Intervention de Professeur Yazdan Yazdanpanah

Réunion du mercredi 17 février 2021 à 15h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Professeur Yazdan Yazdanpanah :

, infectiologue, chef du service des maladies infectieuses de l'hôpital Bichat (AP-HP), directeur de l'institut thématique immunologie, inflammation, infectiologie et microbiologie de l'Inserm, directeur de l'ANRS Maladies infectieuses émergentes et membre du comité scientifique. Depuis 2013, avec Jean‑François Delfraissy, nous avons mis en place le consortium REACTing. Nous nous sommes rendu compte, dès l'épidémie de grippe de 2009, que la recherche est extrêmement compliquée au cours d'une épidémie ou d'une pandémie. Ce consortium, qui n'est pas une agence de financement, vise à améliorer la recherche pendant une épidémie. Son budget est de 500 000 euros par an, dont la moitié est consacrée au personnel embauché et l'autre moitié au fonctionnement et, parfois, pour l'amorçage. Ce consortium essaie surtout :

- d'améliorer les liens entre les chercheurs au moment des épidémies,

- de réunir les chercheurs,

- de définir les priorités,

- d'assurer l'interface entre les chercheurs et les financeurs et ministères, dans le but de générer des financements,

- et de relier les chercheurs avec d'autres chercheurs au niveau international.

Nous avons débuté notre travail dès la première quinzaine de janvier 2020. Dans le passé, nous avions travaillé sur les épidémies d'Ebola et de Zika, mais nous n'avions jamais travaillé sur une épidémie de cette ampleur. Nous avons essayé de lancer un certain nombre de projets structurants. Nous avons demandé une création d'appels d'offres par l'ANR et par le programme hospitalier de recherche clinique (PHRC). Nous avons également essayé d'intervenir au niveau des régulations des autorisations afin que ces dernières soient plus rapides. Enfin, nous avons essayé de réunir les chercheurs.

Au début, les résultats ont été satisfaisants, avec la lancée d'un certain nombre de cohortes et d'essais cliniques. Mais rapidement, aux mois de mars et avril, la coordination de cette recherche est devenue très compliquée car nous n'avions pas de mission de coordination et nous n'étions pas les financeurs.

Nous avons alors commencé à réfléchir à une fusion de REACTing avec l'ANRS – l'agence de financement de recherches sur le VIH/Sida et les hépatites – afin de construire une agence sur les maladies émergentes et d'améliorer notre coordination. Des réunions ont eu lieu avec François Dabis, ancien directeur de l'ANRS, et avec les ministères chargés de la recherche et de la santé.

Une nouvelle agence est donc née au 1er janvier, avec un périmètre englobant à la fois le VIH, les hépatites, la tuberculose et les infections sexuellement transmissibles (IST), mais aussi les maladies émergentes relevant auparavant du périmètre de REACTing. Je ne reviens pas sur les discussions qui se poursuivent concernant les budgets. Notre idée est d'utiliser le savoir-faire de REACTing concernant les maladies émergentes et l'infrastructure et le savoir-faire de l'ANRS comme agence de financement afin de créer une vraie agence ayant une vision sur les maladies émergentes à court, moyen et long termes.

Concernant la recherche thérapeutique, nous avons été en contact avec l'OMS dès les mois de janvier et février pour essayer de lancer des essais cliniques autour de traitements et de vaccins. Notre idée était d'essayer de lancer des essais cliniques plateformes où de nombreux centres sont impliqués, dans le but d'inclure le plus vite possible. Nous avons mis l'essai Discovery en place au niveau des hôpitaux. Très rapidement, nous avons souhaité que cet essai soit européen, avec une liaison avec l'OMS et l'essai Solidarity. Nous souhaitions participer à tous les efforts internationaux pour la conduite de ces essais cliniques. Les données de Discovery étaient envoyées à Solidarity.

En outre, il était important de coordonner les essais cliniques en ville au sein d'une plateforme. À partir du mois de juin, nous avons essayé de réunir l'ensemble des personnes effectuant de la recherche et nous avons créé à cet effet pendant l'été la plateforme de recherche COVERAGE, qui concerne plusieurs sites au niveau national. Les essais cliniques en ville seront maintenant très importants puisqu'il est crucial que les antiviraux soient administrés rapidement.

Par ailleurs, nous avons constaté que tout le monde essayait d'évaluer ses propres médicaments. Nous avons tenté d'améliorer cette situation pendant l'été. Nous avons mis en place un groupe préclinique, permettant d'effectuer un screening des médicaments avant que ceux-ci ne soient évalués en ville. Par ailleurs, nous avons constitué un groupe indépendant de priorisation de traitements pour qu'il identifie les plus prometteurs.

Enfin, à la demande des ministères chargés de la recherche et de la santé, nous avons mis en place Comité ad-hoc de pilotage national des essais thérapeutiques et autres recherches sur la Covid-19 (CAPNET). Nous avons demandé à REACTing d'évaluer, par le réseau de priorisation des traitements, quels sont les essais cliniques les plus prometteurs, afin de déterminer les essais cliniques de priorité nationale. Ce travail a été réalisé à la fin de l'année 2020, dans le cadre de REACTing puis de la nouvelle agence, pour essayer d'améliorer l'efficience des essais cliniques et d'appuyer les essais ayant une priorité nationale. Nous avons donc souhaité qu'il existe une coordination – sans que celle-ci soit aussi verticale qu'en Angleterre – pour lutter contre la dispersion.

Concernant Discovery, nous nous sommes rendu compte au mois de février qu'il fallait absolument lancer une étude française et européenne. Ce projet a commencé en France. Le choix des molécules a été effectué par l'OMS. Le protocole de Discovery était très similaire à celui de Solidarity. Néanmoins, le protocole Discovery était plus détaillé. Quatre traitements étaient évalués : l'hydroxychloroquine, le lopinavir, le lopinavir interféron et le remdesivir. Le bras hydroxychloroquine a été arrêté le 13 juin en raison de l'absence d'efficacité. Les bras lopinavir et lopinavir interféron ont été arrêtés le 25 juin pour la même raison mais aussi à cause de la toxicité rénale constatée par Discovery. Le bras remdesivir a continué, jusqu'au mois de janvier où il a été également arrêté pour absence d'efficacité. L'essai Discovery a cessé le premier puis Solidarity a suivi. Un papier intermédiaire publié au mois de novembre évoquait déjà des doutes quant à l'efficacité du remdesivir.

Discovery réunissait la France, le Luxembourg, la Belgique, le Portugal et l'Autriche. Il s'agit maintenant d'un essai plateforme qui évalue de nouvelles molécules. L'évaluation d'un anticorps monoclonal est à une phase très avancée dans le cadre de l'essai Discovery. Les anticorps monoclonaux sont des antiviraux, dont l'évaluation sera réalisée après leur administration à un certain nombre de patients. Aux cinq pays de Discovery s'ajouteront l'Espagne, la Norvège, la Pologne, la Tchéquie, la Slovaquie, l'Irlande et éventuellement d'autres pays. Il est compliqué de donner une date précise, mais les contrats sont en cours de finalisation. J'ai appris durant cette épidémie qu'il est parfois compliqué d'avoir des demandes de régulation. Nous avons en tout cas très bien avancé sur la mise en place de cette étude, qui aura lieu prochainement. Discovery évaluera donc un nouveau groupe de traitements. Pour l'évaluation des anticorps monoclonaux, nous sommes notamment en contact avec le laboratoire AstraZeneca.

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