Intervention de Céline Calvez

Réunion du mardi 26 octobre 2021 à 21h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCéline Calvez, rapporteure pour avis :

Le budget relatif aux médias, en hausse de 2,4 %, porte encore par endroits les stigmates de la crise, dont les effets continuent de se faire sentir, mais il marque aussi clairement l'aboutissement de nombreuses réformes d'ampleur engagées par le Gouvernement et le Parlement au cours du quinquennat.

Les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles reflètent, en creux, la création de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), issue de la toute récente loi du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l'accès aux œuvres culturelles à l'ère numérique. La fusion, au 1er janvier 2022, du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) – dont les crédits sont donc transférés depuis la mission Médias, livre et industries culturelles vers programme 308 « Protection des droits et libertés » , permettra de rendre enfin concrètes les différentes propositions parlementaires, émanant notamment de notre commission, visant à doter la France d'un régulateur plus puissant et plus cohérent dans le domaine audiovisuel et numérique. Au total, l'ARCOM sera dotée de 46,6 millions d'euros, dont près de 1 million correspondant à des mesures nouvelles. Je me réjouis que cette nouvelle autorité de régulation ait, en 2022, les moyens de fonctionner et de remplir les nombreuses nouvelles missions que le Parlement lui a confiées après quatre années de travaux.

La mission Médias, livre et industries culturelles bénéficie en revanche du rapatriement d'une partie des crédits relatifs aux aides à la distribution de la presse, jusqu'alors inscrits au sein du programme 134. Ce transfert s'accompagne d'une réforme attendue de l'aide à la distribution de la presse dite « abonnée ». En créant un tarif unique pour l'ensemble des titres postés et en instaurant une aide à l'exemplaire posté et porté, le projet de loi de finances (PLF) pour 2022 permet enfin la mise en œuvre des propositions formulées par M. Emmanuel Giannesini. En effet, un changement de modèle était devenu indispensable pour permettre à La Poste de continuer à assurer sa mission de distribution de la presse sans baisser la qualité de ce service ni aggraver le déficit lié à cette activité. Au total, entre l'aide à l'exemplaire porté – 23 millions d'euros –, l'aide à l'exemplaire posté – 62 millions –, l'aide aux réseaux de portage – maintenue à 3 millions – et la compensation versée à La Poste – 16 millions – ce sont 105 millions d'euros qui permettront de soutenir la presse abonnée en 2022.

Plusieurs aides instaurées durant la crise sanitaire ont été pérennisées. Je pense notamment à l'aide au pluralisme des titres ultramarins, éminemment nécessaire compte tenu des difficultés particulières auxquelles ces derniers sont confrontés, ainsi qu'à l'aide au pluralisme des services de presse en ligne, qui ne peut qu'accompagner la recherche de nouveaux modèles économiques pour la presse. D'ailleurs, madame la ministre, cette aide pourrait-elle un jour être intégrée à l'aide au pluralisme des publications nationales d'information politique et générale, au lieu de constituer un guichet à part ?

Nous pouvons nous féliciter que plusieurs dispositifs d'aide, tels que le fonds stratégique pour le développement de la presse, aient fait l'objet d'adaptations attendues par le secteur. Néanmoins, nous regrettons qu'aucune réforme d'ampleur des aides à la presse n'ait été entreprise, en dépit des nombreux rapports remis au Gouvernement à ce sujet. Une telle refonte est-elle aujourd'hui envisagée ? Si oui, à quelle échéance ?

Le soutien de l'État passe également, dans le domaine culturel, par les crédits d'impôt. Ainsi, 60 millions sont prévus, en 2022, au titre du crédit d'impôt pour le premier abonnement à un journal, à une publication périodique ou à un service de presse en ligne d'information politique et générale. Compte tenu de la date tardive d'entrée en vigueur de ce dispositif, vous avez récemment annoncé, madame la ministre, qu'il pourrait être reconduit pour une année supplémentaire. Par quelles mesures de communication son déploiement pourrait-il être accompagné pour lui donner toute sa portée ?

Dans le domaine du livre, la hausse des crédits traduit essentiellement la mise en œuvre des projets immobiliers de la Bibliothèque nationale de France (BNF) et de la Bibliothèque publique d'information (BPI). Si les travaux du Quadrilatère Richelieu s'achèvent, ceux du nouveau centre de stockage de la BNF, qui doit également accueillir un conservatoire national de la presse, pourraient commencer à brève échéance. Je sais que l'appel à manifestation d'intérêt a été fructueux. Êtes-vous déjà en mesure, madame la ministre, de nous indiquer quelle collectivité sera retenue pour accueillir cet établissement ? Quant aux travaux de la BPI, ils ont été repoussés en raison des travaux dont le Centre Pompidou lui-même doit faire l'objet. Nous avons récemment appris que ces derniers, initialement prévus en 2023, attendront finalement la fin de l'année 2024, après les Jeux olympiques et paralympiques de Paris. Nous accueillons très favorablement cette nouvelle qui, au même titre que l'Olympiade culturelle, prouve une nouvelle fois le lien entre la culture et les Jeux.

On notera également que le Centre national du livre (CNL) bénéficie d'une mesure nouvelle de 1,7 million d'euros, ce qui n'est pas négligeable au regard de son budget. Cela répond à l'ambition affichée par le Président de la République, qui a fait de la lecture une grande cause nationale. Ces nouveaux crédits permettront au CNL d'assurer le développement des deux manifestations importantes que sont les Nuits de la lecture et Partir en livre, mais aussi de participer à la rémunération des auteurs de bandes dessinées présents lors de festivals – nous savons combien ces auteurs en particulier ont besoin de soutiens financiers.

Comme le CNL, le Centre national de la musique (CNM) et le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) doivent retrouver une trajectoire budgétaire normale après avoir été amenés à gérer d'importantes sommes issues des plans d'urgence et de relance. Les recettes devraient se normaliser, en espérant un retour de la fréquentation des salles de cinéma et de concert – le CNM et le CNC sont en effet en partie financés par des taxes affectées assises sur la billetterie –, et un retour du chiffre d'affaires publicitaire chez les éditeurs pour le CNC.

Il convient cependant de rester prudents, d'autant qu'une ressource du CNM manque encore à l'appel : celle issue des organismes de gestion collective, qui ont la faculté de financer le fonctionnement de cette maison commune de la musique. Du fait de la crise sanitaire et de quelques évolutions jurisprudentielles malheureuses, certains de ces organismes rechignent à contribuer au financement du CNM alors même qu'ils participent à son conseil d'administration. Or ces quelques millions d'euros sont importants, tant sur le plan financier que d'un point de vue symbolique. Madame la ministre, que pourrait-on faire pour que ces organismes soient pleinement embarqués dans le CNM à moyen terme ? Approuveriez-vous la création d'une nouvelle ressource assise sur le prix des abonnements aux plateformes musicales de streaming ? Une telle proposition pourrait-elle être défendue au niveau européen dans le cadre de la présidence française du Conseil de l'Union européenne ?

La seconde partie de mon avis budgétaire porte sur le compte de concours financiers Avances à l'audiovisuel public, dont les crédits suivent la trajectoire d'économies décidée par le Gouvernement en 2018, conformément aux contrats d'objectifs et de moyens signés cette année.

J'ai souhaité entendre les représentants des sociétés concernées dans le cadre d'une table ronde unique. Je leur ai notamment demandé leur point de vue sur la réforme de la contribution à l'audiovisuel public : leurs réponses étaient parfaitement cohérentes, vous vous en doutez ! Pour nourrir nos réflexions et les débats à venir, j'ai également souhaité apporter un éclairage européen sur cette question en recevant l'Union européenne de radio-télévision, dont le champ d'action dépasse d'ailleurs largement les frontières de l'Union européenne. On voit bien que le mode de financement des médias de service public entretient un lien relativement étroit avec la notion même de démocratie. J'ai proposé dans mon rapport quatre pistes de réforme, qui pourront sans doute être examinées dans le cadre de la mission confiée à l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) et à l'Inspection générale des finances (IGF) dont il a été question cet après-midi. En Finlande et en Suède, la redevance a été transformée en une taxe individuelle progressive en fonction du revenu. Une telle solution serait-elle possible en France, au vu de la structure de l'impôt sur le revenu ? Serait-elle bien acceptée socialement ?

Parce que les médias et les industries culturelles et créatives sont essentiels à notre démocratie et au rayonnement de notre culture, et parce que ce budget en hausse prend la mesure de ce que l'État doit y consacrer, je recommande à notre commission de donner un avis favorable aux crédits de cette mission.

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