Intervention de Michèle Victory

Réunion du lundi 14 juin 2021 à 15h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Victory :

Après de longs mois d'interruption, vous avez réussi, madame la ministre, à réinscrire le projet de loi dans un agenda parlementaire très chargé. Si cela n'était pas acquis d'avance, celui-ci y a quand même perdu quelques plumes.

Les objectifs du texte – renforcement de la lutte contre le piratage, fusion de la Hadopi et du CSA, protection de l'accès du public aux œuvres cinématographiques françaises – sont assez éloignés du big bang de l'audiovisuel promis par le candidat Macron pendant la campagne de 2017. Exit, donc, l'adaptation de la loi relative à la liberté de communication de 1986, la transposition des directives européennes, notamment sur les droits d'auteur, qui a été faite par ordonnance, la réforme de la contribution à l'audiovisuel public – dispositif à réinventer afin de soutenir le secteur public de l'audiovisuel –, ou encore la création d'une BBC à la française. Fort heureusement, la chaîne France 4 a été sauvée, ce dont nous nous réjouissons.

Il est vrai que le paysage audiovisuel français est en proie, depuis plusieurs années, à de profondes mutations, qui méritent l'attention du législateur ; c'est tout l'intérêt de notre discussion. Les modes de consommation des médias audiovisuels ont profondément évolué avec l'arrivée des géants américains, notamment des GAFAN (Google, Apple, Facebook, Amazon, Netflix). Ceux-ci se livrent à une concurrence féroce sur le marché des investissements de production, qui appelle toute notre vigilance pour protéger les producteurs indépendants et le patrimoine audiovisuel français et européen. L'annonce récente du projet de fusion entre TF1 et M6, ou l'incursion d'Amazon dans la diffusion des matches de la Ligue 1 de football, sont des illustrations de cette révolution audiovisuelle, qui n'est pas sans susciter des inquiétudes au regard de la concentration des médias dans les domaines de l'information, de l'opinion, de la publicité ou de la production, et de la mainmise des géants américains sur la diffusion d'événements populaires.

Face à ces profonds changements, le texte raccourci que nous allons examiner opère la fusion entre la Hadopi et le CSA pour former l'ARCOM, ce que nous estimons être une bonne orientation pour mieux réguler les contenus. Nous veillerons néanmoins à ce que cette institution bénéficie de moyens à la hauteur des ambitions du texte. J'espère que vous nous rassurerez à ce sujet, madame la ministre. Je regrette qu'un amendement visant à confier à l'ARCOM la compétence de vérification de l'existence d'une incompatibilité, en cas de cumul d'activités entre la communication audiovisuelle et la commande publique, ait été jugé irrecevable.

Concernant le volet de la lutte contre le piratage, je tiens à rappeler l'attachement tout particulier que le groupe Socialistes et apparentés porte au droit d'auteur. Cette protection doit être entière. Nous proposerons que l'ARCOM soit compétente en la matière, y compris pour les services de médias audiovisuels à la demande (SMAD). Nous nous opposerons, en revanche, à l'introduction par le Sénat d'une mesure de transaction pénale contre les utilisateurs. Nous pensons qu'il faut se concentrer sur les sites pirates plutôt que sur des utilisateurs, qui pourraient aisément contourner le dispositif.

Nous pensons également que les pouvoirs de la future ARCOM devront être renforcés en matière de diffusion de contenus haineux ou dangereux. Nous avons déposé des amendements en ce sens.

La partie du projet de loi relative à la protection de l'exploitation des œuvres cinématographiques en cas de cession aurait mérité d'être renforcée. Nous suggérerons un mécanisme d'autorisation plutôt que de notification, dans le prolongement du principe de sauvegarde de l'exception culturelle.

Malgré des baisses budgétaires et des incitations à l'économie par le Gouvernement, les chaînes publiques ont une nouvelle fois démontré, durant la crise sanitaire, qu'elles sont au rendez-vous de leur mission d'intérêt général et de participation à la culture.

Enfin, la délicate question de la pollution numérique que nos collègues de La France insoumise ont mise en avant dans leurs amendements nous paraît importante ; nous soutiendrons certaines de leurs propositions.

Les nombreuses modifications introduites par le Sénat montrent que des questions restent en suspens. Nous souhaitons parvenir à un texte plus complet et plus équilibré, dans un monde culturel où les intérêts des divers acteurs sont loin d'être consensuels et au milieu desquels nous devons préserver l'exception culturelle française.

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