Il y a quarante ans, la loi Lang instaurait le prix unique du livre, dont nous pouvons tous mesurer les effets sur la diversité éditoriale mais aussi sur la densité de notre réseau de distribution du livre.
Cette proposition de loi de Mme la sénatrice Laure Darcos comprend de nombreuses dispositions et s'attaque, comme la loi Lang, à une distorsion de concurrence qui nuit à la vitalité des circuits de distribution du livre et, donc, à la lecture. S'opposent ainsi, d'une part, la quasi-gratuité des frais de livraison des livres lorsqu'ils sont commandés sur certaines plateformes de vente en ligne et, d'autre part, les tarifs dont « bénéficient » les libraires indépendants pour leurs envois. Les frais d'expédition qu'ils offrent ou facturent à leurs clients rognent leurs marges, déjà faibles.
Si la loi de 2014 a permis d'encadrer les conditions de la vente à distance des livres en interdisant la gratuité de la livraison, ce dispositif, contourné, est insuffisant, alors même que la part des achats de livres sur internet s'élève à plus de 20 %.
L'instauration d'un montant minimum de frais d'envoi aura principalement trois effets bénéfiques. Tout d'abord, une telle mesure encouragera encore davantage le retour des consommateurs dans les librairies, où l'on entre parfois sans savoir exactement ce que l'on cherche, ou alors parce que l'on souhaite un conseil. Près de 60 % des clients de la principale plateforme, que je ne nommerai pas, habitent dans des villes de plus de 20 000 habitants. Ensuite, pour ceux qui ne peuvent pas se déplacer ou qui n'ont pas de librairie à proximité, le texte favorisera la commande en ligne sur les sites des libraires indépendants, dans le cadre de livraisons à domicile ou du click and collect. Des sites existent : encourageons-les et encourageons les libraires à les utiliser ! Certes, tous n'ont pas vocation à développer la vente en ligne mais nous garantirons à ceux qui le souhaitent de ne pas subir de distorsion de concurrence. Enfin, nous pouvons espérer que la tarification minimale des services de livraison permettra de limiter le nombre de commandes, en incitant les lecteurs à les grouper, et ainsi de réduire le coût environnemental. Il n'est décemment pas possible de multiplier les commandes à l'unité quand on peut attendre quelques jours.
Le groupe La République en marche défendra un amendement qui demande au Gouvernement de remettre un rapport, dans un délai de deux ans, sur les effets de ce dispositif non seulement sur le marché du livre et sur le réseau des détaillants mais aussi sur l'accès du public à l'achat de livres, et qui permettra d'analyser les effets de bord ou les pratiques de contournement.
Il est temps d'agir. Nous avons pu constater la capacité d'adaptation des libraires mais aussi leurs fragilités. Nous n'avons jamais autant parlé d'eux qu'en 2020, la crise sanitaire ayant montré combien les Français leur sont attachés. La baisse de leur chiffre d'affaires a été limitée, le Gouvernement leur a apporté un soutien sans précédent, et les expéditions de livres ont explosé pendant les deux mois au cours desquels l'État a pris en charge les frais d'envoi : en novembre 2020, elles ont augmenté de 508 % par rapport au même mois de l'année précédente.
Cette proposition de loi, bienvenue, permettra de réaffirmer le soutien des Français, du Gouvernement et des parlementaires à la filière du livre et de rétablir une forme d'équité avec les plateformes de vente. Parce qu'elle permettra aussi aux communes et aux intercommunalités d'attribuer des subventions aux librairies indépendantes, qu'elle confortera la réforme du contrat d'édition, et donc les relations entre auteurs et éditeurs, qu'elle élargira la saisine du Médiateur du livre et qu'elle améliorera la procédure du dépôt légal numérique, le groupe La République en marche, sous réserve des débats qui vont avoir lieu, votera en sa faveur.