Nous avons beaucoup évoqué les difficultés du sport professionnel et amateur. Elles sont nombreuses ! La première difficulté est liée aux effets de la crise sanitaire, conjuguée aux mesures de lutte contre l'épidémie qui condamnent au huis clos l'ensemble de nos enceintes sportives et de nos stades. Le huis clos est indispensable pour lutter contre l'épidémie – nous le savons tous – et pour permettre le déroulement des compétitions. Mais il est désolant de voir, semaine après semaine, nos stades vides – je pense pour ma part à la belle enceinte du stade de l'OGC Nice – comme les difficultés des supporters à exprimer leur passion. Au-delà de la billetterie, ce sont toutes les ressources des clubs qui sont en berne : le marché des transferts, le sponsoring, les produits dérivés et les recettes des hospitalités dans les stades en pâtissent. Dans le cadre de la dernière loi de finances rectificative, nous avons voté la création d'un fonds de dotation qui dispose de 110 millions d'euros au bénéfice de l'ensemble des sports professionnels.
La deuxième difficulté concerne les droits de diffusion et découle de la trop fameuse « affaire Médiapro » provoquée par le retrait brutal et fatal de la société sino-espagnole. J'ai dénoncé, avec d'autres, ce fiasco historique, en demandant avec cinquante parlementaires la mise en place d'une commission d'enquête à l'Assemblée nationale.
D'après les derniers chiffres de la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) du football professionnel, la perte totale occasionnée par cette affaire est estimée à 1,3 milliard d'euros. La perte des droits télévisuels à la suite de l'affaire Médiapro représente près de 500 millions d'euros sur la saison 2020-2021. Les pertes causées par le retrait de Médiapro affectent également les ressources du sport amateur par leur impact sur le produit de la « taxe Buffet ». Cette perte atteint déjà près de 20 millions d'euros. Par le cumul de la crise sanitaire et la crise des droits audiovisuels, le modèle apparaît conjoncturellement en quasi faillite si l'on en croit le président de la DNCG.
Il est indispensable d'apporter de nouvelles sources de financement pour le sport professionnel et pour le sport amateur. Mais il importe également de consolider notre modèle de manière plus structurelle. C'est le double objectif de cet amendement qui vise à la création par les ligues professionnelles qui le souhaitent, après acceptation du ministère et de la fédération délégataire, d'une société commerciale pouvant ouvrir son capital pour gérer les droits audiovisuels et injecter plus rapidement de l'argent frais. J'insiste sur les termes d' « argent frais » parce qu'il s'agit de ressources privées : le contribuable ne mettra pas la main à la poche. Ce n'est pas son rôle ici ! De nombreux États européens le permettent déjà : l'Allemagne, l'Italie, l'Angleterre aussi – mais avec un modèle qui repose sur la constitution de la ligue elle-même en société commerciale, ce qui n'est pas du tout l'objet du présent amendement.
Sans aller jusqu'au modèle anglo-saxon, le dispositif que je propose a une triple vocation : relancer une filière confrontée à une crise économique profonde, du club amateur au club professionnel ; soutenir la compétitivité de nos clubs au niveau européen afin qu'ils puissent se battre un peu plus à armes égales avec leurs concurrents européen ; surtout encadrer au mieux afin d'éviter les dérives, qu'elles soient financières – nous l'avons vu avec l'affaire Médiapro – ou susceptibles de remettre en cause notre modèle de solidarité entre le monde amateur et le monde professionnel, qui repose notamment sur la « taxe Buffet ».
La société commerciale dont je propose la création est encadrée parce qu'aujourd'hui les ligues peuvent créer des filiales. Il est du devoir du régulateur d'encadrer cette création. Les investisseurs extérieurs ne pourront pas posséder plus de 20 % du capital de cette société, la ligue disposant de 80 % des parts et de droits de vote équivalents. Il s'agira donc pour l'investisseur d'apporter de la trésorerie au secteur, ce qui augmentera les ressources globales au profit des clubs professionnels mais également du sport amateur. Le dispositif sera encadré par le principe de solidarité financière entre le sport professionnel et le sport amateur qui sera expressément mentionné dans le nouvel article L. 132-1-2 du code du sport. Cette disposition va même plus loin que l'article traitant actuellement des ligues professionnelles puisque ce dernier ne mentionne pas le principe de solidarité. Un décret précisera la liste des personnes physiques et morales qui ne sont pas habilitées à détenir une participation au capital de ces sociétés afin d'éviter tout conflit d'intérêts. En outre, les statuts de ces sociétés devront être approuvés par le ministre chargé des sports, après avis ou recommandation de la fédération sportive concernée. Il s'agit donc d'un contrôle a priori de la puissance publique et de son délégataire.
Vous l'aurez compris, l'objectif de cet amendement n'est pas seulement de permettre la création de la société commerciale dans le souci d'une relance du secteur professionnel mais d'encadrer strictement cette possibilité. Cette proposition s'inscrit dans le cadre du travail que nous réalisons depuis maintenant plus de trois ans, notamment au sein du groupe d'études Économie du sport. Je crois que notre réflexion aboutit à un dispositif équilibré entre les objectifs d'attractivité de nos clubs et de régulation publique, entre mesures conjoncturelles et mesures structurelles, entre sport amateur et sport professionnel. Si nous considérons le titre III dans son ensemble, il existe un équilibre entre répression sur la manipulation des compétitions sportives, répression du streaming illégal et offre régulée et lisible pour le consommateur. Le dispositif est équilibré entre sociétés commerciales et économie sociale et solidaire, avec les dispositions relatives à la société coopérative d'intérêt collectif (SCIC).