Intervention de Roch-Olivier Maistre

Réunion du mardi 12 octobre 2021 à 17h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Roch-Olivier Maistre, président du CSA :

Je vous remercie pour l'ensemble de vos questions.

Concernant le projet de rapprochement entre les groupes TF1 et M6, j'aimerais tout d'abord dire à Mme Michèle Victory que le CSA et son président n'ont, à ce stade, pris aucune décision sur ce dossier dont l'instruction débute. Nous avons été saisis. Nous ne disposons pas encore de la totalité des éléments relatifs à ce dossier. Tant que cette instruction n'est pas approfondie et que le collège n'a pas délibéré, il n'existe pas de position prise a priori par le CSA. Je souhaite qu'il n'y ait aucune ambiguïté sur le fait que le CSA délibérera collégialement, de façon indépendante et en toute impartialité.

Deux autorités sont saisies de ce dossier : l'Autorité de la concurrence et le CSA. Nous disposons en effet de deux compétences particulières. Premièrement, la loi nous confie la mission d'agréer les changements de contrôles capitalistiques des éditeurs titulaires d'une autorisation. Deuxièmement, un aspect de la procédure est lié à l'échéance, en mai 2023, des autorisations hertziennes des groupes TF1 et M6.

L'instruction a donc débuté. Nous avons entamé un premier cycle d'auditions avec l'ensemble des acteurs, très nombreux, concernés par ce dossier pour recueillir leurs premières réactions. Nous aurons d'ailleurs l'occasion de leur adresser des questionnaires pour recueillir leurs analyses très précises. Nous serons saisis pour avis par l'Autorité de la concurrence, probablement vers la fin de cette année ou le début de l'année prochaine. Nous ferons connaître à l'Autorité notre avis, sans doute vers la fin du premier trimestre 2022. L'Autorité elle-même n'a pas encore donné d'indications très précises sur son calendrier de décisions. Néanmoins, nous avons cru comprendre que sa décision pourra intervenir à l'approche de l'été 2022. Une fois que l'Autorité se sera prononcée sur ce projet, nous aurons à statuer sur le changement de contrôle en fonction de l'instruction menée.

Notre approche est celle que pose la loi du 30 septembre 1986. En effet, le pluralisme, au sens large du terme et toujours vu dans l'intérêt du public, constitue notre fil rouge. Cette pluralité concerne aussi bien les acteurs, les offres, les sources de financement de la production que les courants de pensées et d'opinion. Nous ne nous désintéressons pas, par ailleurs, du volet économique du dispositif. La régulation a une dimension de plus en plus économique dans la voie que nous mettons en œuvre. Dans cette instruction, nous serons très attentifs aux équilibres généraux du secteur, même si l'Autorité de la concurrence aura un regard particulier du fait de son champ de compétences. Cette procédure, constituée de deux approches parallèles qui se croiseront, sera menée avec transparence et collégialité.

Concernant le projet d'OPA du groupe Vivendi sur le groupe Lagardère, le processus sera sans doute de même nature, avec un calendrier un peu décalé d'après le communiqué d'annonce de Vivendi. Une démarche sera menée en direction des autorités de concurrence, probablement européennes compte tenu des problématiques particulières du rapprochement potentiel entre Hachette et Editis. Nous ne savons pas à quel moment nous serons saisis au sujet d'un éventuel changement de contrôle des éditeurs relevant du groupe Lagardère, liés au CSA par une convention. Cette saisine aura probablement lieu plus tard dans l'année 2022.

Ces deux mouvements sont très importants et lourds d'enjeux. Nous en pèserons tous les termes avant de statuer.

Le pluralisme est au cœur de notre vie démocratique. Je rappelle d'abord que la préservation du pluralisme des courants de pensée et d'opinion est un principe constitutionnel dans notre pays. Le Conseil constitutionnel a eu l'occasion de rappeler que ce principe est consubstantiel à notre débat démocratique. La loi oblige les médias audiovisuels à nous communiquer tous les mois les temps de parole des personnalités politiques. Ces dernières ne sont pas seulement celles qui détiennent un mandat électif mais également celles qui sont engagées dans la vie politique. La loi contraint les médias audiovisuels à assurer l'équilibre en fonction des poids et des formations politiques au sein des assemblées parlementaires ainsi que d'une pluralité d'indicateurs.

Nous exerçons ce contrôle tout au long de l'année. Hors période électorale, nous réalisons trimestriellement un point d'équilibre de ces données afin de nous assurer du respect de ce pluralisme. Ces données sont à la fois publiées sur le site du CSA et communiquées aux présidents des assemblées parlementaires et aux présidents des groupes politiques, leur permettant de se manifester auprès du CSA. Presque chaque semaine, je reçois le responsable d'une formation politique pour un motif d'insatisfaction au regard d'une situation observée. Le Conseil peut être amené à intervenir périodiquement auprès d'un média afin de rééquilibrer les situations.

Ce dispositif se renforce naturellement en période électorale puisque la loi prévoit que, pour chaque élection, nous prenons une recommandation particulière pour fixer les règles qui seront applicables. Nous publierons très prochainement la recommandation que nous venons d'adopter pour la prochaine élection présidentielle.

Cette recommandation prendra effet au 1er janvier 2022 et comportera trois périodes. Tout d'abord, l'équité sera le principe qui gouvernera la première période, s'étendant du 1er janvier jusqu'à la publication officielle de la liste des candidats par le Conseil constitutionnel. Ensuite, l'équité renforcée – prenant en compte les conditions de programmation – sera le principe de la deuxième période, allant de la publication de la liste des candidats jusqu'au démarrage de la campagne officielle. Enfin, l'égalité stricte sera le principe de la troisième période, qui recouvre la campagne officielle. Durant toute la période de campagne, à partir du 1er janvier, seront pris en compte non seulement les temps de parole, mais également les temps d'antenne consacrés à chacun des candidats. En dehors des périodes électorales, comme actuellement, seuls les temps d'expression des personnalités politiques sont comptabilisés. C'est la règle actuellement en vigueur.

J'ai eu l'occasion d'écrire au président Jean-Luc Mélenchon sur ce sujet. Il me semble que l'esprit de ce dispositif n'est évidemment pas de traiter inéquitablement les formations politiques en utilisant des horaires singulièrement décalés pour satisfaire les obligations du pluralisme. Nous avons déjà eu l'occasion d'effectuer des rappels auprès des médias. Monsieur Larive, votre groupe nous a alertés sur un cas particulier. Nous effectuerons, probablement à la fin du mois de novembre, un bilan du trimestre en cours. Nous analyserons la situation des différentes formations politiques. Si nous constatons ce que vous évoquez, nous interviendrons auprès des chaînes en question. Je réunis d'ailleurs prochainement les rédactions. Je serai donc amené à évoquer ce sujet avec vous.

Madame Kuster, notre comptabilisation du pluralisme politique ne porte que sur les temps d'expression des personnalités politiques. Concernant la personne que vous avez citée, nous recensons ses temps de parole, communiqués par les médias audiovisuels, depuis le 8 septembre. Nous les vérifierons et nous ferons le point vers la fin du mois de novembre. Cependant, nous ne comptabilisons naturellement pas les interventions des journalistes ou des éditorialistes à son sujet. Vous citez les nombreuses interventions sur cette personnalité, qui sont pour l'essentiel des commentaires de journalistes ou d'éditorialistes aux propos de l'intéressé. En l'état actuel des textes, le CSA ne peut pas les comptabiliser. Les chaînes sont libres de choisir leurs invités et d'émettre les commentaires qu'elles souhaitent, au titre de leur liberté éditoriale. La règle sera simplement modifiée au moment où démarrera la campagne présidentielle.

Concernant les ressources publicitaires de Radio France, ce point avait effectivement été soulevé par la Cour des comptes lors de son précédent contrôle de la société. Le CSA avait souligné auprès du Gouvernement qu'une ambiguïté devait être levée quant à la nature des revenus publicitaires prises en compte dans le calcul du plafond. Un débat existait en effet entre les publicités stricto sensu et les messages d'intérêt général. Ce point figure dans le dernier COM conclu avec les entreprises de l'audiovisuel public. Nous serons naturellement très vigilants dans notre contrôle au titre de l'exercice 2021 sur le respect du plafond de 42 millions d'euros. Bien évidemment, nous effectuerons une observation au Gouvernement si nous constatons un dérapage. Néanmoins, ce n'est pas le CSA qui fixe les ressources et exerce la tutelle. Nous sommes simplement en mesure de signaler nos constats à la représentation nationale, aux groupes et au Gouvernement.

Par ailleurs, le CSA exerce un contrôle concernant les parrainages sur les antennes de France Télévisions. Le cas échéant, nous formulerons des observations sur ce sujet.

Une mise en demeure concernait une intervention relative au traitement contre la Covid-19 dans l'émission « Les Grandes Gueules », reprise sur RMC et sur RMC Story. Le CSA a constaté un défaut d'honnêteté et de rigueur dans l'information donnée au public sur un sujet préoccupant.

Le CSA est très attentif au sujet des comités d'éthique. Certains rappels ont été effectués auprès d'éditeurs dont les comités d'éthique n'avaient pas été reconstitués à l'occasion de fin ou de renouvellement de mandat. Le CSA a instauré des réunions périodiques avec les comités d'éthique, afin de permettre un dialogue plus direct.

Concernant les médias d'opinion, je rappelle que la loi de 1986 affirme la liberté éditoriale des chaînes, tenues de respecter le pluralisme politique. Elles sont libres d'organiser leurs plateaux, émissions et débats. Le CSA est néanmoins attentif au respect de la loi et des conventions conclues avec les éditeurs. En cas de manquement, nous sommes amenés à prononcer une mise en demeure ou, le cas échéant, à entamer une procédure de sanction.

La préfiguration du rapprochement entre le CSA et la Hadopi est quasiment en phase de finalisation. L'organigramme de la nouvelle entité ARCOM est définie. Les responsabilités entre les agents issus des deux maisons sont également déterminées. Un dialogue étroit a été mené avec les représentants du personnel afin que le rapprochement ait lieu en bonne intelligence. En outre, un baromètre social a été instauré pour interroger périodiquement l'ensemble des équipes du CSA et de la Hadopi. Je pense pouvoir vous dire que nous serons à pied d'œuvre dès le 1er janvier. Les propositions budgétaires soumises au Parlement en termes d'emplois et de ressources nous semblent de nature à porter les missions qui nous sont confiées au titre de l'année 2022.

Concernant les COM, la coopération entre les entreprises du service public doit faire l'objet d'une certaine vigilance. En France, le service public est très puissant mais éclaté entre des entreprises distinctes et autonomes. L'exécutif a souhaité inscrire dans les COM un principe de coopération renforcée entre ces acteurs. Le CSA a observé que cette collaboration volontaire peut fonctionner mais aussi rencontrer des limites. Si nous voulons organiser plus efficacement cette convergence entre ces entreprises, la question du pilotage de cette coopération est posée. De même, un travail d'harmonisation doit être effectué sur les indicateurs entre les différentes entreprises de l'audiovisuel public afin que l'approche soit plus homogène.

La récente publication du décret d'application du texte sur la protection des mineurs nous donne des outils juridiques pour faire appliquer la loi. Nous effectuerons les constats requis auprès des acteurs pour voir s'ils se conforment au texte. Nous disposons de plusieurs outils : la formulation de lignes directrices à destination de ces acteurs, la mise en demeure et, en cas d'absence de mise en conformité, la saisine du président du tribunal judiciaire de Paris pour demander la suspension de ces sites.

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