Intervention de Roselyne Bachelot

Réunion du jeudi 18 février 2021 à 9h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Roselyne Bachelot, ministre de la Culture :

Merci, monsieur le président. Je suis ravie d'être à nouveau à vos côtés, pour la troisième fois en deux mois. L'Assemblée nationale mène un travail assidu quant aux conséquences du Brexit dans les différents secteurs d'activité. Il est donc important que nous nous livrions, ce matin, à cet exercice. Je suis très attachée à la dimension européenne de mon portefeuille. J'ai été députée européenne et je collabore étroitement avec mes homologues européens depuis mon entrée en fonction.

L'Europe a vécu, ces deniers mois et même ces dernières années, nombre de défis et de bouleversements. Outre la crise sanitaire qui met à l'épreuve nos institutions communes, le départ du Royaume-Uni marque certainement un bouleversement majeur de la construction européenne, un événement qui fait date dans notre histoire commune. Cette épreuve montre combien nous, Européens, avons su rester unis malgré nos différences et nos divergences. Je veux saluer le travail de la Commission européenne et de son négociateur en chef, Michel Barnier, qui ont su parfaitement défendre les intérêts des États membres dans les discussions avec le Royaume-Uni, dans la concorde et dans un souci constant de compromis.

Avec l'accord de commerce et de coopération du 24 décembre 2020, la souveraineté culturelle européenne est préservée, nos modèles de régulation européens sont affirmés et les acteurs des secteurs culturels sont protégés. À la demande forte de la France, cet accord conserve l'exception culturelle européenne en excluant les services audiovisuels. Grâce à ce succès, la capacité des États et de l'Union à réguler ce secteur est garantie. L'Europe continuera à préserver la diversité culturelle européenne face aux géants du numérique.

Avec cet accord, les Britanniques ne bénéficient plus des avantages du marché intérieur de l'Union européenne et de la solidarité commune. C'est ainsi que, d'une part, les artistes n'auront plus la liberté de circulation totale qu'ils connaissaient et que le droit national s'appliquera. D'autre part, la participation de ressortissants britanniques au capital de certaines sociétés du secteur culturel établies en France ne sera plus possible au-delà d'une certaine limite. Qui plus est, les professionnels diplômés au Royaume-Uni – qu'ils soient professeurs de danse, restaurateurs du patrimoine ou encore guides-conférenciers – n'auront plus accès à la reconnaissance de leur diplôme en France et dans l'Union européenne. C'est aussi la raison pour laquelle les ressortissants britanniques ne bénéficieront plus de certains tarifs préférentiels d'accès aux établissements culturels français, par exemple la gratuité pour les jeunes de moins de 26 ans dans les musées nationaux.

L'accord ne marque cependant pas la fin de toute relation entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. Ce dernier pourra ainsi continuer à bénéficier de certains programmes de financement européens en tant que pays tiers associé. Ce sera, par exemple, le cas du programme Horizon Europe. Si le Royaume-Uni en fait la demande, cela pourrait aussi être le cas du programme Europe créative. Certaines règles pourront aussi continuer de s'appliquer, notamment en matière de sécurité sociale ou s'agissant du régime concernant les travailleurs détachés européens tel que la France en a fait le choix. C'est important pour faciliter la mobilité des artistes et éviter les surcoûts et les difficultés administratives liées à un changement de régime. Ainsi, des deux côtés de la Manche, des mesures sont prévues pour faciliter la venue d'artistes à des fins professionnelles.

Certes, la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne marque un tournant dans l'histoire de la construction européenne. Pour autant, elle ne signifie pas que nous ne continuerons pas à travailler de concert avec nos voisins d'outre-Manche avec lesquels nous partageons tant. C'est une nouvelle relation que nous devons bâtir maintenant, dans le respect de la souveraineté et des cultures de chacun.

La sortie du Royaume-Uni ne signifie pas non plus la fin de l'histoire de l'Union européenne. Plus que jamais, l'Union continue à se construire. C'est d'autant plus vrai dans le domaine de la culture : l'Europe de la culture prend de plus en plus forme chaque jour. Nous avons réussi à obtenir, dans le cadre du plan de relance post-covid, un budget exceptionnel pour soutenir nos artistes et nos professionnels de la culture. En France, cela se concrétise par une enveloppe de 2 milliards d'euros. Nous avons su préserver, en même temps, un ambitieux budget européen de la culture. Le programme Europe créative, dont le budget a été augmenté, continuera à financer des projets dans les domaines du spectacle vivant, du patrimoine, du cinéma, de l'audiovisuel et du multilinguisme partout en Europe. D'autres programmes de financement, comme Horizon Europe ou Erasmus +, pourront bénéficier aux acteurs culturels et aux jeunes. Nous y porterons une attention particulière.

La Commission a également annoncé un plan d'action dans les médias, lequel se donne pour ambition de relancer et d'accélérer la transformation des médias européens frappés par la crise et par les changements liés à la révolution numérique. Nous avançons, enfin, vers une plus grande régulation des plateformes numériques grâce au texte relatif aux services et aux marchés numériques en cours de négociation, afin qu'internet ne soit plus un espace de non-droit. Il s'agit aussi de permettre à nos acteurs du livre, du cinéma et de l'audiovisuel de tirer pleinement profit des opportunités offertes par ces nouveaux marchés.

À travers la devise « puissance, relance, appartenance », la présidence française de l'Union européenne sera l'occasion de renouveler ses engagements pour une Europe de la culture plus forte, plus ambitieuse, au service de la diversité culturelle et linguistique, mais également plus responsable et égalitaire. Nous aurons certainement l'occasion de reparler, devant votre commission, des enjeux culturels de la présidence française.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, l'avenir de la culture qui se dessine devant nous : un avenir très loin du repli sur soi, résolument européen et riche en collaborations nouvelles.

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