Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du jeudi 6 mai 2021 à 18h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports :

Je suis très heureux de pouvoir rendre compte devant vous de la situation. Depuis plus d'un an, nous nous rencontrons très régulièrement dans ce format, pour examiner dans le détail la situation. Vous connaissez bien les grands enjeux : la France est le pays des écoles ouvertes, comme l'a dit le président Studer. Je trouve cette expression bien trouvée, car elle résume aussi bien la situation que nos valeurs. L'école est centrale dans la vie collective. Ce faisant, nous donnons une priorité essentielle à l'enfance et à la jeunesse. Depuis le début de la crise, le Président de la République et le Premier ministre disent que la jeunesse doit être notre priorité. Ce n'est pas qu'un slogan ; ces annonces doivent se traduire par de multiples mesures, et tout d'abord par l'ouverture des écoles, à certaines conditions sanitaires que je vais détailler.

La réouverture des écoles le 11 mai 2020 a préparé une méthodologie, une grande capacité d'adaptation et de nouveaux réflexes professionnels. Les difficultés sont multiples, et nous devons faire appel en permanence au sens de l'adaptation des acteurs : chefs d'établissement, professeurs, personnels de l'Éducation nationale et des collectivités locales, qui tous accomplissent un travail remarquable. Les nouveautés et changements sont fréquents, à l'instar des autotests, ce qui engendre des contraintes – j'en ai parfaitement conscience. Toutefois, ces contraintes sont au service de notre objectif premier, à savoir l'ouverture des écoles, des collèges et des lycées.

Depuis la rentrée de septembre, nous avons pu maintenir ouverte la grande majorité des écoles, collèges et lycées. La formule retenue au mois d'avril 2021 avec le Président de la République et le Premier ministre a permis de minimiser les inconvénients pour les élèves. Un élève de l'école primaire a en moyenne perdu trois jours d'école en présence, jours remplacés dans beaucoup de cas par l'enseignement à distance, même si ce type d'enseignement rencontre des limites dans le primaire. Par ailleurs, les deux jours fériés du 1er et du 8 mai tombant cette année un samedi, sur l'ensemble de l'année scolaire, un écolier du primaire, en France, n'aura pratiquement perdu aucune heure, sauf si la classe est fermée pendant une dizaine de jours à cause d'un cas de covid. En tout état de cause, les objectifs fondamentaux sont remplis. Notre objectif reste que l'année scolaire 2020-2021 soit aussi normale que possible, d'ici aux vacances d'été.

Voilà qui est essentiel. Les comparaisons internationales montrent que, à l'étranger, les problèmes sont accentués. Troubles psychologiques, décrochage scolaire, trous d'air éducatifs, autant de problèmes qui affectent le continent américain, le continent européen, une partie seulement du continent asiatique et une petite partie du continent africain. Ces réalités nous incitent à nous interroger sur l'avenir du monde. Ce trou d'air éducatif mondial, dont les conséquences seront importantes, nous obligera à réfléchir et à agir à l'échelle européenne et internationale. Notre légitimité est certaine pour poser une telle question.

Notre objectif est avant tout d'éviter le décrochage. Cet objectif est atteint, puisque le décrochage en 2020 est inférieur à celui de 2019 ; je compte bien qu'en 2021 nous poursuivions cette courbe de progrès, même si je ne peux pas en être certain. Néanmoins, les craintes étaient plus grandes à la même période l'année dernière. Rappelons-nous tout qui se disait sur le décrochage en mai 2020. In fine les constats de septembre 2020 sont assez rassurants. Aujourd'hui nous sommes sur une bonne voie, ce qui ne doit pas nous conduire à minimiser les difficultés et les doutes de notre jeunesse.

Ces doutes sont parfois objectifs, mais parfois subjectifs, provoqués par le discours ambiant. Ce matin, à Moulins, dans le lycée qui fut celui de Samuel Paty quand il était élève, nous lui avons rendu hommage, en présence de ses parents. Ce fut l'occasion de parler avec des élèves, notamment des lycéens de terminale. Certains m'ont parlé de leurs doutes sur le futur et de leur peur d'avoir un niveau inférieur, l'année prochaine, à celui de leurs prédécesseurs. Ce ne sera probablement pas le cas, parce qu'ils ont étudié de manière approfondie les programmes. Cependant, à force d'entendre des discours d'inquiétude, ils peuvent intégrer une forme de complexe d'infériorité, que nous ne devons pas leur transmettre. Nous devons aux jeunes non pas un discours de commisération, mais un discours de volontarisme. C'est ce qu'ils attendent. Tel est le message qui leur est envoyé par le biais des mesures que nous prenons pour les examens, des mesures certes bienveillantes, mais aussi volontaristes, pour que tout se passe normalement et qu'ils puissent préparer leur avenir sereinement.

Nous avons continué, au mois d'avril, à accueillir des enfants. Les collectivités territoriales et l'Éducation nationale ont permis l'accueil des enfants de soignants, jusqu'à 175 000 enfants par jour, pendant le confinement d'avril 2021, soit beaucoup plus que lors du premier confinement où ce nombre s'élevait à 30 000. Pendant les vacances scolaires, les collectivités ont accueilli jusqu'à 100 000 enfants par jour. Il est important de le signaler.

Nous avons aussi préparé le retour en cours, en travaillant sur les enjeux de l'enseignement à distance. Quelques difficultés sont survenues la semaine précédant les vacances, essentiellement le mardi. Il s'agissait de difficultés de contenant, et non de contenu. Une certaine force du contenu a même nuit au contenant : nos professeurs ont réalisé un travail très important de formation et de préparation. Ils étaient l'arme au pied lorsque nous avons pris ces nouvelles mesures. L'encombrement a donc été maximal, le mardi qui a précédé les vacances d'avril, pour les environnements numériques de travail (ENT) des opérateurs comme pour le centre national d'enseignement à distance (CNED). Tout au long du mois d'avril, nous avons travaillé avec les ENT, les régions et les départements, de sorte que les problèmes furent minimes lors de la semaine du 26 avril, lors du retour à l'école, tout comme pour l'enseignement à distance des lycéens et de certains collégiens. Les problèmes de débit sont résolus, et le dynamisme pédagogique réel.

La semaine du 26 avril, les élèves de l'école primaire sont tous retournés en classe et les collégiens et lycéens ont reçu un enseignement à distance. Les cours ont aussi repris dans les conservatoires pour les élèves des premier et deuxième cycles inscrits en classes à horaires aménagés. La ministre de la culture y tenait.

Cette même semaine, nous avons fait en sorte que les enseignants, dans le primaire, puissent recevoir deux autotests par semaine, conformément à notre stratégie « tester, alerter, protéger ».

La semaine dernière, celle du 3 mai, collégiens et lycées sont retournés en classe, selon un fonctionnement en demi-jauge pour les lycéens ainsi que pour les élèves de 4e et de 3e de quinze départements. Le protocole sanitaire a encore été renforcé. Plus strict, il consacre la règle de la fermeture des classes dès le premier cas positif. Cette mesure forte présente des avantages et des inconvénients : stricte sur le plan sanitaire, elle peut conduire à des fermetures de classes nombreuses, ce qui peut inquiéter, alors que le signal envoyé est celui d'une extrême prudence. Aujourd'hui, environ 3 000 classes sont fermées, soit moins de 1 % des classes. L'épidémie décroît bien, et notre objectif d'ouverture est essentiellement atteint. J'espère que nous serons en mesure d'alléger ce protocole sanitaire d'ici à la fin du mois de juin ; si à l'heure actuelle je n'en suis pas certain, j'espère néanmoins que l'évolution de la situation nous autorisera un quotidien un peu moins contraignant.

La stratégie « tester, alerter, protéger » est au cœur de notre approche et de nos méthodes, notamment depuis le début du mois de septembre. Je vous en rappelle les étapes.

Au premier semestre des tests antigéniques nasopharyngés ont été déployés, principalement auprès des élèves du secondaire et des enseignants du primaire. Dans un lien très étroit avec les autorités de santé, nous avons ainsi pu rompre des chaînes de contamination. L'ouverture des écoles elle-même permet de réaliser ces tests et donc de rompre ces chaînes de contamination.

Au second trimestre, les tests salivaires ont été déployés à l'école primaire. Début avril, nous réalisions 300 000 tests salivaires par semaine. Notre ambition est d'atteindre 400 000 puis 600 000 tests par semaine. Il s'agit d'une politique volontariste, mais nous rencontrons parfois des difficultés d'acceptation. L'accord des familles n'est jamais unanime, puisque le taux d'acceptation plafonne à 70 %, même pour les tests salivaires, qui ne sont ni invasifs ni douloureux. Voilà qui limite leur développement. Néanmoins, la montée en puissance est réelle.

Désormais, au troisième trimestre, nous déployons les autotests, la troisième génération de tests. Souvent réclamés, à l'instar des cas autrichiens et anglais, ils sont massivement déployés. Les destinataires sont les adultes du primaire pour la première semaine, puis du secondaire pour la deuxième semaine, et les lycéens dès la semaine prochaine. La fréquence prévue est d'un autotest par semaine pour les lycéens, conformément au modèle anglais. Nous commençons par des autotests encadrés au lycée, en faisant œuvre de pédagogie ; ensuite, si cela fonctionne, les lycéens pourront réaliser les tests chez eux de manière autonome.

Cet encadrement des tests constitue une contrainte supplémentaire pour les proviseurs, souvent signalée. Lundi dernier, le Premier ministre et moi-même étions présents dans un lycée près de Nancy, qui avait mis en place une organisation à la fois pratique et pédagogique, avec des professionnels de santé en première ligne et des volontaires, pour apprendre à faire des autotests et faire de la pédagogie sur les enjeux de l'épidémie. Cette organisation est possible, mais nouvelle ; elle exigera des adaptations, une fois de plus, pour l'ensemble des lycées. Au collège, nous étendons la campagne des tests salivaires, puis les autotests pourront aussi être diffusés, dans l'ensemble du territoire. Notre stratégie consiste aussi à privilégier les zones où le virus circule davantage.

J'en viens aux examens de fin d'année, question au cœur de l'actualité. Nous avons pris des mesures pour le certificat d'aptitude professionnelle (CAP), le baccalauréat professionnel, le baccalauréat général et technologique, ainsi que le brevet de technicien supérieur (BTS), qui relève plus de la compétence de Mme Frédérique Vidal, avec laquelle nous nous sommes déjà concertés. Nous souhaitons préserver au maximum l'esprit et la valeur du baccalauréat. J'avais déjà pris des mesures à la suite de concertations et de travaux réalisés par nos deux comités, le comité de suivi de la réforme du baccalauréat, présidé par l'inspecteur général Jean-Charles Ringard et le professeur Pierre Mathiot, et le comité de suivi de la réforme de la voie professionnelle, présidée par l'inspecteur général Marc Foucault. Ces travaux sont extrêmement précieux.

J'ai écouté les organisations lycéennes, notamment les représentants au conseil supérieur de l'éducation, puisque deux organisations y ont un siège. Ce ne sont d'ailleurs pas forcément celles qui sont le plus présentes dans les médias. Nous avons retenu un certain nombre de leurs propositions. Quant aux organisations enseignantes, toutes n'ont pas la même vision, mais certaines de leurs idées nous ont inspirés, au cas par cas.

Les décisions antérieures avaient déjà transformé en contrôle continu les épreuves terminales du mois de mars du baccalauréat général, c'est-à-dire les enseignements de spécialité. Ainsi, le contrôle continu compte pour 82 % dans la note finale du baccalauréat. Pour les deux épreuves restantes, la philosophie et le grand oral, nous souhaitons maintenir un examen terminal. Les élèves, a priori et a posteriori, sont heureux d'avoir pu se mesurer au contrôle terminal. Pour certains élèves, qui n'ont pas de bonnes notes en contrôle continu, l'épreuve terminale constitue une chance de se rattraper.

Depuis toujours, bien avant l'épidémie, j'ai défendu, au sein de la réforme du baccalauréat, l'idée d'un équilibre entre contrôle continu et contrôle terminal. En temps normal, le contrôle continu compte pour 40 %, part qui a plus que doublé en ces circonstances exceptionnelles. Il est bon que reste une part de contrôle terminal. Certains acteurs, qui étaient absolutistes contre le contrôle continu, sont désormais des absolutistes pour ; voilà qui fait partie des plaisirs de la vie démocratique et de la capacité de chacun à changer d'idées, ce qui est tout à fait compréhensible. J'espère simplement que nous ne reviendrons pas encore une fois en arrière, et que nous trouverons un équilibre. Les deux modes de notation ont leurs vertus, c'est leur combinaison qui doit se mettre au service de nos élèves, ce que reflètent les décisions prises.

Pour le baccalauréat général, en philosophie, nous sommes presque allés au-delà des revendications des lycéens. Nous rendons justice au contrôle continu, tout en maintenant le contrôle terminal, puisque seule la meilleure des deux notes compte. Quant au grand oral, pour lequel une notation de substitution n'est pas possible, puisqu'il repose sur les deux épreuves de spécialité, nous avons réalisé les aménagements nécessaires. Il est notamment possible d'adresser à l'examinateur un message du professeur de l'enseignement de spécialité indiquant les parties du programme qui n'ont pas pu être traitées, à cause des circonstances sanitaires exceptionnelles. D'autres mesures s'ajoutent, je n'y reviens pas.

Monsieur le président, vous m'interrogez sur le parallélisme des formes entre le baccalauréat de français et celui de philosophie. C'est la philosophie qui constitue un cas particulier, non l'inverse. La philosophie est la seule discipline qui n'est étudiée que pendant un an, en terminale. De plus, des aménagements nous ont été proposés pour le français, y compris hier sur les bancs de l'Assemblée. Deux fois trois sujets, soit six sujets seront présentés aux élèves : ainsi l'ensemble des thèmes du programme seront abordés, évitant aux élèves de subir les conséquences d'une impasse. Une même inspiration préside à toutes ces mesures, adaptées aux situations particulières. Il en va de même pour l'oral de français : il est possible de présenter en voie générale quatorze textes et en voie technologique sept textes, parmi lesquels l'examinateur choisit deux textes, laissant ensuite à l'élève le choix du texte pour lequel il se sent le mieux préparé.

Pour le baccalauréat professionnel, les mesures sont très nombreuses, étant donné la diversité de cet examen. Dans l'ensemble, nous permettons à l'élève de retenir ses meilleures notes, notamment au titre du contrôle en cours de formation. L'ensemble de ces éléments sont disponibles sur notre site internet, qui inclut tous les détails. J'ai aussi écrit hier soir une lettre aux professeurs des lycées généraux et technologiques d'une part, et aux professeurs des lycées professionnels d'autre part. Cette lettre, un peu longue, de trois ou quatre pages, entre dans le détail de chacune des adaptations.

Pour conclure, je souhaite de nouveau saluer les professeurs. Chacun doit faire face à cette situation particulière, et j'espère voir émerger une grande fierté collective au mois de juillet, quand nous aurons réussi à faire passer le cap des examens à tous nos élèves et à les préparer à l'avenir. J'espère que la rentrée scolaire prochaine amorcera une année 2021-2022 plus normale, grâce à de meilleures conditions sanitaires.

La ministre des Sports va à son tour évoquer l'ensemble des enjeux du côté sportif. Sur tous ces sujets, Roxana Maracineanu et moi-même travaillons de concert, pour que le sport soit particulièrement présent dans la période actuelle, à tous les niveaux. J'ai plaisir à vous dire que le lycée où je me trouvais ce matin a choisi de proposer l'enseignement de spécialité « éducation physique et sportive » l'année prochaine. Nous venons d'ouvrir cette possibilité. C'est une des vertus de la réforme du baccalauréat que de le rendre modulaire. Désormais, les lycées présentent des projets éducatifs propres. Ils peuvent choisir tel ou tel enseignement de spécialité, et être en l'occurrence à l'avant-garde de la consécration de l'éducation physique et sportive comme un enseignement à rang égal, permettant à des élèves de se destiner à des études et à des carrières dans le domaine du sport, mesure que nous souhaitions ardemment avec Roxana Maracineanu. Beaucoup d'élèves souhaitent prendre cette voie, qui va offrir de nombreux débouchés à l'avenir. Il s'agit d'un point externe au sujet de la crise épidémique, mais je tenais à le souligner.

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