Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du mardi 21 septembre 2021 à 17h20
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jean-Michel Blanquer, ministre :

Madame Calvez, je vous remercie d'avoir rappelé la nature systémique de notre approche : tous les projets que nous conduisons sont imbriqués et participent à l'atteinte des deux objectifs que je répète sans cesse : l'élévation du niveau général et la lutte contre les inégalités sociales. C'est à l'aune de ces derniers que doit être évalué ce qui a été accompli et ce qui reste à faire.

Vous posez la question très importante du niveau de la première cohorte, autrement dit des 60 000 premiers élèves ayant bénéficié du dédoublement des classes de CP en REP+ qui entrent aujourd'hui en CM2 – l'année suivante, ils étaient 150 000 puisque s'y étaient ajoutés les CP de REP et les CE1 de REP+ ; à la rentrée 2019, ils étaient 300 000, soit tous les CP et CE1 de REP et REP+. Des évaluations seront réalisées tout au long de l'année afin de disposer de statistiques fiables. Sur le terrain, les professeurs de CE2 et de CM1 qui connaissaient les élèves auparavant en CP et CE1 nous disent voir les bénéfices du dédoublement, notamment au regard de la concentration des élèves ; le métier d'élève, ainsi qu'on le désigne parfois, a été mieux assimilé et les savoirs fondamentaux sont plus consolidés. Il faudra évidemment compléter les remontées de terrain en documentant cette question. Le confinement de mars et avril 2020 a provoqué, en France comme ailleurs, un trou d'air dans les progrès constatés jusque-là.

Nous conservons l'objectif de doter les élèves entrant en sixième de savoirs fondamentaux consolidés. Les évaluations en début de sixième seront précieuses à cet égard. Désormais, elles s'intéressent à la fluidité de lecture, et si celle-ci n'est pas suffisante, l'élève peut bénéficier d'un suivi individualisé.

L'expression « France, puissance éducative », employée par le Président de la République et moi-même, marque notre ambition de porter une parole sur l'école à l'échelon national et international, notamment à l'échelon européen alors que la France doit bientôt prendre la présidence de l'Union européenne. Non seulement notre pays accueille deux institutions fondamentales en matière d'éducation – l'UNESCO et l'OCDE –, mais, lors de la crise sanitaire, nous avons plaidé en faveur d'une école ouverte dans toutes les enceintes internationales. L'UNESCO ayant reconnu que notre choix était le bon, nous disposons d'une certaine crédibilité pour adresser un message, celui que Mme Tolmont a rappelé et sur lequel nous pouvons tous nous entendre sans doute : le monde doit investir dans l'éducation.

Madame Tolmont, ce quinquennat aura vu la plus forte augmentation du budget de l'éducation nationale – je le redis, ce n'est pas de la littérature, ce sont des mathématiques. Regardez les documents budgétaires. La hausse des crédits, de près de 10 %, n'est pas une fin en soi, elle a des visées éducatives. Nous la prônons au plan international parce que le monde a besoin d'éducation, d'autant plus que les écoles ont été fermées, avec pour conséquence une aggravation des inégalités. Les investissements dans l'éducation sont nécessaires pour être un pays moderne et pour lutter contre les inégalités. Ne passons pas à côté du consensus entre tous les partis politiques qu'une telle idée pourrait recueillir.

Monsieur Minot, ma position sur l'uniforme est constante : il peut être positif dans certains cas. En tout état de cause, l'adhésion des personnes concernées est une condition indispensable. En outre-mer, certains élèves portent déjà des tenues qui s'apparentent à l'uniforme – des tee-shirts de couleur identique. L'uniforme a été adopté depuis une dizaine d'années à l'internat d'excellence de Sourdun et les élèves l'apprécient. Il est dans les habitudes de nombreux pays étrangers. Il ne s'agit en aucun cas d'une idée désuète, conservatrice ou réactionnaire. L'uniforme peut avoir des vertus, car il favorise l'égalité. On sait que les marques, et les vêtements plus généralement, peuvent susciter des comportements voisins du harcèlement. Néanmoins, vouloir l'imposer de manière uniforme et verticale pourrait être contre-productif. Le port de l'uniforme doit rester une possibilité : un conseil d'administration peut parfaitement le décider aujourd'hui. Soyons lucides, peu d'institutions se sont saisies de cette faculté. C'est au niveau local qu'il faut évaluer le consensus qui pourrait se dégager autour d'une telle idée, car si elle n'est pas mauvaise, elle ne suscite pas une adhésion suffisante dans le pays pour en faire une règle du jour au lendemain.

Madame Petit, en outre-mer, la rentrée a été très différente d'un endroit à l'autre. J'ai longuement évoqué La Réunion puisque la rentrée y a eu lieu deux semaines avant la métropole. Il était important qu'elle s'y déroule bien ainsi qu'à Mayotte, d'autant qu'elle nous fournissait des indications précieuses. Malgré les discours pessimistes et les débats habituels, nous y avons observé la fameuse courbe que j'évoquais précédemment : une hausse du nombre de cas pendant quinze jours suivie d'une baisse. La vie scolaire se passe désormais le plus normalement possible.

La situation était plus rude en Martinique, en Guadeloupe, et en partie en Guyane. Elle nous a amenés à reporter la rentrée de deux semaines en Martinique ainsi qu'en Guadeloupe et à instaurer une distinction entre Cayenne et ses environs, d'une part, et le reste de la Guyane d'autre part. Les choses rentrent progressivement dans l'ordre désormais. La rentrée scolaire a lieu progressivement mais elle s'accompagne de mesures adaptées à chacun des territoires parmi lesquelles les classes en demi-jauge. Nous suivons la situation quotidiennement et nous nous autorisons un peu d'optimisme, car les taux d'incidence s'améliorent dans chacun des territoires que je viens de citer.

Quant au harcèlement à l'école, sujet éminemment important, il est tristement revenu dans l'actualité en fin de semaine dernière du fait de la montée en puissance du hashtag #anti2010 qui est une absurdité de notre époque – je n'y reviens pas. Ce mot d'ordre est significatif des logiques qui sont à l'œuvre. Nous avons riposté en promouvant le hashtag #bienvenueaux2010 et en incitant les collèges à agir. J'ai écrit immédiatement à tous les principaux de collèges pour leur demander de mener des actions volontaristes pour intégrer les élèves de sixième.

La rentrée se caractérise aussi par la généralisation du programme PHARE, destiné à lutter contre le harcèlement et expérimenté pendant deux ans dans divers territoires. Il comporte plusieurs mesures parmi lesquelles la formation systématique de groupes de professeurs dans chaque établissement ainsi que la désignation d'un référent dans chaque établissement et d'élèves volontaires pour être ambassadeurs contre le harcèlement. Il s'inspire des expériences à l'étranger qui ont donné les meilleurs résultats, notamment de certains pays scandinaves, auxquelles nous avons adjoint des éléments de notre cru. Vous le savez, Mme Macron est très investie sur ce sujet – j'ai visité plusieurs établissements avec elle –, qui requiert la sensibilisation de tous. Les événements récents doivent nous inciter à poursuivre nos efforts pour l'application du programme PHARE mais aussi dans la lutte contre le cyberharcèlement, qui est un fléau majeur.

Outre les outils que nous avons déjà développés tels que les numéros d'écoute 3018 et 3020 mis à disposition des victimes de harcèlement, parmi les quatre sujets abordés par les équipes dédiées aux problèmes de vie scolaire qui composent le carré régalien figurent la lutte contre le harcèlement et le cyberharcèlement. Des personnes au sein des rectorats viennent ainsi en appui des établissements chaque fois que le problème se pose.

Certaines mesures arrivent à maturité, parmi lesquelles la formation systématique de tout nouveau professeur aux enjeux de la lutte contre le harcèlement, disposition adoptée dans la loi pour une école de la confiance, laquelle a également consacré le droit à une scolarité sans harcèlement dans le code de l'éducation. Nous disposons là d'une base juridique pour toutes les mesures relatives au harcèlement.

La lutte contre le cyberharcèlement doit désormais s'accompagner d'une responsabilité accrue des plateformes. Je dois les recevoir dans les prochains jours à cette fin. Toutes les plateformes ne manifestent pas un volontarisme égal en la matière. La suppression du hashtag #anti2010 par TikTok est bienvenue, néanmoins il a fallu que nous intervenions en ce sens. À l'avenir, les plateformes doivent être capables de détecter des signaux faibles avant que le phénomène ne prenne de l'ampleur. Les dispositions qu'elles ont prises vont dans le bon sens mais elles doivent être systématisées. Nous devons être attentifs à la protection de nos enfants. Certaines mesures telles que l'interdiction du téléphone portable au collège y contribuent mais il reste encore beaucoup à faire. Le rapport du député Erwan Balanant constitue un outil de référence pour nous aider à prendre les nouvelles mesures qui s'imposent. Grâce au programme PHARE, nous sommes dotés d'un arsenal complet. Notre volonté politique est totale. L'année 2021 sera l'occasion de franchir un cran supplémentaire.

Quant aux élèves passés, à la rentrée, de l'instruction en famille à l'école – autre sujet du carré régalien –, il est bien trop tôt pour disposer de chiffres. L'entrée en vigueur de la disposition est prévue en septembre 2022. Cette année, il ne pourra s'agir que de cas isolés : les rectorats, qui ont étoffé leurs équipes pour suivre l'instruction en famille et son bon déroulement, sont susceptibles, le cas échéant, de demander l'inscription des enfants à l'école.

Madame Tolmont, vous êtes libre de votre jugement sur les classes dédoublées, mais quiconque se rendant sur le terrain notera la satisfaction des personnes concernées et des observateurs à l'égard de cette mesure – elle fait l'unanimité, me semble-t-il. Vous déplorez qu'elle ne bénéficie qu'à 300 000 élèves, mais depuis l'extension aux classes de grande section, ils sont environ 380 000 cette rentrée – c'est considérable – et bientôt 450 000 lorsque la mesure sera complètement appliquée. Le nombre d'enfants concernés est énorme – environ 20 % de chaque génération. On ne peut pas minimiser l'impact d'une telle mesure, qui n'a jamais été appliquée au détriment des autres élèves. La limitation des effectifs des classes à vingt-quatre fait partie des autres innovations de ce quinquennat.

Je me réjouis de votre approbation sur la nécessité d'investir massivement dans l'école.

J'ai dit quelques mots du salaire des professeurs en rappelant que celui d'un débutant était passé en quelques mois de 1 700 à 1 869 euros. L'objectif, qui est de parvenir à 2 000 euros par mois – aucun professeur, même en début de carrière, ne doit gagner moins – peut être raisonnablement fixé soit pour 2023, soit pour 2024. La décision appartiendra toutefois à ceux qui exerceront des responsabilités après les élections, mais la trajectoire est fixée : les travaux du Grenelle ont permis de mettre à plat le sujet, qui est d'une grande complexité. Je pense aux nombreux éléments qui déterminent le pouvoir d'achat des professeurs. Il faut ainsi tenir compte de l'évolution de carrière. Les moyens consacrés au glissement vieillesse technicité (GVT) chaque année donnent rarement lieu à débat alors qu'ils alimentent le pouvoir d'achat. Ce fameux GVT est une boîte noire de la discussion budgétaire malgré son importance.

Le Grenelle a débouché sur l'installation de l'Observatoire des rémunérations et du bien-être, dont l'approche à la fois qualitative et quantitative doit éclairer nos décisions. Nous connaissons tous les problèmes de la courbe des salaires des professeurs, particulièrement aigus en début et en milieu de carrière, même si des améliorations peuvent aussi être apportées en fin de carrière.

L'objectif est que, sur une période de sept ans, les professeurs récupèrent leur pouvoir d'achat. Cela représentera autour de 500 millions d'euros supplémentaires par an, en plus de l'augmentation « naturelle » du budget. Sachant que le processus est cumulatif : la hausse de 400 millions en 2021 se retrouvera « en base » dans le budget pour 2022 – par exemple, la prime informatique de 150 euros annuels financée grâce à ces 400 millions se retrouvera les années suivantes. En 2022, il y aura une nouvelle hausse, de 700 millions, si bien que l'augmentation sur les exercices 2021 et 2022 sera en réalité de 1,5 milliard, plutôt que de 1,1 milliard, comme je l'ai dit précédemment. Environ 500 millions supplémentaires chaque année, cela fera 3,5 milliards supplémentaires « en base » au bout de sept ans, en plus des augmentations déjà prévues.

Nous avons une stratégie dans la durée, la priorité étant la revalorisation du début de carrière et du milieu de carrière, jusqu'au neuvième échelon. Bien évidemment, l'augmentation des salaires en début de carrière aura un impact sur la suite de la carrière : il conviendra de procéder à des ajustements pour le milieu et la fin de carrière, car nous ne voulons pas que la courbe de progression soit plate.

C'est une perspective très concrète, et je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de faire passer ce message, car il y va de l'attractivité du métier d'enseignant, problème que vous avez tout à fait raison de mentionner. D'ailleurs, ces augmentations se font sous le titre de « prime d'attractivité ». Nous voulons que les jeunes aient envie de rejoindre l'éducation nationale. L'enjeu est, non seulement la rémunération, mais aussi le bien-être au travail, conformément aux douze engagements que j'ai pris à l'issue du Grenelle de l'éducation.

Madame Descamps, je reviendrai en détail, lors de la présentation du budget, sur la manière dont se décompose la hausse de 700 millions d'euros prévue pour 2022, mais sachez qu'elle permettra de financer deux grandes catégories de mesures. Il s'agira, d'une part, de mesures générales : l'augmentation de la prime d'attractivité de 267 euros ; l'aide accordée à tous les professeurs, quel que soit leur âge, pour adhérer à une mutuelle – cette mesure, qui concernera l'ensemble de la fonction publique, représente 200 millions sur les 700 millions. Il s'agira, d'autre part, de mesures catégorielles ou sectorielles, visant à améliorer le pouvoir d'achat dans des domaines prioritaires. Ainsi des mesures en faveur des directeurs d'école ou des AESH, auxquelles j'ai fait référence – celle en faveur des AESH correspond à 60 millions.

Je vous remercie, monsieur Bournazel, de votre propos liminaire – le soutien indéfectible que plusieurs d'entre vous expriment est fondamental pour nous ; c'est ce qui nous permet d'agir. Je vous remercie également d'avoir fait ce rappel concernant la laïcité et d'avoir fait part de ce que vous avez constaté sur le terrain dans le 18e arrondissement de Paris. Notre objectif final, absolu – le « Graal éducatif », si je puis dire –, est d'en finir avec l'écart entre les écoles des REP et REP+ et les autres. Or, j'ai souvent été amené à le dire au cours des dernières semaines, il est déjà atteint dans certains endroits – je ne dis pas qu'il l'est partout en France. J'ai ainsi vu, dans le 19e arrondissement, une école où le niveau des élèves en fin de CP était le même que dans le 7e arrondissement. Nous commençons à savoir comment réaliser notre objectif.

Avec le dispositif Devoirs faits, nous voulons toucher un collégien sur trois. Le dispositif e-Devoirs faits vise à prolonger cette action en milieu rural, pour tenir compte de l'éloignement des élèves et des contraintes liées au transport scolaire. Il importe de les toucher par de l'aide scolaire gratuite à la maison assurée par les professeurs du collège. Il est trop tôt pour connaître l'effet du dispositif, qui comprend, outre le prêt de matériel et d'un kit de connexion, l'encadrement par des professeurs ou des assistants d'éducation recrutés à cette fin. Le dispositif e-Devoirs faits a vocation à être déployé dans tout le pays au cours de cette année scolaire.

Dans le même esprit, nous avons accordé aux lycées un contingent additionnel d'heures supplémentaires équivalent à 1 500 ETP, pour que chaque établissement puisse apporter, en constituant des petits groupes de quinze, une aide spécifique aux élèves qui ont pris du retard du fait des circonstances sanitaires.

La question des équipements sportifs est effectivement très importante. Nous sommes très heureux que l'éducation nationale, la jeunesse et les sports relèvent désormais du même ministère. Je travaille main dans la main avec Roxana Maracineanu pour que cela se traduise par des évolutions concrètes pour les élèves, notamment pour qu'il y ait plus de sport à l'école. Cela passe par un travail avec les collectivités locales sur l'utilisation des équipements sportifs, soit dans le cadre scolaire, soit en dehors temps scolaire lorsqu'ils sont dans le périmètre d'un établissement.

Nous encourageons vivement la création d'équipements sportifs. Le plan de relance crée un contexte favorable, puisqu'il offre un appui aux collectivités locales pour la rénovation énergétique du bâti scolaire, qui peut parfaitement aller de pair avec le déploiement d'équipements sportifs. Il est néanmoins trop tôt pour connaître ses retombées en la matière.

Lors des Jeux olympiques de Tokyo, les équipementiers sportifs français ont été à l'honneur, notamment pour le volley-ball et les sports urbains, comme le basket à trois. Ils auront, selon moi, du travail dans le cadre du plan de relance. Il est parfois possible de faire des choses simples et rapides, y compris en milieu urbain, où l'espace est rare. Mme Calvez a en tête plusieurs exemples dans lesquels cet espace a été utilisé au mieux, au service des enfants, pour favoriser à la fois le sport et la pratique artistique.

Nous envisageons de nouvelles mesures pour accompagner les enfants malades, notamment le recours à de nouveaux équipements leur permettant de suivre des cours en téléprésence. Je m'exprimerai très prochainement à ce sujet.

Vous estimez, madame Ressiguier, que nos décisions sanitaires manquent de cohérence. Je pense que ce n'est pas le cas. Nous avons élaboré un protocole à quatre niveaux, que chacun peut consulter.

J'observe que le débat a beaucoup porté sur les détecteurs de CO2 et les purificateurs d'air, ce qui semble indiquer qu'il n'y avait guère lieu de discuter les autres éléments du protocole. La question mérite effectivement un débat, mais c'est loin d'être la plus importante dans la gestion de la crise sanitaire ; celle des vaccins et celle des tests le sont infiniment plus. Dès le début de la crise sanitaire, nous avons eu un débat de nature technique sur la pertinence de ces outils. Je vais répéter ce que j'ai déjà eu l'occasion de dire, à la lumière des éléments fournis par les autorités sanitaires.

Concernant les détecteurs de CO2, il n'y a aucune réserve. Il s'agit d'un appareil intéressant, qui permet de connaître la concentration de CO2 dans une pièce. Il est préférable d'en avoir un, mais ce n'est pas le remède à tout. Quelle que soit la pièce et quelle qu'y soit la concentration de CO2, il faut assurer un brassage de l'air, tout simplement en ouvrant les fenêtres. Nous avons encouragé la généralisation des détecteurs de CO2. Cela relève pleinement d'une compétence des collectivités locales, sur laquelle nous n'avons pas voulu empiéter. Les collectivités ont d'ailleurs manifesté, dès le début de la crise, leur volonté de jouer un rôle très actif en la matière, notamment pour acquérir des masques. Un détecteur de CO2 coûte quelques dizaines d'euros. Dans leur immense majorité, les collectivités ont tout à fait les moyens d'en acheter, et nous les avons incitées à le faire. J'ai été un peu surpris que la ville de Paris déclare ne pas être en mesure de le faire sans une aide de l'État, alors que son budget annuel s'élève à plus de 6 milliards d'euros, me semble-t-il. Les collectivités peuvent parfaitement exercer cette compétence. J'ai indiqué que, si elles avaient des problèmes de financement, les préfets avaient pour consigne de les aider.

La question des purificateurs d'air est beaucoup plus complexe. Du point de vue technique, tous les purificateurs d'air ne sont pas identiques, et il y a des débats sur leurs vertus. Certains purificateurs d'air sont utiles dans certaines circonstances, notamment dans une salle où il n'y a pas de fenêtre. Lorsqu'il y en a, rien n'est mieux que de les ouvrir. Dès lors, nous recommandons l'utilisation des purificateurs d'air, mais avec discernement. Les collectivités locales peuvent en acquérir, à la lumière des documents très précis que nous avons élaborés avec le ministère de la santé – vous pouvez d'ailleurs interroger mon collègue à ce sujet. Si elles ont des difficultés financières, nous sommes disposés à les aider – nous le faisons déjà aujourd'hui –, lorsque le projet est pertinent, sachant que nous raisonnons établissement par établissement. Certaines collectivités ont déjà engagé cette démarche.

Dans les pays que les uns ou les autres citent en modèle, c'est plutôt la France que l'on prend pour exemple. En Allemagne, on ne considère pas qu'on a fait mieux qu'en France, tant s'en faut, et il n'y a pas de purificateur d'air dans chaque école, la situation étant très hétérogène du fait du partage des compétences.

Vous m'avez aussi interrogé sur les projets à Marseille. Plusieurs d'entre vous, notamment les élus de Marseille, m'avaient alerté à ce sujet depuis 2017, et nous en avions beaucoup discuté, y compris dans l'hémicycle. Le Président de la République a engagé une démarche très volontariste, consistant à appuyer, de manière inédite, la municipalité de Marseille, notamment pour la rénovation du bâti scolaire. L'évaluation des montants et des modalités est en cours. Comme toujours en matière éducative, l'investissement matériel ira de pair avec un investissement immatériel ; il s'agit de développer des projets d'innovation pédagogique et éducative, pour profiter de ce très grand investissement. De nombreux directeurs et directrices d'école seront de véritables chefs de projet pendant la période de transition qui s'ouvre. Ils auront besoin de pouvoirs supplémentaires. Tel était le sens de l'intervention du Président de la République.

En évoquant la crainte d'une explosion des contaminations, monsieur Pancher, vous avez repris des termes qui étaient utilisés il y a trois ou quatre semaines. Je suis habitué aux propos de cette tonalité, et j'y réponds toujours avec une grande prudence, puisque, je le répète, nul ne sait ce qui peut arriver demain. Je vous invite à vous reporter à ce qu'on a dit à mon endroit chaque fois que j'ai essayé de garder la tête froide, notamment il y a trois ou quatre semaines. J'éprouve parfois, je ne vous le cache pas, une petite lassitude : lors de ces différentes polémiques, je ne pense pas vraiment avoir eu tort, ce qui n'empêche pas ceux qui les lancent d'en déclencher d'autres quelques semaines plus tard.

Voilà pourquoi j'insiste tant, notamment dans mon livre, sur la nécessité de retracer les polémiques passées. Certes, personne ne fait tout bien, mais certains débats devraient nous éclairer pour les débats suivants. D'abord, admettons tous, moi compris, que l'on ne peut jamais affirmer de choses certaines concernant l'avenir, qu'elles soient pessimistes ou optimistes ; on doit donc rester assez humble dans la manière d'envisager la suite. Néanmoins, cette humilité ne doit pas toujours nous conduire à prendre la précaution maximale, laquelle consisterait, pour certains, à fermer les écoles en permanence. J'assume complètement la position qui a toujours été la mienne : prendre la précaution maximale, mais pas au détriment de la scolarisation des enfants.

En mai 2020, nous avons rouvert les écoles tout en appliquant un protocole très strict. On m'a adressé alors de nombreuses critiques. Il n'en demeure pas moins que c'est cette option qui nous a permis d'agir comme nous l'avons fait. La situation actuelle est analogue à celle que nous avons connue il y a un an à la même époque, mais chacun peut constater qu'elle est aussi beaucoup plus favorable, notamment grâce au vaccin.

Je prête une grande attention à l'avis du Conseil scientifique auquel vous avez fait référence, notamment à la politique de dépistage qui y est préconisée. Les tests ont été un grand pilier de la stratégie que nous avons appliquée l'an dernier pour maintenir les écoles ouvertes. Mais tester les enfants de manière massive et répétée n'a pas que des avantages : la Société française de pédiatrie signale que cela peut être compliqué, voire anxiogène. Nous devons être capables de le faire dans certains territoires, lorsque la circulation du virus se révèle particulièrement forte ; telle est notre préconisation. Bien évidemment, nous dialoguons avec les autorités sanitaires sur ce point. En tout cas, chacun peut constater qu'il n'y a pas eu d'explosion des contaminations, ni à l'école ni dans la société française : contrairement à ce que certains prédisaient, le taux d'incidence n'a pas rebondi du fait de la rentrée scolaire. Il importe de le rappeler et de garder, pour les temps qui viennent, toute la sérénité et la prudence nécessaires.

À propos de la campagne sur la laïcité, monsieur Pancher, vous avez employé le terme « tollé ». Il y a bien eu un tollé chez ceux qui se sont exprimés de la sorte, mais pas chez tout le monde. Après l'assassinat de Samuel Paty, deux choses ont été réclamées, y compris par vous-même : parler de la laïcité aux élèves de manière plus concrète ; mieux former les professeurs. Sur la question de la formation des professeurs, j'ai commandé un rapport à M. Jean-Pierre Obin, inspecteur général honoraire. Ce rapport m'a été remis, et je le suis en ce moment à la lettre, pour que tous les professeurs soient effectivement formés.

À l'appui de la première demande, on évoque sans arrêt une sorte de fossé générationnel : les plus jeunes ne verraient plus très bien ce qu'est la laïcité. Or le sens de cette campagne a été tout simplement de leur montrer concrètement, de manière directe ou indirecte, ce que signifie la laïcité, à savoir la création d'un cadre commun républicain dans lequel tous peuvent vivre ensemble harmonieusement, l'État observant une neutralité vis-à-vis des religions. Je le dis très clairement et très solennellement, monsieur Pancher, je n'ai jamais abordé ces sujets par la race. J'observe que le tollé en question a souvent été le fait de l'extrême droite ou de l'extrême gauche, qui ont, ces derniers temps, une obsession à ce sujet.

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