Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du mardi 21 septembre 2021 à 17h20
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports :

C'est toujours un moment important pour moi de venir rendre compte devant la représentation nationale, notamment pour faire le point peu de temps après la rentrée.

J'ai coutume de dire que la rentrée scolaire intervenue au début du mois de septembre est la neuvième depuis le début de la crise sanitaire, dans la mesure où nous devons chaque fois réamorcer le système scolaire en tenant compte de la situation sanitaire générale. Je constate qu'elle s'est accomplie dans de bonnes conditions, et qu'élèves et adultes semblent toujours plus heureux de se retrouver et considérer l'école ouverte comme un acquis fondamental. J'observe aussi que les pays voisins ont également organisé des rentrées scolaires aussi normales que possible, consacrant l'idée que, même en période de crise sanitaire, on doit faire le maximum pour que l'école reste ouverte, à rebours de la doctrine qui a dominé en Europe tout au long des dix-huit derniers mois. Certes, le contexte est plus favorable qu'il y a un an, car nous avons le vaccin. Il importe de dire que cette victoire de l'école ouverte a été permise par les protocoles sanitaires, la politique « tester-alerter-protéger » et désormais le vaccin. Nous devons nous en réjouir pour nos enfants.

Cette année, nous voulons éviter que ce thème ne monopolise notre attention, et poursuivre les réformes essentielles pour les élèves. Que la rentrée se soit déroulée en partie en musique, conformément à une démarche que nous encourageons depuis 2017, montre que nous ne nous laissons pas abattre par les circonstances sanitaires et que l'éducation artistique et culturelle reste bien une grande priorité, avec d'autres.

Comme nous l'avions annoncé en amont de la rentrée scolaire, le niveau 2 du protocole sanitaire est appliqué et les trois piliers sont en vigueur. En font partie les gestes barrières, qui restent clés dans la protection quotidienne. De fait, le port du masque, le lavage des mains, la limitation du brassage et l'ouverture des fenêtres forment la base sur laquelle repose la réussite de l'ouverture de l'école. Je tiens à rendre hommage à tous les acteurs et aux enfants eux-mêmes pour les réflexes acquis. Porter un masque n'a rien de plaisant et pourtant tout le monde le fait, de sorte qu'en milieu scolaire, le nombre de contaminations n'est pas particulièrement élevé. J'ai parfois été très contesté lorsque je le disais tout au long des dix-huit derniers mois ; je le réaffirme sans ambages : en milieu scolaire, on ne se contamine pas plus qu'ailleurs. J'en veux pour preuve que les professeurs sont une catégorie socioprofessionnelle moins contaminée que les autres. J'y vois le signe du respect des règles par chacun et aussi que l'école est un lieu de protection et de diffusion d'une pédagogie de la crise sanitaire, où les élèves ont notamment appris ce que sont un virus et un vaccin.

De même, l'école rayonne dans la crise sanitaire, car elle est aussi un lieu de santé publique, au travers tant de la vaccination que de la stratégie « tester-alerter-protéger », qui permet de rompre les chaînes de contamination, par exemple en début d'année scolaire. L'action sanitaire se double d'un travail de santé publique mené avec les agences régionales de santé (ARS). Grâce au bon déroulement d'une planification définie au mois d'août, l'objectif que nous nous étions fixé de proposer à tout collégien de plus de 12 ans et à tout lycéen une première injection de vaccin en septembre est atteint. La seconde injection devrait intervenir en octobre, de façon à ce que tous ceux qui se sont portés volontaires soient vaccinés pour les vacances de la Toussaint.

Du côté de l'offre, le travail est donc en cours. Je remercie ceux qui y contribuent, les ARS comme les collectivités locales. J'ai pu constater hier, dans un collège de la circonscription du député Pascal Bois, dans l'Oise, combien le département était mobilisé dans la vaccination des élèves. Cette même mobilisation est vraie ailleurs, de la part des départements, des régions ou des communes, en lien avec l'État. J'y vois un signal d'unité autour des enjeux sanitaires et d'efficacité de la France. Le taux de vaccination des plus jeunes progresse donc ; il atteindra 70 %, aujourd'hui ou demain, chez les 12-17 ans.

À ce jour, on compte 3 300 classes fermées, un chiffre désormais en baisse, conformément à la courbe que j'ai constatée au retour de chaque période de vacances : une augmentation des contaminations, parfois impressionnante, après une semaine de cours et pendant quinze jours, puis une décélération. Tout en restant prudent, c'est ce que j'avais répondu aux prévisions, parfois pessimistes, avancées par les uns et les autres à la fin du mois d'août. C'est encore ce qui se passe – je le dis toutefois avec prudence car, dans cette crise, nous sommes habitués à des rebonds et personne ne peut être affirmatif. Il n'en demeure pas moins que nous sommes dans un ordre de grandeur tout à fait gérable, correspondant au type de pilotage que nous avons adopté d'emblée.

D'ailleurs, sur les enjeux de la gestion de crise sanitaire, je m'attache à faire référence aux débats passés afin de nous éviter de vaines polémiques dans le futur, alors que nous avons surtout besoin de sérénité et d'unité. Reste que chacun peut se réjouir, je crois, de l'ouverture du plus grand nombre de classes possible. Et même si les fermetures sont toujours désagréables pour les classes concernées, dans l'immense majorité des cas, elles ne durent qu'une semaine.

Les données sanitaires de cette rentrée scolaire sont donc plutôt rassurantes, d'autant que, dans la population générale, le taux d'incidence baisse fortement. La rentrée n'a pas été synonyme de rebond de l'épidémie, comme certains le craignaient. Bien entendu, nous continuerons à suivre l'évolution de la situation de façon très attentive.

La rentrée scolaire est d'abord placée sous le signe du travail que nous menons pour la réussite des élèves. L'objectif est de creuser le sillon des transformations nécessaires, en visant toujours deux objectifs que vous connaissez bien et que nous partageons, me semble‑t‑il : l'élévation du niveau général et l'égalité des chances.

S'agissant de l'élévation du niveau général, l'enjeu est la maîtrise des savoirs fondamentaux. Le dédoublement des classes de CP et de CE1 en réseau d'éducation prioritaire (REP et REP+) est maintenu. En grande section, il est une réalité pour 92 % des classes de REP+ et 50 % des classes de REP. Notre objectif est d'atteindre 100 % à la rentrée prochaine, si possible de façon complètement consolidée pour la rentrée de septembre 2023 – l'avenir le dira. Les premiers retours dont nous disposons s'agissant des grandes sections à douze élèves marquent une satisfaction. C'est là que beaucoup se joue, notamment en matière d'acquisition du vocabulaire – il est d'ailleurs probable que les élèves de grande section sont ceux qui ont le plus pâti du confinement. Nous sommes très attentifs à ce que cette vision de la grande section, du CP et du CE1 s'affirme en réseau d'éducation prioritaire, et qu'elle s'accompagne de la limitation des effectifs à vingt-quatre élèves par classe dans toute la France. Quelques exceptions demeurent, mais elles sont rares. Cet objectif, fixé par le Président de la République lors du grand débat, a été notre point de repère.

Nous poursuivons une politique de création de postes à l'école primaire, qui, je crois, se voit sur le terrain. Plus de 7 500 emplois ont été créés dans l'enseignement primaire, alors même qu'il accueille aujourd'hui 255 000 élèves de moins qu'il y a quatre ans. Il en résulte une amélioration du taux d'encadrement dans chaque département de France, à chaque rentrée scolaire.

Cette politique s'accompagne d'une évolution des règles du jeu : avec l'instruction obligatoire à 3 ans, l'insistance est mise sur l'école maternelle ; avec le plan Français et le plan Mathématiques, se déploient à l'école primaire des formations pédagogiques au plus près des besoins des professeurs et favorisant l'esprit d'équipe.

Les réformes dans le sens de la personnalisation des parcours se poursuivent. Le programme Devoirs faits a concerné un collégien sur trois l'an dernier. Entendant aller encore plus loin en 2021-2022, j'ai appelé les familles à y inscrire largement leurs enfants, et nous serons très incitatifs, collège par collège, auprès des élèves qui en ont le plus besoin afin qu'ils bénéficient de ce soutien scolaire gratuit. La personnalisation se poursuit aussi avec la réforme du lycée général et technologique ainsi que du lycée professionnel. Je n'entrerai pas dans les détails de ces deux réformes, qui font l'objet d'un comité de suivi. Nous serons très attentifs à l'ancrage sur le terrain des dernières évolutions, au bénéfice de l'élévation du niveau général et de la qualité.

Le deuxième grand objectif, l'égalité des chances, est fortement corrélé à celui de l'élévation du niveau général. Les exemples de politiques publiques menées en ce sens abondent.

Le service public de l'école inclusive a été l'un des fils rouges de l'action menée au cours des dernières années. En cinq ans, les élèves en situation de handicap scolarisés ont augmenté de 20 %. En cette rentrée, ils représentent 400 000 élèves. Ils sont encadrés par 125 000 accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), mieux formés et bénéficiant d'un nouveau statut revalorisé – leur nombre a connu une hausse de 35 %, en cinq ans également. La revalorisation salariale des AESH fait partie de nos grands objectifs – ils le constateront sur leurs bulletins de paie très prochainement –, dans le cadre du Grenelle de l'éducation et de mesures générales de fonction publique, pour qu'aucun AESH ne soit rémunéré en dessous du SMIC. Parmi les autres mesures qualitatives, alors qu'ils étaient 70 000 contrats aidés il y a quatre ans, ils sont aujourd'hui 125 000, en CDD pour la plupart et parfois en CDI. Considérés comme des membres à part entière de l'éducation nationale, ils bénéficient de perspectives de carrière et même d'une grille indiciaire élaborée à l'occasion du Grenelle de l'éducation et consacrée à la fin du mois d'août. Au titre de l'école inclusive, nous portons également une grande attention aux parents d'élèves et aux problèmes qu'ils rencontrent. Sur le terrain, des manques et des imperfections subsistent, mais les cellules départementales d'écoute et de réponse aux familles des élèves en situation de handicap sont là pour y remédier. Cette année, le nombre d'appels et de réclamations a encore baissé, c'est donc que les choses avancent, même si nous avons encore des efforts à faire, en lien avec les structures médico-sociales. Nous y veillons avec Sophie Cluzel.

Parmi les autres mesures pour l'égalité des chances, 307 internats d'excellence accueillent en cette rentrée 30 000 jeunes. Notre objectif est d'offrir 1 500 places supplémentaires en 2022. Cette mesure sociale est aussi, parfois, une mesure de rééquilibrage territorial. Je citerai aussi le petit-déjeuner gratuit pour 200 000 bénéficiaires en 2021-2022, et les cités éducatives, que nous conduisons avec les services de Nadia Hai au ministère de la ville et qui seront au nombre de 200 en 2022. Il s'agit également de projets concrets pour les acteurs de terrain.

Par ailleurs, cette année sera caractérisée par deux mesures préparées pour la rentrée : le pass culture et le pass'sport, deux sujets sur lesquels nous voulons pousser les feux en symétrie.

Le pass culture est une mesure commune avec le ministère de la culture. Grâce aux décisions du Président de la République et du Premier ministre, il bénéficiera, dès le mois de janvier prochain, aux jeunes de 14 ans et plus, donc aux élèves à partir de la quatrième. Concrètement, cela signifie, non seulement l'ouverture de droits pour des achats individuels, mais aussi l'ouverture de droits collectifs, à hauteur de 25 euros par élève. Ainsi, une classe de trente-deux élèves aura 800 euros de budget pour financer des sorties culturelles. C'est révolutionnaire et cela peut changer la vie des établissements, sachant que, souvent, c'est pour quelques dizaines ou quelques centaines d'euros qu'un projet ne peut pas être mené à bien. Ce changement de donne s'accompagne d'autres mesures en matière d'éducation artistique et culturelle : notre objectif de 100 % d'éducation artistique et culturelle est en train de devenir une réalité.

Symétriquement, le pass'sport – un esprit sain dans un corps sain – ouvre à potentiellement 5,4 millions d'enfants la possibilité de bénéficier d'un chèque de 50 euros pour s'inscrire dans un club sportif. Cette mesure est aussi faite pour aider les clubs, et plus globalement pour renforcer le lien entre les enfants et les clubs, et favoriser un rebond sportif cette année, quels que soient les obstacles de tous ordres.

Outre ces objectifs d'élévation du niveau général et de lutte pour l'égalité des chances, je veux insister sur l'enjeu des valeurs de la République. La rentrée a été ouverte avec une campagne sur la laïcité, adossée à des ressources pédagogiques destinées aux professeurs. Elle répond à une demande de leur part, souvent formulée ces derniers mois, d'aller vers les élèves, de parler concrètement de la laïcité et d'être formés, en suivant les préconisations du rapport Obin. Un plan de formation continue sur quatre ans, fondé sur le guide républicain élaboré par le conseil des sages de la laïcité, permettra de toucher tous les professeurs. Tout cela doit s'affirmer dans le cadre du « carré régalien » qui, dans chaque rectorat, rassemble les mesures permettant de s'assurer du respect quotidien des valeurs de la République.

La reconnaissance des métiers est un marqueur fort de la précédente année scolaire et de celle qui s'ouvre. En 2021-2022, nous devons réaliser les douze engagements que j'ai pris en conclusion du Grenelle de l'éducation, au premier rang desquels figure la revalorisation des salaires. Nous y consacrons 1,1 milliard d'euros – 400 millions en 2021 et 700 millions en 2022 –, en ciblant les débuts et les milieux de carrière. Concrètement, un professeur en tout début de carrière gagnera, en février 2022, 1 869 euros net – le même, il y a un an et demi, gagnait 1 700 euros –, soit 169 euros net mensuels en plus en dix-huit mois. Cette trajectoire a vocation à se poursuivre.

Sur ce sujet de la reconnaissance des métiers, que je n'épuiserai pas dans ce propos introductif, nous sommes très concentrés sur les directeurs d'école. Sur le plan législatif, la proposition de loi Rilhac reviendra en discussion à l'Assemblée nationale à partir de demain. En amont de ce travail, nous avons beaucoup travaillé à des évolutions réglementaires et financières, avec la pérennisation de la prime de rentrée de 450 euros pour les directeurs d'école et l'amélioration des décharges, qui concerne 40 % des directeurs d'école en cette rentrée – nous y avons consacré 600 équivalents temps plein (ETP). Avec cette amélioration concrète de la vie quotidienne des directeurs et des directrices d'école, donc de celle des écoles, nous franchissons une étape très importante, même s'il reste à faire.

En conclusion, je voudrais exprimer devant vous ma gratitude envers les personnels de l'éducation nationale. La traversée de la crise sanitaire a signifié un fort engagement. Comme j'ai eu plusieurs fois l'occasion de le dire devant la représentation nationale, cet engagement est aussi une forme d'adhésion renouvelée de la société française à son école. De toutes les difficultés que nous avons dû traverser, nous pouvons tirer un enseignement qui, à mon avis, surplombe les autres : la France aime son école, elle y tient et entretient avec celle-ci une relation spécifique. Nous devons en retirer non seulement une fierté collective bien normale, mais aussi de l'énergie pour les transformations et le travail qui restent à accomplir. Notre ADN républicain d' affectio societatis pour l'école est encore bien solide !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.