COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION
Mardi 12 octobre 2021
La séance est ouverte à dix-sept heures quinze.
(Présidence de M. Bruno Studer, président)
La commission auditionne M. Roch-Olivier Maistre, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), sur le rapport annuel 2020.
Mes chers collègues, je souhaite, en votre nom à tous, la bienvenue à M. Roch-Olivier Maistre, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) pour la présentation du rapport 2020 du Conseil.
Monsieur le président, chaque année, ce rendez-vous est l'occasion pour les membres de la commission d'échanger avec le régulateur de l'audiovisuel sur l'actualité et les perspectives du secteur. Cet échange fut riche ces dernières années, en particulier l'année dernière. L'année à venir s'annonce au moins aussi riche du côté du régulateur.
En effet, cette audition sera la dernière de ce type pour la quinzième législature mais également le dernier échange avec le président du CSA puisqu'à partir de l'an prochain, le CSA fusionnera avec la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et pour la protection des droits sur internet (Hadopi) afin de constituer l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), comme le prévoit le projet de loi que nous avons adopté définitivement le 29 septembre dernier. Cette adoption marque l'aboutissement d'un long processus de modernisation du cadre législatif et règlementaire de la communication audiovisuelle et numérique dans notre pays. Nous y sommes parvenus, malgré les difficultés et contretemps.
L'ARCOM, régulateur intégré et indépendant, disposera de compétences renforcées, adaptées au nouvel environnement numérique mondialisé dans lequel évoluent les acteurs des médias et leurs publics.
Concernant ces nouvelles compétences, trois ans après la loi du 22 décembre 2018 relative à la manipulation de l'information, quel bilan pouvez-vous dresser de son application ? Le dispositif mériterait-il d'évoluer, d'après vous ? Bien entendu, il ne s'agit pas d'hypothéquer l'éventuel travail d'évaluation mené par l'Assemblée nationale.
Par ailleurs, quels sont les premiers enseignements que vous tirez de la mise en œuvre du pôle numérique commun, constitué en mars 2020 avec l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) autour de la protection des mineurs ? Existe-t-il des manques dans l'arsenal juridique dont vous disposez ?
Permettez-moi de vous demander également de réagir par rapport aux dernières évolutions et tentatives de régulation de l'accès des plus jeunes à la pornographie.
Concernant la fusion avec la Hadopi, prévue au 1er janvier 2022, comment l'opération se présente-t-elle ?
Enfin, vous avez appelé, avec beaucoup d'entre nous, à une réforme de la contribution à l'audiovisuel public. Quels principes doivent la guider ?
Monsieur le président, je vous cède la parole.
Je vous remercie de votre invitation et de votre accueil.
Ce bilan 2020 porte sur une année que personne n'aurait pu anticiper, ou même imaginer. Je ne m'attarderai pas trop longtemps sur les conséquences de la crise sanitaire pour l'univers des médias car j'ai eu l'occasion de vous présenter notre analyse et la façon dont nous avons accompagné cette crise. J'insisterai davantage sur les chantiers menés à bien par le CSA – malgré ce contexte inédit – en continuant à assumer pleinement ses missions, y compris au niveau territorial grâce à l'activité des seize comités territoriaux de l'audiovisuel (CTA). Je salue devant vous le travail de l'ensemble des équipes du CSA et des membres de notre collège.
Cette audition m'offre l'occasion de mettre en perspective l'évolution de la régulation depuis ma prise de fonction, il y a presque trois ans. Désormais quasiment à mi‑mandat, je préside aujourd'hui une institution qui vit une période charnière de son histoire. En effet, cette institution deviendra l'ARCOM au 1er janvier prochain. Ces trois années ont été marquées par des changements très importants pour le paysage audiovisuel et par une extension sans précédent de notre champ de régulation. En effet, depuis ma prise de fonction, sept textes législatifs ont intéressé directement l'institution, ce qui est considérable pour une autorité comme la nôtre. J'aimerais partager avec vous notre feuille de route pour la seconde partie de mon mandat.
Je n'oublie pas que, tout indépendante que soit notre institution, celle-ci se doit tout naturellement de rendre compte de son action et de ses orientations auprès de la représentation nationale. Nous avons à cœur de le faire en toute transparence. Je veux vous dire à quel point, depuis trois ans, je suis sensible à la confiance et à l'intensité des échanges tissés avec votre commission, mais aussi avec les nombreuses missions parlementaires nous ayant sollicités pour des auditions.
En 2020 et malgré l'impact massif de la crise sanitaire, le CSA a réussi à poursuivre son activité et ses missions, et même à finaliser d'importants chantiers.
L'épidémie de Covid-19 a bien sûr bouleversé nos conditions d'exercice et l'activité de nos principaux interlocuteurs du secteur audiovisuel. Nous avons pu prendre la mesure des effets de cette crise en publiant à intervalle régulier un Baromètre des effets de la crise, qui nous a permis d'objectiver les conséquences de cette épidémie, de suivre ces effets et de proposer des mesures d'accompagnement adaptées. Je pense par exemple à l'aide temporaire accordée à la diffusion hertzienne, faisant partie des propositions reprises en totalité ou en partie par les pouvoirs publics.
Nous avons pu poursuivre d'importants projets dans notre activité traditionnelle de régulation, en accompagnant la modernisation de la diffusion hertzienne et les transformations du paysage audiovisuel.
Pour les radios, nous avons publié la nouvelle feuille de route de la bande FM, qui est très largement saturée. Nous allons poursuivre le déploiement du DAB+, soit la radio numérique terrestre. Cette dernière a connu une étape particulièrement importante le 12 octobre avec le lancement de deux multiplexes métropolitains qui permettront la diffusion de 25 radios nationales sur l'axe Paris-Lyon-Marseille et sur toutes les agglomérations entourant cet axe, avant de s'étendre sur l'ensemble du territoire. Dans les semaines ou mois à venir, 465 radios seront disponibles sur le DAB+, qui couvrira 40 % de la population. Nous pensons atteindre 50 % de la population dès l'année prochaine.
Pour les télévisions, nous avons continué la modernisation de la télévision numérique terrestre (TNT), avec des étapes importantes en matière de signatures de conventions. Nous avons renouvelé l'autorisation hertzienne du groupe Canal+ et le mandat de Mme Delphine Ernotte-Cunci à la présidence de France Télévisions. Ces étapes prolongent une année 2019 déjà très riche en projets, notamment avec la création de la plateforme Salto.
Les décrets du 5 août 2020 ont également permis, à la suite de l'avis du CSA, de réformer le régime devenu obsolète des « jours interdits » afin de libéraliser la diffusion de films de cinéma à la télévision, d'expérimenter la publicité en faveur de ces films et d'ouvrir la publicité ciblée aux médias télévisuels, source de nouveaux relais de croissance pour les acteurs du secteur.
Concernant les services de médias audiovisuels à la demande (SMAD), une étape décisive a été franchie l'année dernière, avec la publication de l'ordonnance du 21 décembre 2020 transposant la directive sur les services de médias audiovisuels (SMA). Ce texte très important vise à mettre un terme aux asymétries concurrentielles en matière de soutien financier à la production, devenues à la fois intenables et injustifiables. Les plateformes de vidéo à la demande qui ciblent notre pays sans y être implantées – Netflix, Amazon Prime, Disney + ou Apple TV – sont désormais intégrées au dispositif de financement de la création. Le décret d'application de cette directive a été publié en juin 2021. La conclusion des conventions avec les acteurs concernés doit avoir lieu avant la fin du mois d'octobre. Nous leur avons fait parvenir un premier projet de convention. Ce texte constitue une étape très importante de la modernisation du système de financement de la création, qui sera complété prochainement par la révision des décrets dits « TNT » et « Cabsat » et vraisemblablement par l'évolution de la chronologie des médias.
À cet égard, lors de son audition devant votre commission, Mme Ernotte‑Cunci a évoqué la visibilité des services d'intérêt général sur les interfaces utilisateurs des opérateurs technologiques, un point évoqué dans la directive SMA. Ce dossier est naturellement suivi de très près par le CSA. Nous attendons le décret d'application de ce texte, qui définira le périmètre des opérateurs concernés. Toutefois, en anticipation, nous commençons à préparer les mises en œuvre de cette disposition.
L'année écoulée a permis des avancées concernant le volet sociétal de la régulation.
En matière de handicap, nous avons signé une charte avec l'ensemble des acteurs de l'audiovisuel en faveur d'une meilleure représentation des personnes en situation de handicap en 2019 et publié un guide de l'audiodescription en 2020.
En matière de protection des publics et des mineurs, nous avons diffusé les campagnes « Enfants et écrans » et communiqué autour de l'importance de la signalétique jeunesse.
Concernant la place des femmes dans les médias, nous avons contribué aux travaux de la mission conduite par Mme la députée Céline Calvez sur la place des femmes dans les médias, avec une étude particulière conduite en juin 2020. En outre, nous avons poursuivi notre dialogue avec les éditeurs sur ce thème qui nous tient particulièrement à cœur.
Enfin, en matière d'éducation aux médias et à l'information, nous avons signé en 2020 deux conventions avec le ministère de l'Éducation nationale et publié un kit pédagogique sur l'éducation aux médias et à l'enseignement à destination des personnels de l'enseignement, élaboré en collaboration avec l'académie de Créteil.
La déontologie des programmes constitue un volet important de l'action du CSA. Au cours de l'année 2020, nous avons instruit 109 dossiers, parmi lesquels 93 concernaient les services de télévision et 16 les éditeurs de radio. Sur ces 109 dossiers, le CSA est intervenu sept fois et a envoyé deux mises en demeure. Je profite de cette audition pour rappeler que la loi que nous mettons en œuvre est fondamentalement une loi de liberté, principe que nous veillons évidemment à respecter.
L'année 2020 a été, pour le CSA, une année pivot dans le déploiement de la nouvelle régulation des plateformes en ligne, qu'a bien voulu nous confier le législateur. Cette régulation se déploie en trois volets.
Le premier volet concerne la lutte contre la manipulation de l'information, avec la loi du 22 décembre 2018 qui impose aux plateformes de contenus des obligations de moyens pour lutter contre la manipulation de l'information. Cette mission est supervisée par le CSA. Nous avons publié en juillet 2020 notre premier bilan d'application de cette loi. Notre deuxième rapport a été présenté à la presse il y a une quinzaine de jours.
Le deuxième volet est relatif à la lutte contre la haine en ligne. La loi Avia du 24 juin 2020 a confié au CSA une nouvelle compétence en la matière : la responsabilité d'accueillir un observatoire de la haine en ligne, installé à l'automne 2020, qui s'est réuni à plusieurs reprises. Plus récemment, la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a accru nos compétences, en imposant aux plateformes de contenus et aux réseaux sociaux des obligations de moyens et de transparence que nous aurons vocation à superviser. Nous attendons un décret d'application qui fixera le seuil de visiteurs déterminant la liste des plateformes concernées.
Le troisième volet concerne la protection des publics et notamment des mineurs. Deux textes de loi importants ont été votés en 2020. Tout d'abord, la loi du 30 juillet 2020 visant à lutter contre les violences conjugales prévoit que le CSA vérifie le respect par les éditeurs de sites pornographiques de l'interdiction d'accès des mineurs à leurs services. Le décret d'application a été publié le 8 octobre, ce qui permettra d'enclencher les dispositions prévues par ce texte. En outre, la loi du 19 octobre 2020 relative aux enfants youtubeurs, dite loi Studer, impose aux plateformes de partage de vidéo d'adopter des chartes pour protéger le droit à l'image des moins de 16 ans. Nous travaillons actuellement avec les plateformes sur la charte prévue par ce texte, que nous pensons pouvoir adopter avant la fin de l'année 2021.
Sept textes sont donc intervenus dans notre champ d'action en moins de trois ans pour élargir nos missions et enrichir notre régulation. Je vous exprime notre reconnaissance quant à cette confiance du législateur, qui nous honore. Nous avons conscience de la responsabilité qui s'attache à la mise en œuvre de ces textes.
Pour ce faire, notre organisation interne a été adaptée. Nous avons tout d'abord créé une direction des plateformes en ligne, qui constitue au quotidien l'interlocutrice des acteurs concernés par cette nouvelle régulation. Le collège du CSA a également été renouvelé au cours de l'année. En effet, nous avons accueilli deux nouveaux membres : M. Benoît Loutrel, ancien directeur général de l'Arcep, désigné par le président de l'Assemblée nationale ainsi que Mme Juliette Théry, ancienne directrice juridique de l'Autorité de la concurrence, désignée par le président du Sénat. Plus récemment, sur proposition du président de l'Assemblée nationale, nous avons accueilli Mme Anne Grand d'Esnon, nommée à la suite du décès tragique et brutal de notre collègue Michèle Léridon, qui s'était fortement investie sur les différents chantiers déployés en 2020, notamment en matière de lutte contre la manipulation de l'information. Je profite de cette audition pour rendre un hommage particulier à cette grande figure du journalisme et cette collègue unanimement appréciée.
Je souhaite vous dire désormais quelques mots de nos chantiers d'avenir, pour partager avec vous les priorités de notre agenda dans les mois qui viennent.
Notre chantier prioritaire à court terme concerne bien sûr la création de l'ARCOM au 1er janvier 2022. Le texte a été adopté par le Parlement. Il est maintenant devant le juge constitutionnel. Nous espérons une promulgation rapide de la loi car les équipes du CSA et de la Hadopi préparent activement la fusion depuis de nombreux mois, dans un excellent climat de travail.
L'organisation de l'ARCOM a été pensée afin que les deux institutions mêlent pleinement leurs compétences et porte une politique publique renouvelée et renforcée. À nos yeux, cette institution a vocation à incarner le nouveau modèle de régulation audiovisuelle et numérique que nous essayons de mettre en place. Nous souhaitons une régulation à la fois plus à l'écoute des Français et de leurs préoccupations mais aussi résolument engagée dans la défense des libertés d'expression et de création. Nous n'oublions jamais que nous sommes au cœur de la liberté de communication, l'un des biens les plus précieux de l'humanité selon la belle expression de Mirabeau.
Ce changement majeur dans la vie de notre institution s'accompagnera d'une adaptation de notre organisation. Un nouvel organigramme et un cadre détaillé ont été présentés aux personnels des deux autorités. En outre, notre collège sera complété avant le 1er janvier 2022 de deux membres supplémentaires. L'un des membres sera désigné par le président du Conseil d'État tandis que l'autre sera désigné par la première présidente de la Cour de cassation.
Nous aurons à mettre en œuvre les nouvelles compétences votées en matière de lutte contre le piratage. Nous commençons à nous atteler à cette réflexion. Ce nouveau texte de loi engendre une approche nouvelle en la matière. Je présiderai donc, dans quelques mois, une institution qui sera, comme dans le poème de Verlaine, « ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre ».
En plus de ces nouvelles missions à mettre en œuvre, l'ARCOM aura des dossiers significatifs à traiter dans les semaines et mois à venir.
L'année 2022 sera une année électorale, qui mettra fortement à profit la compétence que nous tirons de l'article 13 de la loi du 30 septembre 1986, qui est d'assurer le respect de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion dans les médias audiovisuels.
Nous publierons très prochainement, après consultation du Conseil constitutionnel, notre recommandation aux médias en vue de l'élection du Président de la République au mois d'avril 2022. D'ici la fin de l'année, nous serons déjà mobilisés par la troisième consultation référendaire en Nouvelle-Calédonie, pour laquelle nous détenons des responsabilités particulières.
L'élection présidentielle de 2022 se déroulera en parallèle de la présidence française de l'Union européenne. Les éditeurs et l'ARCOM devront veiller à ce que l'attention portée à la présidence française de l'Union européenne soit conciliée avec les principes d'équité puis d'égalité qui régiront l'accès à l'antenne des différents candidats pendant la durée de la campagne électorale.
Par ailleurs, l'ARCOM devra veiller à accompagner les évolutions, voire révolutions, du paysage audiovisuel. Nous sommes saisis d'un projet de rapprochement des groupes TF1 et M6 d'une part, et d'une offre publique d'achat de Vivendi sur le groupe Lagardère, d'autre part. Ces deux dossiers très importants, qui soulèvent des interrogations majeures pour le secteur soumis à notre régulation, seront étudiés de manière approfondie par les équipes et le collège du CSA, en coopération avec nos collègues de l'Autorité de la concurrence. Ces dossiers seront instruits avec rigueur, indépendance et impartialité, compte tenu des enjeux. La conduite de cette instruction fait partie des décisions que nous aurons à prendre au courant de l'année 2022 et, pour partie, en 2023.
Enfin, de nouveaux textes vont continuer à élargir le champ de compétence de l'ARCOM.
La loi dite « Climat et Résilience » du 21 août 2021 prévoit de nous confier des responsabilités en matière de contrôle des publicités audiovisuelles, avec la mise en place d'une charte climat. Nous sommes d'ores et déjà à pied d'œuvre avec les éditeurs et la filière concernée pour mettre en œuvre ces dispositions.
Par ailleurs, le Digital Services Act, projet de règlement européen, enrichira la réglementation européenne applicable aux plateformes. Il pourrait aboutir dans le courant de l'année 2022.
En outre, le règlement relatif au terrorisme, applicable à compter du mois de juin 2022 et visant à lutter contre la diffusion de contenus terroristes, conduira vraisemblablement à associer l'ARCOM parmi les autorités nationales compétentes pour assurer son suivi.
L'année 2020 a permis un pivot de la consolidation de projets, malgré le contexte de crise sanitaire. L'année 2021 nous a permis de mettre en œuvre de nouvelles missions, d'adapter notre organisation et de préparer la fusion avec la Hadopi et la création de l'ARCOM. L'année 2022 sera marquée par le déploiement d'une nouvelle régulation. Elle s'annonce riche en projets et lourde d'enjeux.
Permettez-moi de répondre maintenant aux questions posées par M. le président.
La loi de décembre 2018 reposait sur une logique de « name and shame ». Cette logique impose une obligation aux acteurs, nous confie une mission de supervision et nous dicte de produire annuellement un rapport sur les conditions d'exécution de ces obligations. Nous avons récemment produit le deuxième rapport, dans lequel nous avons été un peu plus nominatifs pour souligner les bonnes pratiques et celles méritant d'être améliorées. Nous avons formulé une série de recommandations. Les progrès sont notables mais doivent incontestablement s'accroître. Nous comptons profiter de cette troisième année de mise en œuvre pour dresser un bilan de ces trois années d'application de ce texte.
À l'occasion de la signature d'une convention avec l'ARCEP en mars 2020, nous avons constitué un pôle commun. Ce dernier a conduit notamment à la production d'études communes sur les enjeux posés par le numérique et à la mise en commun de références à destination du grand public, avec la production de documents inédits et facilitant l'accès aux données. Ce pôle commun a aussi permis la tenue régulière d'ateliers d'échanges sur la régulation à l'ère du numérique. Concernant le chantier de la protection des mineurs en ligne, nous avons déterminé ensemble un instrument de mesure des utilisations de contrôle parental afin de tenter de dégager un indicateur commun. Enfin, nous avons pu lancer le site jeprotègemonenfant.gouv.fr, dont la charte a été élargie récemment.
Concernant le décret d'application de la loi sur les violences conjugales publié le 8 octobre 2021, le CSA dispose dorénavant d'une capacité complète de mise en œuvre de ce texte.
La création de l'ARCOM se déroule sereinement et dans un bon climat, avec des équipes heureuses de se retrouver.
La question de la contribution à l'audiovisuel public relève naturellement de la pleine compétence du Parlement. Je ne saurais m'y substituer. Le collège du CSA estime que nous avons besoin d'un service public fort, singulièrement dans le paysage qui se dessine sous nos yeux. La source de financement devrait être pérenne, afin de permettre une réelle visibilité, et réserver une recette affectée pour assurer l'indépendance du service public. Nous ne sommes donc pas favorables à des options de budgétisation, qui exposeraient à nos yeux ces entreprises à des mouvements de régulations budgétaires. Il nous semble que les réformes conduites à l'étranger, notamment en Allemagne il y a plusieurs années, peuvent être une source d'inspiration. Nous pourrions déconnecter cette ressource des postes de télévision car nous pouvons accéder à ces contenus par une pluralité de vecteurs. Nous suggérons donc une contribution de nature universelle et transversale, avec les mécanismes correspondant aux exonérations fiscales applicables aux personnes non soumises à l'impôt. La question du taux pourrait être ajustée en fonction de cette assiette élargie. D'autres options sont envisageables en la matière.
Je cède tout d'abord la parole à Mme Brigitte Kuster, chargée du suivi du CSA, qui s'exprimera également pour le groupe Les Républicains.
Vous évoquez la question des ressources financières de l'audiovisuel public, à savoir Radio France et France Télévisions. La publicité à la télévision, notamment sur les chaînes du service public, est interdite après 20 heures depuis 2009. Cette décision avait pour objectif de permettre un démarrage des principales émissions vers 20 heures 35, soit immédiatement après les journaux télévisés. Malheureusement, force est de constater que cette interdiction a été contournée au moyen de parrainages publicitaires, ce qui reporte le début des émissions de France Télévisions au delà de 21 heures. Aussi, je vous remercie de nous dire, monsieur le président, quelles mesures le CSA entend-il prendre pour faire respecter la loi.
De plus, concernant les recettes publicitaires de Radio France, je souhaite vous interroger sur le dépassement du plafond des recettes publicitaires, fixé dans le contrat d'objectifs et de moyens (COM). Si le déplafonnement a, un temps, été envisagé par M. Franck Riester, le Gouvernement a finalement renoncé à ce projet. Ainsi, le ministère de la culture a maintenu un plafond à 42 millions par an au motif que la contribution publique à l'audiovisuel garantit des ressources importantes. Pourtant, Radio France dépasse régulièrement le plafond. En 2019, le montant de ses recettes publicitaires a ainsi atteint 48 millions d'euros. Ces dépassements ne sont pas sans conséquence sur les radios privées, qui dépendent évidemment plus fortement des recettes publicitaires. Si le ministère a fermé les yeux au motif des bénéfices pour les finances publiques et que la Cour des comptes s'est contentée de relever le dépassement, le CSA a appelé le ministère à clarifier cette ambiguïté survenue en 2019. En conséquence, quelles mesures concrètes ont été prises ou seront prises à l'avenir par le CSA pour faire respecter le plafond de recettes publicitaires ?
À l'approche de la campagne présidentielle et en raison de ces prises de position, Éric Zemmour voit dorénavant son temps de parole décompté au même titre que d'autres personnalités. Pourtant, les radios et télévisions n'ont jamais autant parlé du polémiste. Par exemple, en septembre, Éric Zemmour comptabilisait près de 4 000 retombées audiovisuelles, dont 90 % après la décision du CSA. Certaines chaînes ont d'ailleurs recours à d'autres pratiques, qui consistent à reprendre les propos du polémiste pour ensuite animer tout un débat autour de lui. S'il n'est évidemment pas question pour moi de remettre en cause la liberté de la presse, une réflexion est-elle menée au sein du CSA pour parvenir à l'équité de traitement des différents candidats et courants politiques au delà de la seule question du temps de parole des candidats ?
Vous avez évoqué les bouleversements du paysage audiovisuel. Pouvez-vous détailler votre rôle à ce sujet, afin que nous comprenions les pièges éventuels des fusions à venir ?
Enfin, pourriez-vous nous donner quelques précisions sur les deux mises en demeure que vous avez mentionnées ?
À l'instar de l'ensemble des acteurs de l'audiovisuel, la lecture de votre rapport d'activité met en exergue le rôle du CSA durant cette année 2020 si particulière. Permettez-moi, au nom du groupe de la majorité, de saluer à nouveau l'action des membres et collaborateurs du CSA.
En matière de déontologie et de pluralisme des programmes, je note que le nombre de saisines et de dossiers instruits a augmenté en 2020 par rapport à 2019. À ce sujet, je m'interroge sur l'essor de véritables médias d'opinion, qui ne s'en cachent parfois même plus, alors que vous mentionnez dans votre rapport l'absence ou le retard des bilans 2020 des comités d'éthique de plusieurs groupes médiatiques. Je voudrais connaître votre avis sur ce sujet qui, à l'approche de l'élection présidentielle, soulève des inquiétudes en termes de pluralisme et de déontologie.
Monsieur le président Roch-Olivier Maistre, au nom de mon groupe, je vous remercie d'être présent dans cette commission afin d'échanger à propos du rapport 2020 du CSA. Le document débute par un bel hommage à Michèle Léridon, membre du CSA décédée au début du mois de mai dernier. Permettez-moi d'associer à cet hommage l'ensemble des membres de mon groupe.
L'année 2020 n'a évidemment pas été une année ordinaire. Je salue le fait qu'en dépit de la violence de la crise sanitaire, le CSA a assuré la continuité de ses missions.
Le CSA a été saisi pour avis par Mme la ministre de la Culture concernant le COM 2020 de France Télévisions ainsi que pour ceux de Radio France et de France Médias Monde. L'avis du CSA était positif pour ces trois contrats et assorti de deux recommandations. En effet, il est conseillé de renforcer les outils de suivi de projets de coopération entre les entreprises et de hiérarchiser davantage les indicateurs figurant dans les projets de COM. Pouvez-vous détailler ces recommandations ?
Par ailleurs, l'ARCOM est décrit dans l'avant-propos comme étant porteur d'espoirs dans la lutte renouvelée de la France contre le piratage. En tant que rapporteure du projet de loi ayant porté sa création, je ne peux qu'abonder dans votre sens. Dans le dernier chapitre du rapport annuel, vous évoquez la mission conjointe du CSA et de la Hadopi sur la préfiguration de leur rapprochement. Ses membres travaillent à l'établissement du partage des missions de ces deux institutions, à l'arrivée de nouvelles tâches et associent les représentants des personnels, qui verront nécessairement leur quotidien modifié à l'issue de la fusion. Pouvez-vous nous éclairer sur les avancées de cette mission, ses conclusions et les potentiels points de blocage identifiés ?
Monsieur le président, je vous remercie de votre exposé et du travail effectué pour mener à bien votre mission.
Le monde de l'audiovisuel connaît de fortes mutations ces dernières années en raison de l'arrivée des plateformes et des nouveaux modes de consommation des médias. Les groupes TF1 et M6 ont annoncé leur projet de fusion, qui, s'il ne semble pas mobiliser l'attention de la majorité, appelle toute la nôtre. Fort heureusement, ce projet de fusion est soumis à l'avis du CSA, tant pour le changement de contrôle du capital que pour l'autorisation de diffusion, qui doit être renouvelée en 2023.
Je m'étonne cependant des propos que vous auriez tenus, rapportés par le Figaro, alors que vos auditions n'avaient toujours pas débuté, sur le caractère naturel et compréhensible d'une telle fusion. En effet, si les objectifs présentés semblent tout à fait louables, pourquoi modifier cet écosystème dont on nous dit qu'il fonctionne ? Nous avons bien entendu qu'il s'agissait de rassembler les forces technologiques de l'audiovisuel mais, avec cette fusion, l'entité créée sera bien légère face au pouvoir que représentent les grands groupes de GAFA – 22 millions d'investissements contre plus de 1 milliard pour Netflix par exemple.
Cette fusion défensive pourrait entraîner plusieurs risques de concentration assez inquiétants pour l'audiovisuel, notamment concernant la pluralité de l'information. En effet, les deux groupes représentent déjà 60 % de l'information à la mi-journée et 70 % le soir. D'autres risques inquiétants concernent la production audiovisuelle et la difficulté pour les annonceurs publicitaires qui se trouveraient face à un groupe en position dominante.
Cette situation à risque hautement monopolistique dans le paysage audiovisuel et radiophonique français mérite que tous les aspects soient examinés avec la plus grande attention. Le CSA doit en être le garant.
Je souhaite connaître les prochaines étapes entreprises par le CSA afin de rendre son avis et de nous assurer de la primauté accordée au respect du pluralisme.
Monsieur le président, je vous remercie de votre engagement et de la qualité de votre propos introductif. Cette audition intervient après l'adoption, par le Parlement, du projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l'accès aux œuvres culturelles à l'ère numérique.
Comme beaucoup de mes collègues, je pense qu'il était essentiel d'acter le projet de fusion entre le CSA et la Hadopi. La création d'une autorité de régulation puissante et efficace était une nécessité absolue dans le contexte des transformations multiples que nous connaissons. De plus, nous devons soutenir, développer et protéger notre modèle d'exception culturelle.
Je suis convaincu que la relance de ce secteur durement touché par la crise passera en partie par la lutte contre le piratage. Il faudra désormais être vigilants quant à la nécessité de doter le régulateur de moyens budgétaires à la hauteur de ses missions.
Monsieur le président, vous préparez cette fusion depuis de nombreux mois. Vous aviez d'ailleurs signé une convention sur la préfiguration de la fusion des deux autorités. Cette convention a-t-elle été utile ? A-t-elle suffisamment préparé les équipes à ce changement décisif ? Pouvez-vous nous faire un premier retour d'expérience ?
J'aimerais vous interroger aujourd'hui sur la protection des mineurs sur internet, notamment quant à la prévention de leur exposition aux contenus pornographiques en ligne. Votre rapport d'activité 2020 évoque, page 80, la mise en place d'une plateforme d'information et d'un baromètre d'évaluation. Toutefois, désormais, d'autres outils sont à votre disposition pour lutter contre ce fléau. En effet, l'article 227-24 du code pénal prévoit une peine de trois ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende dès lors qu'un site pornographique est accessible à un mineur par sa simple déclaration qu'il est majeur. Nous avons voté cette disposition pour pallier le manque de la législation antérieure. Depuis la publication du décret d'application le 7 octobre dernier, nous nous réjouissons que le CSA puisse enfin faire pleinement respecter cette loi. Pourriez-vous nous indiquer si vous avez déjà engagé de telles procédures de blocage de ces sites ? À quelle date interviendront les premières procédures ?
Je souhaite vous interpeller sur l'équilibrage, ou plutôt le déséquilibrage, des temps de paroles des invités politiques à la télévision. Certaines chaînes d'information en continu ont des méthodes particulières pour respecter les règles du CSA. Elle diffuse en boucle les interviews de dirigeants politiques la nuit. Ainsi, sur LCI, l'intervention de M. Alexis Corbière, député de la France Insoumise, a été diffusée neuf fois entre une heure et quatre heures du matin. Contacté par des journalistes, un salarié de la chaîne justifie cette diffusion nocturne et répétée par le temps à rattraper pour les quotas du CSA. Les différentes enquêtes journalistiques montrent que cette tendance à diffuser à outrance une interview la nuit concerne très majoritairement les partis situés à gauche de l'échiquier politique. Au regard des disparités d'audience entre les émissions du jour et de la nuit, ces responsables politiques sont donc sous-exposés, ce qui semble menacer l'exigence de pluralisme politique dans les médias. Cela s'explique notamment par le règlement du CSA qui ne prône qu'une approche quantitative de l'équilibrage, sans précision sur les horaires de diffusion.
La pluralité est également menacée sur les comptes Twitter de certaines chaînes d'information. Libération a publié un article démontrant qu'Éric Zemmour y a été cité 432 fois entre le 7 septembre et le 7 octobre quand Jean-Luc Mélenchon n'a été cité que 141 fois. Certains candidats, pourtant officiellement déclarés, ne sont même pas cités.
Des solutions existent, telles que l'obligation pour les médias audiovisuels de traiter équitablement tous les candidats à la fois quant au temps de parole à l'antenne mais aussi aux publications et mentions sur les réseaux sociaux.
Concernant les horaires de diffusion, une approche qualitative me semble opportune. Qu'en pensez-vous ? Quelles autres préconisations pouvez-vous nous proposer afin de pallier ces dysfonctionnements ?
Je vous remercie pour l'ensemble de vos questions.
Concernant le projet de rapprochement entre les groupes TF1 et M6, j'aimerais tout d'abord dire à Mme Michèle Victory que le CSA et son président n'ont, à ce stade, pris aucune décision sur ce dossier dont l'instruction débute. Nous avons été saisis. Nous ne disposons pas encore de la totalité des éléments relatifs à ce dossier. Tant que cette instruction n'est pas approfondie et que le collège n'a pas délibéré, il n'existe pas de position prise a priori par le CSA. Je souhaite qu'il n'y ait aucune ambiguïté sur le fait que le CSA délibérera collégialement, de façon indépendante et en toute impartialité.
Deux autorités sont saisies de ce dossier : l'Autorité de la concurrence et le CSA. Nous disposons en effet de deux compétences particulières. Premièrement, la loi nous confie la mission d'agréer les changements de contrôles capitalistiques des éditeurs titulaires d'une autorisation. Deuxièmement, un aspect de la procédure est lié à l'échéance, en mai 2023, des autorisations hertziennes des groupes TF1 et M6.
L'instruction a donc débuté. Nous avons entamé un premier cycle d'auditions avec l'ensemble des acteurs, très nombreux, concernés par ce dossier pour recueillir leurs premières réactions. Nous aurons d'ailleurs l'occasion de leur adresser des questionnaires pour recueillir leurs analyses très précises. Nous serons saisis pour avis par l'Autorité de la concurrence, probablement vers la fin de cette année ou le début de l'année prochaine. Nous ferons connaître à l'Autorité notre avis, sans doute vers la fin du premier trimestre 2022. L'Autorité elle-même n'a pas encore donné d'indications très précises sur son calendrier de décisions. Néanmoins, nous avons cru comprendre que sa décision pourra intervenir à l'approche de l'été 2022. Une fois que l'Autorité se sera prononcée sur ce projet, nous aurons à statuer sur le changement de contrôle en fonction de l'instruction menée.
Notre approche est celle que pose la loi du 30 septembre 1986. En effet, le pluralisme, au sens large du terme et toujours vu dans l'intérêt du public, constitue notre fil rouge. Cette pluralité concerne aussi bien les acteurs, les offres, les sources de financement de la production que les courants de pensées et d'opinion. Nous ne nous désintéressons pas, par ailleurs, du volet économique du dispositif. La régulation a une dimension de plus en plus économique dans la voie que nous mettons en œuvre. Dans cette instruction, nous serons très attentifs aux équilibres généraux du secteur, même si l'Autorité de la concurrence aura un regard particulier du fait de son champ de compétences. Cette procédure, constituée de deux approches parallèles qui se croiseront, sera menée avec transparence et collégialité.
Concernant le projet d'OPA du groupe Vivendi sur le groupe Lagardère, le processus sera sans doute de même nature, avec un calendrier un peu décalé d'après le communiqué d'annonce de Vivendi. Une démarche sera menée en direction des autorités de concurrence, probablement européennes compte tenu des problématiques particulières du rapprochement potentiel entre Hachette et Editis. Nous ne savons pas à quel moment nous serons saisis au sujet d'un éventuel changement de contrôle des éditeurs relevant du groupe Lagardère, liés au CSA par une convention. Cette saisine aura probablement lieu plus tard dans l'année 2022.
Ces deux mouvements sont très importants et lourds d'enjeux. Nous en pèserons tous les termes avant de statuer.
Le pluralisme est au cœur de notre vie démocratique. Je rappelle d'abord que la préservation du pluralisme des courants de pensée et d'opinion est un principe constitutionnel dans notre pays. Le Conseil constitutionnel a eu l'occasion de rappeler que ce principe est consubstantiel à notre débat démocratique. La loi oblige les médias audiovisuels à nous communiquer tous les mois les temps de parole des personnalités politiques. Ces dernières ne sont pas seulement celles qui détiennent un mandat électif mais également celles qui sont engagées dans la vie politique. La loi contraint les médias audiovisuels à assurer l'équilibre en fonction des poids et des formations politiques au sein des assemblées parlementaires ainsi que d'une pluralité d'indicateurs.
Nous exerçons ce contrôle tout au long de l'année. Hors période électorale, nous réalisons trimestriellement un point d'équilibre de ces données afin de nous assurer du respect de ce pluralisme. Ces données sont à la fois publiées sur le site du CSA et communiquées aux présidents des assemblées parlementaires et aux présidents des groupes politiques, leur permettant de se manifester auprès du CSA. Presque chaque semaine, je reçois le responsable d'une formation politique pour un motif d'insatisfaction au regard d'une situation observée. Le Conseil peut être amené à intervenir périodiquement auprès d'un média afin de rééquilibrer les situations.
Ce dispositif se renforce naturellement en période électorale puisque la loi prévoit que, pour chaque élection, nous prenons une recommandation particulière pour fixer les règles qui seront applicables. Nous publierons très prochainement la recommandation que nous venons d'adopter pour la prochaine élection présidentielle.
Cette recommandation prendra effet au 1er janvier 2022 et comportera trois périodes. Tout d'abord, l'équité sera le principe qui gouvernera la première période, s'étendant du 1er janvier jusqu'à la publication officielle de la liste des candidats par le Conseil constitutionnel. Ensuite, l'équité renforcée – prenant en compte les conditions de programmation – sera le principe de la deuxième période, allant de la publication de la liste des candidats jusqu'au démarrage de la campagne officielle. Enfin, l'égalité stricte sera le principe de la troisième période, qui recouvre la campagne officielle. Durant toute la période de campagne, à partir du 1er janvier, seront pris en compte non seulement les temps de parole, mais également les temps d'antenne consacrés à chacun des candidats. En dehors des périodes électorales, comme actuellement, seuls les temps d'expression des personnalités politiques sont comptabilisés. C'est la règle actuellement en vigueur.
J'ai eu l'occasion d'écrire au président Jean-Luc Mélenchon sur ce sujet. Il me semble que l'esprit de ce dispositif n'est évidemment pas de traiter inéquitablement les formations politiques en utilisant des horaires singulièrement décalés pour satisfaire les obligations du pluralisme. Nous avons déjà eu l'occasion d'effectuer des rappels auprès des médias. Monsieur Larive, votre groupe nous a alertés sur un cas particulier. Nous effectuerons, probablement à la fin du mois de novembre, un bilan du trimestre en cours. Nous analyserons la situation des différentes formations politiques. Si nous constatons ce que vous évoquez, nous interviendrons auprès des chaînes en question. Je réunis d'ailleurs prochainement les rédactions. Je serai donc amené à évoquer ce sujet avec vous.
Madame Kuster, notre comptabilisation du pluralisme politique ne porte que sur les temps d'expression des personnalités politiques. Concernant la personne que vous avez citée, nous recensons ses temps de parole, communiqués par les médias audiovisuels, depuis le 8 septembre. Nous les vérifierons et nous ferons le point vers la fin du mois de novembre. Cependant, nous ne comptabilisons naturellement pas les interventions des journalistes ou des éditorialistes à son sujet. Vous citez les nombreuses interventions sur cette personnalité, qui sont pour l'essentiel des commentaires de journalistes ou d'éditorialistes aux propos de l'intéressé. En l'état actuel des textes, le CSA ne peut pas les comptabiliser. Les chaînes sont libres de choisir leurs invités et d'émettre les commentaires qu'elles souhaitent, au titre de leur liberté éditoriale. La règle sera simplement modifiée au moment où démarrera la campagne présidentielle.
Concernant les ressources publicitaires de Radio France, ce point avait effectivement été soulevé par la Cour des comptes lors de son précédent contrôle de la société. Le CSA avait souligné auprès du Gouvernement qu'une ambiguïté devait être levée quant à la nature des revenus publicitaires prises en compte dans le calcul du plafond. Un débat existait en effet entre les publicités stricto sensu et les messages d'intérêt général. Ce point figure dans le dernier COM conclu avec les entreprises de l'audiovisuel public. Nous serons naturellement très vigilants dans notre contrôle au titre de l'exercice 2021 sur le respect du plafond de 42 millions d'euros. Bien évidemment, nous effectuerons une observation au Gouvernement si nous constatons un dérapage. Néanmoins, ce n'est pas le CSA qui fixe les ressources et exerce la tutelle. Nous sommes simplement en mesure de signaler nos constats à la représentation nationale, aux groupes et au Gouvernement.
Par ailleurs, le CSA exerce un contrôle concernant les parrainages sur les antennes de France Télévisions. Le cas échéant, nous formulerons des observations sur ce sujet.
Une mise en demeure concernait une intervention relative au traitement contre la Covid-19 dans l'émission « Les Grandes Gueules », reprise sur RMC et sur RMC Story. Le CSA a constaté un défaut d'honnêteté et de rigueur dans l'information donnée au public sur un sujet préoccupant.
Le CSA est très attentif au sujet des comités d'éthique. Certains rappels ont été effectués auprès d'éditeurs dont les comités d'éthique n'avaient pas été reconstitués à l'occasion de fin ou de renouvellement de mandat. Le CSA a instauré des réunions périodiques avec les comités d'éthique, afin de permettre un dialogue plus direct.
Concernant les médias d'opinion, je rappelle que la loi de 1986 affirme la liberté éditoriale des chaînes, tenues de respecter le pluralisme politique. Elles sont libres d'organiser leurs plateaux, émissions et débats. Le CSA est néanmoins attentif au respect de la loi et des conventions conclues avec les éditeurs. En cas de manquement, nous sommes amenés à prononcer une mise en demeure ou, le cas échéant, à entamer une procédure de sanction.
La préfiguration du rapprochement entre le CSA et la Hadopi est quasiment en phase de finalisation. L'organigramme de la nouvelle entité ARCOM est définie. Les responsabilités entre les agents issus des deux maisons sont également déterminées. Un dialogue étroit a été mené avec les représentants du personnel afin que le rapprochement ait lieu en bonne intelligence. En outre, un baromètre social a été instauré pour interroger périodiquement l'ensemble des équipes du CSA et de la Hadopi. Je pense pouvoir vous dire que nous serons à pied d'œuvre dès le 1er janvier. Les propositions budgétaires soumises au Parlement en termes d'emplois et de ressources nous semblent de nature à porter les missions qui nous sont confiées au titre de l'année 2022.
Concernant les COM, la coopération entre les entreprises du service public doit faire l'objet d'une certaine vigilance. En France, le service public est très puissant mais éclaté entre des entreprises distinctes et autonomes. L'exécutif a souhaité inscrire dans les COM un principe de coopération renforcée entre ces acteurs. Le CSA a observé que cette collaboration volontaire peut fonctionner mais aussi rencontrer des limites. Si nous voulons organiser plus efficacement cette convergence entre ces entreprises, la question du pilotage de cette coopération est posée. De même, un travail d'harmonisation doit être effectué sur les indicateurs entre les différentes entreprises de l'audiovisuel public afin que l'approche soit plus homogène.
La récente publication du décret d'application du texte sur la protection des mineurs nous donne des outils juridiques pour faire appliquer la loi. Nous effectuerons les constats requis auprès des acteurs pour voir s'ils se conforment au texte. Nous disposons de plusieurs outils : la formulation de lignes directrices à destination de ces acteurs, la mise en demeure et, en cas d'absence de mise en conformité, la saisine du président du tribunal judiciaire de Paris pour demander la suspension de ces sites.
Je souhaite vous interroger sur la modernisation de la radio et, notamment, sur le déploiement du DAB+, qui poursuit son cours et a suivi un bon rythme en 2020 malgré la crise sanitaire. Vous avez évoqué une couverture de 50 % de la population. Avez-vous des informations concernant la couverture totale de notre territoire ?
Par ailleurs, sera-t-il possible un jour de mesurer les audiences radio en distinguant l'onde de réception, afin de mesurer l'impact du DAB+ dans le quotidien des Français ? Les avantages de cette technologie sont nombreux, tant en modernisation du média radio qu'en renforcement du pluralisme et de l'accessibilité. Néanmoins, de nombreux Français ne connaissent pas encore cet outil. Un plan de communication au grand public est-il prévu ? Selon votre rapport, le DAB+ ne nuirait pas à la radio FM. Comment imaginez‑vous la cohabitation entre les deux modes de réception une fois que le territoire sera suffisamment couvert ? Qu'en est-il des doubles diffusions auxquelles peuvent faire face certaines radios ?
Le Parlement a voté la loi contre le piratage, prévoyant la fusion de la Hadopi avec le CSA. Le régulateur des télécoms a rendu un avis prudent sur cette loi et juge excessives les mesures de lutte contre le téléchargement illégal d'œuvres. Il s'inquiète des dérives potentielles et évoque un risque de surveillance disproportionnée. Que pouvez-vous lui répondre ? La nouvelle autorité sera-t-elle suffisante pour mener à bien ce combat contre le piratage sur internet ?
Enfin, j'aimerais revenir sur votre décision de décompter le temps de parole d'Éric Zemmour. La chaîne CNEWS a décidé de se séparer du polémiste. Cependant, depuis son départ, ce dernier n'a jamais été aussi présent sur la chaîne. Par exemple, l'émission « L'heure des Pros 2 » consacre tous les soirs une grande partie à Éric Zemmour. Si j'ai bien compris votre subtil partage entre temps d'antenne et temps d'expression, n'avez-vous pas la sensation qu'il s'agit d'une réponse provocatrice à l'égard du CSA ?
Plusieurs sites pornographiques français gratuits sont concernés par le nouveau texte relatif à la protection des mineurs. La vérification réelle de la majorité à l'entrée des sites pour adultes est-elle techniquement possible ?
Le temps passé assis et couché devant les écrans de loisirs a fortement augmenté pendant la crise sanitaire, en particulier pour les jeunes générations. Vous avez réalisé une campagne institutionnelle sur le danger des écrans, notamment pour les plus jeunes. Avez-vous pu en mesurer l'efficacité auprès du public et des parents ? Le Gouvernement a, de son côté, lancé une campagne sur les bienfaits du sport. Pourrait-on imaginer que le CSA envisage une campagne sur les bienfaits de l'activité physique et les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ?
Par ailleurs, seuls 5 % des programmes sportifs sont diffusés en clair aujourd'hui. Quels sont les leviers pour permettre une diversité plus large et une diffusion plus importante des parasports et sports féminins ? Les Jeux olympiques de Tokyo ont réalisé de très bonnes audiences.
Concernant enfin les contenus sportifs audiovisuels en ligne, dits over the top services (OTT), vous dites qu'ils sont complémentaires de l'offre généraliste et qu'ils réduisent l'usage illicite. Pouvez-vous détailler la mise en œuvre de la lutte contre le piratage lors des prochaines semaines ?
Alors que j'étais enseignante, il est arrivé à mes jeunes élèves, cherchant une image illustrant une recette de pâtisserie, de tomber sur un site sadomasochiste, malgré le pare-feu mis en place par l'Éducation nationale. Depuis, plusieurs actions ont été engagées pour prévenir l'accès des mineurs à des contenus inappropriés en ligne, avec entre autres l'accompagnement des parents pour leur protection. Pour faire suite à la loi du 30 juillet 2020, le Gouvernement a publié la semaine dernière un décret relatif aux modalités de mise en œuvre des mesures visant à protéger les mineurs contre l'accès à des sites diffusant un contenu pornographique. Ce décret permet au CSA de mettre en demeure ces sites et de demander leur blocage en cas d'inaction. Quel sera le délai accordé à ces sites pour agir ? Selon vous, quelles sont les pistes au-delà du contrôle parental pour répondre aux limites techniques, comme les contournements, les blocages et les pare-feu ou encore la difficulté, pour les fournisseurs d'accès à internet, de gérer le report de trafic depuis des sites très fréquentés ?
La présidente de France Télévisions avait rappelé la nécessité d'une information de référence et de confiance. Vous avez rappelé les principes constitutionnels d'équité et d'égalité entre les candidats. Il en va de la neutralité du service public et du pluralisme des débats. Or nous avons connu plusieurs dérapages sur des chaînes du service public qui bénéficient de la contribution à l'audiovisuel public. Je pense à Franceinfo, dont un journaliste a avoué qu'une personnalité politique était interdite par sa direction. Par ailleurs, un animateur d'une émission recevant des personnalités politiques sur France 2 a effectué de la propagande en disant représenter le camp du bien, en appelant à l'union de la gauche et de l'extrême gauche et en traitant un candidat de virus. Que pense le CSA de ces deux exemples de dérapage ?
La vie démocratique et médiatique n'a jamais été aussi vivante. La télévision, la radio et les réseaux sociaux abondent chaque jour d'informations, de commentaires et de polémiques. La loi du 14 novembre 2016, dite loi Bloche, prévoit que le CSA garantit l'honnêteté, l'indépendance et le pluralisme de l'information et des programmes qui y concourent. Dans cette frénésie médiatique, vous êtes à la fois adoubé comme gendarme de l'audiovisuel, protecteur des dérives, et critiqué pour votre prétendue indulgence ou votre manque de fermeté. Ainsi, les sollicitations sont particulièrement nombreuses. Les prochains mois risquent de confirmer la tendance. La saisine du CSA est devenue quasiment quotidienne. Nous finirions même par nous perdre dans les motifs évoqués. Pouvez-vous me préciser votre politique de régulation audiovisuelle, en dehors de celle spécifique à la période électorale ?
Monsieur le président, vous avez abordé de nombreux sujets lors de la présentation de votre bilan d'activités. Les réseaux sociaux deviennent de plus en plus la principale source d'information pour de nombreux publics. Vous avez évoqué la loi contre la manipulation de l'information et la nécessaire éducation aux médias. Au-delà des publicités qui doivent respecter une charte climat, je voudrais évoquer les publicités réalisées par des entreprises et des institutions qui contribuent, parfois sans s'en rendre compte, à la croissance des « infox » en ligne. Un éditorialiste écrivait : « le financement des fake news est un Far West auquel participent des marques et des institutions publiques ». Les sites de désinformation montent en puissance en raison de la grande méfiance à l'égard des médias traditionnels. Ces sites constituent évidemment la porte ouverte au complotisme. Que préconise le CSA en la matière ?
Les missions du CSA sont de veiller au respect des droits publics, au pluralisme, à la poursuite d'objectifs de cohésion sociale ainsi qu'à la promotion de la diversité. Aussi, je suis surpris que nous ayons peu parlé de la grande cause du quinquennat, à savoir l'égalité entre les femmes et les hommes. J'aimerais rappeler l'excellent rapport de Mme Céline Calvez sur la place des femmes dans les médias, et en particulier en période de crise. Nous vivons une situation catastrophique d'invisibilité de la femme. Nous avons effleuré cette question dans un rapport sur la lutte contre les stéréotypes dès le plus jeune âge. La question des réseaux sociaux et des médias a été soulevée. Pouvez-vous faire un point de situation et un point d'action pour un changement culturel profond dans notre société ?
Je vous remercie pour l'ensemble de ces questions.
Le projet de déploiement du DAB+ a été sensiblement décalé par rapport au lancement de la TNT. Ce mode de diffusion par voie hertzienne dispose d'un signal numérique. Il offre à l'auditeur une série d'avantages, tels qu'une meilleure qualité de son, un confort en mobilité et un surplus d'informations. Ce mode de diffusion est évidemment gratuit et ne passe pas par un opérateur. En outre, le DAB+ est un peu plus écologique que les émetteurs de FM car il consomme moins d'énergie.
J'ai participé ce matin au lancement des 25 radios nationales qui se sont engagées sur les deux multiplexes métropolitains. Le déploiement a débuté par les grandes agglomérations et axes routiers pour des raisons d'économies et afin de toucher les bassins de population les plus importants. Progressivement, l'ensemble du territoire sera couvert. Il est très important d'entrer maintenant dans une phase active de communication à l'égard du grand public. Les Français ne connaissent pas encore le DAB+. Les éditeurs, notamment nationaux, commenceront à partir d'aujourd'hui à travailler sur une grande campagne de communication sur ce thème. J'ai évoqué la nécessité d'une telle campagne à la ministre de la Culture, qui est prête à dégager une ressource pour son déploiement.
Quant à la double diffusion, elle devrait durer jusqu'à ce que le DAB+ soit vraiment déployé sur l'ensemble du territoire et pleinement utilisé par les Français. Cette double diffusion engendrera des coûts, en particulier pour les radios associatives. J'ai signalé au ministère de la culture la nécessité de mettre en place un dispositif d'accompagnement dans le déploiement du DAB+ pour les radios les plus fragiles.
Ce déploiement du DAB+ ouvre un nouvel horizon au média radio, qui fête cette année ses cent ans. La radio a la particularité d'avoir toujours épousé les technologies de son temps. Sa présence dans la sphère numérique est donc très importante. Le CSA a à cœur d'accompagner ce média, auquel les Français sont très attachés. En effet, deux tiers d'entre eux écoutent la radio tous les jours entre deux et trois heures quotidiennement. Ce média est celui auquel les Français font le plus confiance selon toutes les enquêtes d'opinion. L'attachement des Français aux voix qui rythment leur quotidien est presque sentimental.
La décision de décompter le temps de parole d'un polémiste s'inscrit dans le droit fil des principes évoqués précédemment. Le collège du CSA a estimé début septembre que l'intéressé n'était plus simplement un commentateur de l'actualité mais une personnalité politique. Au regard du principe d'équité entre les familles politiques, il nous a semblé normal que ce polémiste entre dans la comptabilisation des temps de parole, comme l'ensemble des personnalités politiques, conformément à la loi. J'entends bien la distinction entre le temps de parole de ce polémiste et les commentaires de ses propos. Le CSA n'a, à ce stade, pas de point d'intervention à ce sujet. Je redis que cette situation changera dès l'entrée dans la période de campagne électorale.
Concernant la politique de lutte contre le piratage, nous ferons vivre les nouveaux textes votés par le Parlement. N'oublions pas que le piratage est une atteinte aux droits et à la rémunération des créateurs. Il en va de même pour les piratages sportifs. J'entends les risques pouvant s'attacher aux procédures de téléchargement. Nous tâcherons en tous cas de porter cette nouvelle politique publique et de mettre en œuvre les textes votés par le Parlement.
Le CSA est attentif à la question des bienfaits du sport. L'une de nos missions est de nous assurer des dispositions prises par les chaînes de télévision en matière de lutte contre le dopage. Chaque année, nous dressons un constat des actions sur ce thème. Nous regardons également la façon dont les éditeurs encouragent aux bonnes pratiques. Toutefois, j'entends votre observation, monsieur Juanico, nous pouvons probablement accroitre et améliorer nos actions en ce sens. Je relève en tout cas votre observation.
Le constat de Mme la députée Jacqueline Dubois sur les sites pornographiques est très juste. Je redis que le décret d'application est maintenant en vigueur depuis le 8 octobre. Le CSA fera jouer les textes tels qu'ils existent. Un constat sera effectué par un huissier indépendant afin d'objectiver la situation. Si l'huissier constate qu'il est possible de visiter un site sur une simple déclaration de majorité, la loi nous permet de mettre le site en demeure en lui demandant de se conformer aux obligations législatives. Un délai de quinze jours est laissé à l'acteur pour la mise en conformité. Le cas échéant, le président du tribunal judiciaire peut être saisi pour demander le blocage de ces sites auprès des fournisseurs d'accès.
La mission du service public audiovisuel n'est pas d'interdire à une personnalité politique de s'exprimer sur ses antennes. Le respect du pluralisme concerne l'ensemble de l'offre politique, dans les limites de la liberté d'expression fixée par la loi. Je note que le fait évoqué par M. Jean-Jacques Gaultier a donné lieu à une intervention immédiate du directeur de l'information de France Télévisions pour rappeler que l'intéressé serait convié.
Si les réseaux sociaux sont toujours évoqués, la cristallisation de l'opinion publique s'effectue par les médias traditionnels. Des millions de Français regardent chaque jour les journaux télévisés sur France 2 ou TF1. La vie politique et les grands débats ont lieu sur ces médias traditionnels. Ainsi, nous serons très attentifs au fait que les médias respectent pleinement le principe constitutionnel du pluralisme politique.
Le CSA contrôle la question de l'honnêteté de l'information, conformément à la loi Bloche. Nous organisons régulièrement une délibération sur les sujets prêtant à controverse (tel que le conflit israélo-palestinien), sur lesquels le CSA exige le respect de l'équilibre des points de vue. Nous sommes amenés à intervenir régulièrement sur ce point, auprès de l'ensemble des chaînes.
Par ailleurs, je souhaite souligner que la loi que nous mettons en œuvre est intitulée « loi relative à la liberté de communication ». Cette loi est le pendant de celle de 1881 pour la presse écrite, appliquée aux médias audiovisuels. Notre première mission est de garantir la liberté de communication et la liberté éditoriale des chaînes ainsi que de permettre la liberté d'expression. L'esprit de censure se manifeste facilement dans cette période. Au CSA, nous le mesurons par les saisines multiples que nous pouvons recevoir pour déplorer la présence à l'antenne d'un humoriste, d'un éditorialiste, d'un feuilleton ou d'un film. Ces saisines sont souvent alimentées par des boucles sur les réseaux sociaux. Si nous devions suivre l'ensemble de ces saisines, nous n'aurions ni télévision ni radio.
Nous avons maintenant derrière nous quarante ans de jurisprudence du Conseil d'État, de la Cour de cassation et de la Cour européenne des droits de l'Homme. Cette dernière dit très clairement que la liberté d'expression concerne aussi, par définition, des propos qui heurtent. Nous sommes donc très attentifs à préserver cette liberté. Nos interventions peuvent sembler trop limitées mais c'est la décision du collège, qui s'appuie toujours sur des analyses juridiques et n'oublie jamais que la mission première de cette institution est de préserver la liberté d'expression.
De nombreux esprits se penchent sur le sujet des réseaux sociaux afin de trouver le bon modèle de régulation de ces acteurs. Nous voyons bien que nous ne pouvons pas appliquer à ces acteurs systémiques d'internet le même modèle de régulation qu'aux médias audiovisuels. En effet, ces derniers constituent un monde fini alors que, sur les réseaux sociaux, plusieurs centaines de millions d'informations circulent par seconde. Nous devons donc concevoir un nouveau modèle de régulation, tel que le règlement DSA qui est en cours au Parlement et au sein du Conseil européens. Cette approche différente impose à ces acteurs des obligations de moyens pour éliminer les contenus illicites. Par ailleurs, elle confie à un tiers le soin de s'assurer que ces moyens sont mis en œuvre. Les plateformes ont bien conscience de l'évolution des opinions publiques mondiales. Ces derniers jours, une jeune employée de Facebook a ainsi apporté un témoignage qui déplace les lignes au sein du Congrès des États-Unis. Les États créent de nouvelles réglementations, comme la France avec ses lois sur les « infox » et la haine en ligne, l'Europe avec son DSA et l'administration Biden qui souhaite faire évoluer la réglementation aux États-Unis. Si la construction d'un nouveau modèle de régulation n'est pas encore pleinement réalisée, le processus est enclenché.
L'égalité entre les femmes et les hommes est une priorité pour le CSA et son président. Nous sommes tout à fait déterminés à avancer sur ce point. Nous publions tous les ans un baromètre en la matière. Nous organisons annuellement des rencontres avec les éditeurs pour constater les progrès réalisés et ceux à effectuer. Des initiatives régulières sont prises, notamment concernant les sports féminins, pour corriger les stéréotypes. Les présidentes à la tête des entreprises de service public agissent à ce sujet. Notons que France Médias Monde est en avance sur la parité. De nouvelles générations de managers ont bien conscience que la société ne tolère plus l'absence de parité. Nous avons bien sûr pris note des observations de Mme la députée Céline Calvez. En tout cas, soyez assurés que nous entendons avancer sur ce point.
Concernant les parasports, nous avons mobilisé l'ensemble des acteurs du secteur avant les jeux paralympiques. Je crois que la couverture a été un grand succès, à la fois grâce au service public et à la chaîne l'Équipe. Ces jeux ont été de grands moments d'émotions pour beaucoup de Français. Tout l'enjeu est dorénavant de maintenir cet engouement et qu'il ne faille pas attendre les prochaines olympiades pour couvrir de tels évènements. D'ici 2024, nous serons attentifs à ce point année après année.
Permettez-moi de vous faire part de notre reconnaissance pour votre disponibilité pour avancer dans l'un des grands chantiers de ce début de siècle : la régulation du nouvel environnement de la communication. Nous avons considérablement modernisé les missions que le peuple français, à travers nous, souhaite vous voir accomplir dans la régulation et la protection des libertés. Ces missions ne peuvent s'exercer que par une régulation d'un nouveau type.
Je vous souhaite bonne chance pour la suite car les lignes directrices sont difficiles à faire émerger. Nous serons présents pour vous éclairer sur l'esprit qui était celui du législateur lorsqu'il vous a confié ces nouvelles missions. Je ne doute pas que nous serons encore quelque temps à l'œuvre, de même que vous, pour protéger cette belle liberté d'expression et de communication.
Cette liberté repose sur une autre, plus que jamais menacée aujourd'hui, à savoir la liberté de conscience. En effet, les algorithmes nous enferment dans un confort d'autosatisfaction et d'autopersuasion. Il vous revient donc de nous aider à protéger cette liberté.
Je vous remercie.
La séance est levée à dix-neuf heures quinze.
Réunion du mardi 12 octobre 2021 à 17 heures 15
Présents. – Mme Géraldine Bannier, M. Philippe Berta, M. Bruno Bilde, M. Pascal Bois, M. Pierre-Yves Bournazel, Mme Céline Calvez, Mme Jacqueline Dubois, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Albane Gaillot, M. Jean-Jacques Gaultier, Mme Danièle Hérin, M. Régis Juanico, M. Yannick Kerlogot, Mme Brigitte Kuster, M. Michel Larive, M. Gaël Le Bohec, Mme Sophie Mette, Mme Frédérique Meunier, Mme Béatrice Piron, M. Frédéric Reiss, Mme Cécile Rilhac, M. Bruno Studer, M. Stéphane Testé, Mme Agnès Thill, Mme Michèle Victory, Mme Souad Zitouni
Excusés. - Mme Emmanuelle Anthoine, M. Bertrand Bouyx, M. Stéphane Claireaux, Mme Annie Genevard, Mme Karine Lebon, Mme Constance Le Grip, Mme Josette Manin, Mme Maud Petit