Intervention de Professeure Odile Launay

Réunion du mercredi 17 février 2021 à 15h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Professeure Odile Launay, infectiologue, coordinatrice du centre de recherche Inserm de vaccinologie clinique Cochin-Pasteur et membre du comité vaccin Covid-19 :

Merci. Je suis très heureuse d'être présente parmi vous. Je vais vous parler de la recherche vaccinale du point de vue d'une personne effectuant de la recherche clinique dans le domaine des vaccins depuis une vingtaine d'années. En effet, je m'occupe d'une structure de recherche clinique ayant pour mission la conduite d'essais cliniques. J'ai également la responsabilité d'un réseau national d'investigation clinique dans le domaine des vaccins.

Concernant la recherche vaccinale, nous avons ouvert à l'Institut Pasteur la possibilité de conduire des essais de phase I avec le candidat vaccin développé par l'Institut, dont le vecteur est le virus vaccinal de la rougeole. Une partie de cet essai a été conduite en France tandis qu'une autre partie a été conduite en Belgique, afin que l'essai se déroule rapidement et dans les meilleures conditions. Nous avons inclus les participants de la façon prévue. L'essai a été réalisé sans difficulté particulière.

Les résultats de cet essai portaient, d'une part, sur les données de sécurité et, d'autre part, sur les données en termes de réponse immunitaire, soit la capacité de ce vaccin à induire une réponse — particulièrement en anticorps anti-Covid — chez les participants vaccinés. Nous n'avons pas réalisé l'évaluation de la réponse immunitaire. En effet, nous conduisons seulement les essais et les prélèvements sont ensuite adressés à des laboratoires ayant la responsabilité d'étudier la réponse et de doser les anticorps. Nous avons été prévenus au mois de janvier que les résultats ne répondaient pas aux attentes prévues et que, pour cette raison, les laboratoires MSD arrêtaient le développement du candidat vaccin. Je laisserai Frédéric Tangy parler plus précisément de ces résultats.

Par ailleurs, dès le mois de mai, nous avons travaillé sur la mise en place d'un projet de recherche vaccinale clinique. Je rappelle que nous ne sommes pas chargés de la recherche préclinique, c'est-à-dire du développement de candidats vaccins. Nous sommes plutôt chargés de leur évaluation au cours d'essais cliniques, devant répondre à un certain nombre de critères et de règles. En lien avec REACTing et avec la cellule interministérielle, nous avons construit le projet COVIREIVAC, ayant pour objectif de monter un réseau de centres d'investigation clinique en France. Ce réseau comprend maintenant 32 centres identifiés, pour permettre de conduire les essais cliniques. Ces centres cliniques s'associent à des ressources biologiques, avec la mission de fabriquer des biothèques qui préparent les prélèvements dans de bonnes conditions et les congèlent avant de les adresser à des laboratoires spécialisés.

Nous avons également mis en place un réseau de laboratoires d' immuno-monitoring, comportant une dizaine de laboratoires en France possédant des compétences pour l'évaluation de la réponse immunitaire au vaccin. Ces compétences sont complémentaires et sont coordonnées par le Professeur Éric Tartour, immunologiste à l'hôpital européen Georges Pompidou.

Cette infrastructure, maintenant bien organisée, a été financée par la cellule interministérielle. Le financement a permis, d'une part, de renforcer une équipe de coordination pour la mise en place des études qui existaient déjà au niveau d'I-REIVAC et, d'autre part, de renforcer les sites cliniques pour leur permettre d'anticiper et d'être prêts à réaliser des essais.

Deux types de projets devaient être conduits au sein de cette infrastructure. Le premier objectif était de donner à la France la possibilité de participer à des essais industriels. Le second de conduire des essais plus académiques, pour nous permettre de mieux analyser la réponse immunitaire aux différents vaccins développés dans le cadre de la Covid-19.

À cette fin, nous avons mis en place une plateforme nationale permettant aux personnes volontaires de s'inscrire pour participer à ces essais. Cette initiative a été lancée le 1er octobre. Elle compte aujourd'hui 50 000 inscrits, prêts à entrer dans les essais. Ce succès important est une première en France. Le système informatisé nous permet de disposer de l'âge, du sexe, mais aussi des principaux problèmes de santé que présentent ces participants, et d'attribuer des participants à chacun des 32 centres cliniques, qu'ils peuvent solliciter pour entrer dans les essais.

Nous avons été sollicités pour participer à des essais industriels. Nous participons depuis le mois de février à un essai avec Janssen, qui développe un vaccin vectorisé. Il est nécessaire d'évaluer l'efficacité de deux doses de ce vaccin. Par ailleurs, nous avions été sollicités pour participer à quatre autres essais. Le premier est un essai de phase III avec le vaccin de Sanofi-Pasteur, mais le développement est retardé en raison de difficultés quant à la purification de l'antigène. Nous devions également participer à deux essais avec MSD. Le premier devait permettre de démontrer l'efficacité du vaccin développé par l'Institut Pasteur. Le deuxième essai concernait leur autre plateforme technologique.

Concernant les essais plus cognitifs permettant de donner davantage d'informations sur les vaccins, nous débutons un premier essai ayant pour objectif d'évaluer le vaccin Moderna. Il s'agit de mieux connaître les candidats vaccins et de mieux préciser leurs propriétés immunologiques, plus spécifiquement chez les sujets de plus de 65 ans comparativement à des sujets plus jeunes. Après le vaccin Moderna, nous réaliserons un essai avec le vaccin Pfizer. Nous avons abordé la question de la vaccination des personnes ayant déjà été exposées au virus. Ensuite, nous réaliserons un troisième essai avec le vaccin Curevac. Soulignons que ces trois essais, menés successivement, permettront d'obtenir des échantillons qui seront utilisés par les mêmes laboratoires et de disposer de données comparatives entre ces différents vaccins. À partir de ces données, nous aurons du sérum dont nous étudierons l'activité sur le virus initial de Wuhan et sur les variants, ce qui présente un intérêt particulier compte tenu de l'évolution de l'épidémiologie.

Dès que nous le pourrons, nous travaillerons sur les autres vaccins, c'est-à-dire les vaccins vectorisés et, en particulier, celui de Janssen. Nous espérons également travailler sur un vaccin à base de protéines recombinantes et, plus spécifiquement, sur le vaccin Novavax.

Nous avons bénéficié d'un financement de la cellule interministérielle pour ces essais, qui ont été initiés et validés au sein du comité scientifique vaccin.

Nous travaillons depuis le mois de décembre sur la mise en place de cohortes vaccinales, ayant pour objectif d'apporter des informations complémentaires sur les vaccins disponibles. Une grande cohorte de 10 000 participants vise notamment à évaluer la réponse immunitaire dans ce que nous appelons les populations particulières, c'est-à-dire, d'une part, les personnes de plus de 75 ans et, d'autre part, les personnes présentant des maladies chroniques ou prenant des traitements responsables d'un amoindrissement de la réponse de leur système immunitaire aux vaccins. Une telle évaluation est particulièrement importante puisque les vaccins à ARN constituent une nouvelle technologie, pour laquelle nous n'avons aucune donnée concernant les populations particulières.

Cette cohorte, prête à débuter, a été soumise pour obtenir les autorisations réglementaires. Le financement est en cours de discussion, mais proviendra également de la cellule interministérielle, en lien très étroit avec l'agence ANRS Maladies infectieuses émergentes, promotrice de cette cohorte, qui nous permettra de savoir si certains vaccins sont plus indiqués que d'autres. Elle nous permettra également de connaître la durée de la protection conférée par la vaccination, la nécessité de la revaccination ainsi que les délais pour utiliser des nouveaux variants.

Par ailleurs, nous avons l'objectif très important de caractériser les échecs vaccinaux, que nous imaginons plus fréquents chez les populations particulières. La caractérisation sera immunologique, mais aussi virologique. En effet, nous avons prévu de séquencer les virus qui seront identifiés chez ces personnes en cas d'échec.

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