Voilà quelques années que nous travaillons à l'établissement d'une nouvelle régulation dans le domaine de la communication audiovisuelle et de la souveraineté culturelle à l'ère du numérique. L'examen d'un premier projet de loi, adopté le 5 mars 2020 par notre commission, avait été suspendu à la suite de la proclamation de l'état d'urgence sanitaire. Pour ne pas retarder l'adoption de mesures urgentes, dont la nécessité était reconnue par tous, les directives « droit d'auteur » et « SMA », qui devaient être transposées par le projet de loi initial, l'ont été par la loi du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière.
Très attendu par les professionnels de la culture et de l'audiovisuel, le texte en discussion doit apporter des réponses concrètes à trois enjeux majeurs : la protection des droits des créateurs ; l'organisation et la modernisation de la régulation ; la défense de l'accès du public aux œuvres cinématographiques et audiovisuelles françaises.
Pour ce qui est de la lutte contre le piratage, sujet crucial, le projet de loi institue de nouveaux outils – établissement d'une liste noire, dispositif contre les sites miroirs, mécanisme spécifique contre le piratage sportif – qui permettront d'accélérer la lutte contre les sites contrefaisants, qui nuisent considérablement à notre modèle de production.
Parmi les apports du Sénat, l'institution d'une transaction pénale comme point d'orgue de la réponse graduée, avec une amende de 350 euros dont l'ARCOM aurait la charge, sera au cœur de nos débats. Ce dispositif devra être appréhendé au regard de son applicabilité et de son efficacité, dont on peut douter compte tenu de la complexité de la procédure judiciaire. Un premier bilan des avancées réalisées grâce aux autres dispositifs institués par le projet de loi devrait permettre d'en mesurer la pertinence.
Alors que le contexte social demeure plus que fragile en raison de la crise sanitaire, notre groupe considère que la priorité doit être de lutter contre les sites contrevenants plutôt que de sanctionner les internautes. Cela ne signifie pas pour autant qu'il faut oublier la responsabilité individuelle. Afin de réduire le nombre de contrevenants – estimé entre 8 et 10 millions –, il faut développer la prévention et la sensibilisation des publics. Notre majorité défendra des amendements en ce sens. Pour ce qui est du piratage sportif, notre groupe salue les dispositions du texte qui constituent un progrès – elles sont soutenues par le groupe démocrate depuis longtemps.
Parmi les autres avancées contenues dans le projet de loi, citons la réforme des autorités chargées de faire respecter les règles communes et la création d'un nouveau régulateur : l'ARCOM. Le texte témoigne de notre ambition d'améliorer la régulation des contenus en ligne. En dehors du strict domaine du piratage, la nouvelle autorité appliquera les outils attendus, votés dans nos assemblées, concernant la protection des mineurs, la lutte contre la désinformation et la haine en ligne.
Nous nous sommes particulièrement mobilisés depuis le début de la législature sur la question des droits voisins des agences et éditeurs de presse – notre collègue M. Patrick Mignola a notamment déposé une proposition de loi sur ce sujet. Les articles du projet de loi consacrés à la rémunération des artistes-auteurs sont porteurs d'avancées réelles. Il faut laisser les débats entre les acteurs se poursuivre afin de parvenir au meilleur accord possible.
Le projet de loi protégera notre patrimoine audiovisuel et cinématographique en garantissant que, lorsque des catalogues d'œuvres seront rachetés par des acteurs étrangers, ils demeureront toujours accessibles au public français. Il s'agit d'un enjeu essentiel de souveraineté, dans la mesure où la demande d'œuvres françaises et européennes n'a jamais été aussi forte.
On pourrait regretter l'absence d'un article sur France Télévisions ou ARTE, du fait d'un recentrage du texte sur l'ARCOM et le piratage, mais on comprend que le sujet ne pouvait guère être abordé dans le présent cadre.
Le groupe Démocrate, bien conscient de la fragilité de notre secteur audiovisuel et de notre modèle culturel face à la « brutalité de la concurrence internationale », pour reprendre les termes de M. François Léotard, votera en faveur de ce projet de loi, qui apporte assurément une réponse concrète aux enjeux de défense de la création française.