Les dispositions du projet de loi que nous examinons sont d'une importance cruciale pour les secteurs cinématographique, audiovisuel et numérique. Depuis la réouverture des salles, nous constatons l'appétence de nos concitoyens pour les films de cinéma, dont celles-ci restent le meilleur réceptacle, ainsi que la dynamique de nos fictions audiovisuelles à l'international. Tenir le calendrier de ce texte, c'est affirmer l'attachement du Gouvernement et du Parlement à ces secteurs. Une nouvelle autorité, aux pouvoirs étendus et au champ de régulation plus vaste, verra le jour sous peu si nous adoptons le projet de loi. Elle interviendra dans les domaines de l'audiovisuel, du numérique et de la protection des droits. Comme je l'avais proposé dans le rapport de la mission d'information que j'avais conduite en 2018 avec M. Pierre-Yves Bournazel, la fusion entre le CSA et la Hadopi est pertinente tant les sujets que ces autorités ont à traiter sont intriqués. Personne n'en conteste le principe, et, sans aucun doute, nous retrouverons‑nous pour garantir à la nouvelle autorité des moyens budgétaires renforcés.
Nous aurons probablement un débat plus nourri sur la composition du collège de l'ARCOM et sur les autorités de nomination de ses membres. Le Sénat a augmenté la taille du collège, en le portant à neuf membres, lui permettant de conserver intacts les pouvoirs de nomination du Parlement. Bien qu'attachée à leur préservation, je suis plutôt favorable à ce que le futur collège comporte sept membres, pour des raisons d'efficacité de fonctionnement. Quant à la présence de deux magistrats en son sein, elle ne semble guère contestée sur nos bancs et constitue une garantie importante au regard des droits et libertés publics qui sont en jeu.
Les pouvoirs de sanction de l'ARCOM sont considérablement renforcés à l'égard des éditeurs qui ne respecteraient pas leur obligation de contribution au développement de la production audiovisuelle et cinématographique, notamment indépendante. Avec l'intégration de nouveaux acteurs à notre régulation, il est en effet apparu nécessaire de rendre ces sanctions nettement plus dissuasives. Vous l'avez d'ailleurs fait, madame la ministre, avec l'ordonnance du 21 décembre 2020 de transposition de la directive « Services de médias audiovisuels ». Le projet de loi que nous examinons vise à harmoniser les sanctions avec celles pesant sur les éditeurs français, ce qui n'est guère contestable au regard du principe d'égalité. Le Sénat l'a noté, cela revient cependant à faire peser sur les acteurs nationaux une sanction que l'on pourrait juger excessive. C'est pourquoi nos collègues sénateurs ont souhaité diminuer le quantum de cette sanction, dans des proportions qui m'apparaissent toutefois trop élevées. En gardant à l'esprit la nécessité de travailler à une solution de remplacement, je serai favorable aux amendements rétablissant le texte initial du Gouvernement.
Nous aurons également à nous prononcer sur les nombreux articles additionnels introduits par le Sénat, qui étendent considérablement le champ du projet de loi, parfois même au-delà de ce qu'aurait dû permettre les règles gouvernant leur recevabilité. Le Sénat a notamment souhaité assouplir les conditions de renouvellement des autorisations délivrées par l'ARCOM aux chaînes de la TNT. Pour celles de TF1 et de M6, qui arrivent bientôt à échéance, il fait peu de doute qu'elles seront reconduites, même si elles devaient faire l'objet d'une procédure ouverte.
Le Sénat a également permis la cession d'une chaîne dans les cinq ans suivant la délivrance de l'autorisation, lorsqu'elle était déjà autorisée auparavant, facilitant ainsi de fait la fusion entre TF1 et M6 dans le cas où un contentieux empêcherait leur fusion effective avant le renouvellement de leurs autorisations. Il ne faut pas s'interdire de réfléchir à ces sujets. Pour autant, l'adoption des articles, dans le contexte de la fusion annoncée, enverrait un message peu compréhensible au secteur et à nos concitoyens. Il n'appartient pas au législateur d'encourager, de faciliter ou, a contrario, de ralentir un tel projet industriel ; en vérité, il ne nous appartient pas de nous prononcer sur son opportunité. Aussi, il apparaît préférable de supprimer les articles en question. Cette position est largement partagée au sein des différents groupes.
Le Sénat a aussi adopté un article 17 ter relatif à l'indépendance de la production audiovisuelle. En renvoyant le sujet des parts de coproduction et des mandats de commercialisation à la seule négociation interprofessionnelle, il déséquilibre les rapports entre producteurs et éditeurs, dans un sens très favorable aux éditeurs, et ce, alors que d'importantes réformes sont en cours au niveau réglementaire. Dans le texte qui nous avait été présenté l'an dernier, j'avais souhaité renforcer les garanties apportées aux producteurs indépendants. Préserver la production indépendante, ce n'est pas céder à un quelconque corporatisme, mais affirmer avec force son rôle clé pour la diversité et la souveraineté culturelles de notre pays. En introduisant ces articles, le Sénat donne l'occasion de renforcer certains aspects de la définition de la production indépendante, prévue par l'article 71-1 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, conformément aux dispositions que nous avions adoptées l'an dernier. Je proposerai donc un amendement en ce sens.
Le Sénat a également introduit plusieurs articles relatifs à la modernisation de la TNT, unique mode de réception de la télévision pour plus d'un foyer sur cinq dans notre pays. Il a eu raison de réaffirmer son rôle essentiel, notamment pour l'équité territoriale entre nos concitoyens. Il convient en effet de l'adapter aux nouveaux standards techniques, avec le passage expérimental à la ultra-haute définition (UHD) et à la disponibilité de services interactifs proposés par les éditeurs. Il y va de la pérennisation de ce service, qui conserve l'avantage d'être simple, gratuit et anonyme. Je veillerai, par amendement, à préciser les délais de mise en conformité des terminaux.
S'agissant des seuils de concentration autorisés par les services de radio analogiques et pour les réseaux des chaînes de télévision locales, ils sont sans aucun doute obsolètes. Nous devons veiller à la diversité des éditeurs et au pluralisme des programmes. Le relèvement du seuil pour les radios semble adapté. Le Sénat a d'ailleurs adopté celui que nous avions proposé et adopté l'an dernier. En séance publique, j'aurai, en revanche, à cœur de vous proposer un seuil moins élevé pour les télévisions locales, afin de ne pas porter préjudice au développement des réseaux et, indirectement, à la presse quotidienne régionale (PQR).
Toujours pour ce qui concerne la télévision, le Sénat a inséré des dispositions qui nous sont familières dans le texte, au sujet du must carry et de l'offre régionale de France 3. Je suis naturellement favorable à leur adoption, même si un équilibre doit être trouvé entre la mise à disposition rapide des décrochages locaux à la touche 3 et les capacités techniques des opérateurs.
S'agissant enfin du maintien de France 4, des collègues de tous les bancs de notre commission ont été mobilisés, publiquement et en coulisses, durant les dix-huit derniers mois, pour permettre la pérennité d'une offre publique jeunesse. Le service public ne doit pas perdre son lien avec la jeunesse, dont le rapport aux écrans ne saurait se faire sur les seules plateformes internationales. Le secteur de l'animation est un fleuron français et une fierté que nous devons plus que jamais soutenir. Nous nous réjouissons, dès lors, de l'annonce du Président de la République et du décret que vous ferez paraître dans quelques jours.