Intervention de Professeure Odile Launay

Réunion du mercredi 17 février 2021 à 15h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Professeure Odile Launay, infectiologue, coordinatrice du centre de recherche Inserm de vaccinologie clinique Cochin-Pasteur et membre du comité vaccin Covid-19 :

Une question concernait l'éventualité de vaccins pouvant bloquer la transmission ou pouvant stériliser. Pour le moment, les données montrent que les vaccins ARN sont très efficaces sur les formes symptomatiques de la maladie. De plus, nous commençons à disposer de données d'impact de la vaccination venant d'Israël laissant penser qu'il y aura un impact sur la transmission. Ces données mettent en évidence que, chez les personnes vaccinées, les quantités de virus excrétées diminuent de façon très importante à partir du douzième jour après l'administration de la première dose. Or nous savons que le risque de transmission est lié à la quantité de virus excrété. Ces éléments, aujourd'hui indirects, vont dans le sens d'une protection par la vaccination concernant la transmission. Bien que nous devions attendre de disposer davantage d'éléments dans la vie réelle, les données existantes nous rassurent sur la qualité de ces vaccins.

La question de l'efficacité des vaccins sur les nouveaux variants nous inquiète davantage. La recherche doit porter sur ce sujet. Nous disposons de premières données, notamment in vitro utilisant les anticorps post-infection ou post-vaccination sur des cultures de virus. Ces premières données laissent penser que le vaccin est efficace sur le variant anglais, mais peut-être moins efficace sur les variants sud-africain et brésilien. Nous disposons donc de vaccins qui agiront très probablement sur la transmission, mais il faut davantage de données pour le montrer.

Je suis évidemment favorable au fait que le vaccin devienne un bien mondial. Concernant la recherche clinique, nous mettons en place un accord de consortium permettant que toutes les données biologiques générées dans ces recherches soient en accès libre et dépourvues de propriété intellectuelle. Je ne maîtrise pas ce sujet concernant les industriels.

Les chercheurs ont été abondamment sollicités par les médias. Nous pourrions passer nos journées à la télévision ou à la radio. Nous devons réfléchir à notre rôle. Communiquer dans les médias et sur les réseaux sociaux fait partie de nos missions. Néanmoins, nous n'avions pas mené une réflexion au préalable et nous n'avons pas tous appris à communiquer. Nous ne communiquons pas tous avec les mêmes objectifs. En tout cas, il me semble que cette crise devrait permettre une réflexion commune concernant les modalités de la communication des chercheurs et les messages que nous voulons diffuser. En tant que scientifique, notre rôle est davantage de fournir des explications que de tenir un discours politique. Un scientifique s'exprimant sur des questions politiques doit le faire à titre personnel. Soulignons que les médias, et en particulier les réseaux sociaux, ont évidemment un rôle majeur. Nous ne pouvons pas « laisser la chaise vide », mais, lorsque nous répondons aux sollicitations, il faut savoir pourquoi et à quel titre nous nous exprimons.

Le financement de la recherche, notamment clinique, constitue un point majeur. Cette crise a montré que la recherche clinique française est de très bonne qualité. Cependant, si les chercheurs ayant des idées ne manquent pas, il existe un manque de personnel pour faire fonctionner la recherche clinique. Au cours de cette pandémie, nous avons été en concurrence directe avec les contract research organizations (CRO), c'est à dire les entreprises privées s'occupant de la recherche clinique pour les industriels. Ces CRO sont extrêmement attractifs pour les personnels de recherche clinique, que nous n'avons pas les moyens ni de payer correctement ni d'embaucher en contrat à durée indéterminée. En pleine pandémie, il a été difficile de recruter rapidement malgré l'attractivité de nos projets. Par le biais de cette nouvelle agence ANRS Maladies infectieuses, nous devons renforcer ces aspects de structuration de la recherche clinique et être attractifs pour les personnels de recherche. D'ailleurs, nous sommes aujourd'hui en avance concernant le vaccin puisque l'Europe monte seulement maintenant un réseau de recherche vaccinale, avec une plateforme de participants au niveau européen.

Nos objectifs sont atteignables, mais nous devons encore insister sur le fait que la recherche a besoin de moyens pour mettre en place ces essais. En Angleterre, sept millions de livres ont été investis sur un essai évaluant des combinaisons de vaccins. Nous avons absolument besoin de financements conséquents si nous voulons mener une recherche de qualité. Je ne parle pas de développement de vaccins, mais de recherche permettant d'évaluer les vaccins administrés aujourd'hui à la population.

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