurs.