Les livres, comme les librairies, font partie intégrante de notre patrimoine et de notre identité. C'est une exception française qui a trouvé un nouvel écho lors de nos débats passionnés sur l'ouverture des librairies pendant le confinement.
Nous célébrons cette année, on l'a dit avant moi, le quarantième anniversaire de la loi Lang du 10 août 1981. Ce texte a marqué notre histoire parce qu'il a constitué, avec la création du prix unique du livre, le premier jalon de la politique de soutien de l'État à ce secteur.
La première phrase de l'exposé des motifs de ce projet de loi a déjà été citée : « la diffusion du livre connaît depuis quelques années une mutation commerciale dont les conséquences sont loin d'être neutres sur le plan culturel ». Il s'agissait alors de l'émergence des grandes surfaces et des services de vente par correspondance. Il n'échappe à personne que l'économie du livre se caractérise actuellement par de nouvelles mutations, notamment le développement du e-commerce, dont la part de marché est passée de 2,2 % à 21 % en vingt ans.
Cette évolution n'est pas neutre, parce qu'acheter un livre en librairie constitue une expérience : on parle avec le libraire, on regarde les différents livres, et généralement on ressort avec des ouvrages qu'on n'avait pas prévu d'acheter. Quand on commande sur internet, on sait déjà, en général, ce qu'on veut, et s'il arrive qu'on achète autre chose, c'est souvent en étant guidé par les algorithmes des plateformes, qui orientent vers tel ou tel produit. On peut mesurer très concrètement ce phénomène : en novembre 2019, 150 000 références différentes étaient vendues en France ; lors du second confinement, en novembre 2020, le chiffre a été divisé par trois.
Cette donnée montre qu'il est important de préserver nos librairies en assurant, au moins, une concurrence équilibrée entre les diverses formes de commerce. Tel est l'objectif de l'article 1er de la proposition de loi, qui permettra au Gouvernement d'établir une tarification minimale des frais de port. La livraison gratuite, offerte par certains géants du numérique, est une pratique que nous devons encadrer parce qu'elle tue les librairies.
Le présent texte donnera également aux communes et aux EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) la possibilité d'accorder, dans certaines limites, des subventions aux librairies indépendantes. C'est une autre mesure attendue et justifiée. Au-delà des produits qu'ils offrent, les commerces, notamment les librairies, sont des vecteurs de lien social et d'animation des centres-villes. Le fait de les soutenir dépasse donc la question de la concurrence entre les formes de commerce : c'est aussi un choix de société.
Par ailleurs, le texte tend à modifier les contrats d'édition pour faciliter les relations entre les auteurs et les éditeurs. Il clarifiera les règles concernant le droit d'auteur et étendra les possibilités de saisine du Médiateur du livre. Les mesures proposées sont le fruit de concertations entre les représentants professionnels des auteurs et des éditeurs. On peut se réjouir que le dialogue ait fonctionné.
La proposition de loi ne se limite pas au secteur du livre. L'article 5 prévoit, en effet, une modernisation des règles du dépôt légal des œuvres, qu'il faut adapter au numérique. Une évolution est nécessaire car le monde a changé depuis la création, en 2006, du dépôt légal numérique. Cet article du texte a été travaillé avec les organismes dépositaires, qui se heurtent à des blocages dans leur travail de conservation patrimoniale.
Je salue, pour terminer, l'excellent travail de Mme la sénatrice Laure Darcos, qui a rédigé cette proposition de loi et dont l'engagement au service du livre est connu. Le groupe Agir ensemble soutiendra sans réserve ce texte ambitieux, qui permettra de réaliser des avancées concrètes en faveur de l'ensemble des acteurs de l'économie du livre – libraires, auteurs, éditeurs et conservateurs.