Intervention de Roselyne Bachelot

Réunion du mardi 26 octobre 2021 à 21h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Roselyne Bachelot, ministre :

. Commençons par l'audiovisuel public. Je trouve touchant le soudain intérêt de ceux-là mêmes qui par le passé l'ont si souvent critiqué et stigmatisé. La trajectoire annoncée depuis le début du quinquennat traduit l'exigence d'une meilleure gestion. L'audiovisuel public y a parfaitement répondu par des réformes structurelles. Cela n'a pas empêché l'État d'être au rendez-vous lorsqu'il a fallu l'aider à surmonter la crise sanitaire. Dans le cadre du plan de relance, il est ainsi prévu de consacrer 45 millions à France Télévisions, 20 à Radio France, 5 à Arte, 2 à l'INA, ainsi que 500 000 euros à TV5 Monde et à France Médias Monde. Nous avons assumé notre engagement.

J'ai été étonnée du silence assourdissant qui a suivi les déclarations ahurissantes de Mme Marine Le Pen sur son projet de privatisation de l'audiovisuel public. J'ai sans doute été la seule à monter au créneau pour les juger totalement inconvenantes. J'ai également relevé les propos de certains candidats ou non-candidats à la présidence de la République décrivant l'audiovisuel public comme un repaire de gauchistes indignes de participer au débat public. J'attends que les uns et les autres fassent part de leurs commentaires.

Les réformes structurelles ont donc porté leurs fruits. Le Gouvernement est aux côtés d'un audiovisuel public de qualité – j'en suis une défenseure acharnée – qui, grâce aux crédits importants que la contribution à l'audiovisuel public permet de lui allouer, assume parfaitement ses missions. Cela devait être rappelé.

Madame la rapporteure pour avis, votre interrogation sur une fusion des aides à la presse est légitime. Quel que soit le secteur, toute nouvelle aide répond à un besoin conjoncturel et vient s'ajouter aux précédentes. Une refonte d'ensemble pour mettre fin à l'empilement actuel des aides à la presse est envisagée depuis plusieurs années, mais ses implications budgétaires, juridiques et économiques sont telles qu'elle ne pourra se faire que sur le moyen terme. Les propositions ne manquent pas – Mmes Géraldine Bannier et Virginie Duby-Muller ont apporté leur contribution à travers la mission flash relative aux aides à la presse régionale et locale. Ce vaste chantier n'est pas sans rappeler celui de la fusion des minima sociaux : tout le monde en parle mais dès qu'on y regarde de près, on s'aperçoit que c'est insoluble !

S'agissant du crédit d'impôt pour le premier abonnement à un journal, à une publication périodique ou à un service de presse en ligne d'information politique et générale, adopté en juillet 2020, il a été décidé de le prolonger d'un an, compte tenu de sa validation tardive par la Commission européenne. Encore faut-il que les entreprises s'en emparent. Lors du dîner des professionnels de la presse organisé par L'Humanité, j'ai exhorté ces derniers à faire la plus large promotion du dispositif auprès des lecteurs et des bénéficiaires potentiels.

L'aide au pluralisme des services de presse en ligne n'a pas été intégrée dans les autres aides au pluralisme, qui s'adressent principalement à la presse papier. Nous poserons en 2022 la première pierre d'une refonte de l'architecture générale du dispositif en intégrant les titres numériques dans les aides au pluralisme.

En ce qui concerne l'implantation du futur centre de conservation de la BNF, 80 dossiers ont été déposés par diverses collectivités territoriales. La BNF a déjà procédé à plusieurs sélections et visité plusieurs sites. Le nom du lieu retenu doit être annoncé prochainement. La décision appartient à la BNF et non au Gouvernement : il s'agit pour elle d'un outil de travail et c'est sa présidente Mme Laurence Engel qui fera connaître le choix final.

S'agissant de la réforme du transport postal de la presse, M. Emmanuel Giannesini avait proposé au terme de sa mission un scénario ambitieux fondé sur deux objectifs : la réduction des volumes de presse chaude qui sont encore postés, avec un transfert vers le portage, et la stabilisation des tarifs postaux. La réforme entrera en vigueur au 1er janvier 2022, sous réserve de l'approbation de la Commission européenne.

Les OGC sont déjà « embarqués » dans le CNM, puisqu'ils disposent de cinq sièges au conseil d'administration. Y sont représentés la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM), la Société civile pour l'administration des droits des artistes et musiciens interprètes (ADAMI), la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP), la Société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF), et la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes (SPEDIDAM). Nous avons conclu avec eux une convention prévoyant la reprise de leur contribution.

Madame la rapporteure spéciale, le Président de la République a annoncé, lors de ses vœux à la presse, la création d'une maison dédiée au dessin de presse. Une mission de préfiguration a été confiée à M. Vincent Monadé. Son rapport, rendu fin octobre 2020, comportait quelques lacunes. Il n'y était ainsi aucunement question de la sécurité de cette maison de la caricature et du dessin de presse, dont on peut pourtant penser qu'elle pourrait susciter quelque malveillance. Deux sites sont envisagés : une école du 6e arrondissement de Paris, qui a la faveur de Mme Maryse Wolinski mais peu d'appui du côté des collectivités territoriales, et un bâtiment industriel situé à Limoges, à proximité du salon international de la caricature, du dessin de presse et d'humour de Saint-Just-le-Martel, qui bénéficie d'un fort engagement de la région Nouvelle-Aquitaine et de l'appui de nombreux dessinateurs de presse et députés. Le choix, qui doit conjuguer attractivité culturelle et touristique de la ville d'accueil, qualité du partenariat avec les collectivités et sécurité du site et de ses utilisateurs, devrait intervenir prochainement. En signe de notre intérêt et de notre détermination, le programme 334 consacre 2 millions à ce projet.

J'en viens à la taxe sur le streaming. Le financement du CNM reposait initialement sur une combinaison simple : taxe affectée sur la billetterie des spectacles de variétés, dont l'assiette est constituée des recettes de billetterie, contribution des OGC de la filière et complément budgétaire de l'État montant en charge sur trois ans. L'effondrement des recettes consécutif à l'arrêt des spectacles a révélé la fragilité de cette maquette financière. En outre, l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne a reporté durablement la contribution des OGC au financement du CNM.

Dans ce contexte, toutes les solutions devaient être explorées pour renforcer la symétrie entre les acteurs du spectacle et ceux de la musique enregistrée. L'une d'entre elles serait la taxation des ventes de musique, notamment par abonnement, par parallélisme des formes avec la taxe sur les recettes de billetterie. Cette solution présenterait l'avantage de permettre une taxation de la filière par et pour elle-même, mais risquerait de déstabiliser le secteur de la musique enregistrée, qui a traversé une crise sévère au cours de laquelle sa valeur s'est effondrée de 65 % et qui n'a renoué avec la croissance que récemment, précisément grâce au streaming par abonnement. En outre, elle soulève de lourdes interrogations juridiques, notamment sur notre capacité à taxer les acteurs numériques internationaux pour la part de leur chiffre d'affaires réalisée en France. Il est trop tôt pour se prononcer, mais la solution retenue devra être la plus juste et la plus protectrice pour ceux qui bénéficient aujourd'hui des revenus du streaming.

S'agissant de l'évaluation des dispositifs de soutien mis en place, je ne nie pas que quelques indélicats aient pu profiter de l'un d'entre eux. Mais nous devions faire un choix : soit bâtir des machines technocratiques, avec tous les formulaires, démarches et justificatifs correspondants ; soit privilégier la souplesse et la rapidité d'intervention. C'est ce que nous avons fait – car certains étaient en train de crever ! Nous avons plutôt réussi. Nous avons accepté dès le départ qu'il y aurait un peu de coulage, mais il s'avère limité et nous sommes en train de faire ce qu'il faut pour récupérer les sommes indûment perçues. Réjouissons-nous de ce que l'État, si souvent taxé de technocratique et paperassier, ait ainsi réussi à sauver nombre d'acteurs de la culture : ces petits coulages, qui de surcroît ne mettent absolument pas en cause l'intégrité du dispositif, valaient la peine.

Je reviens aux indépendants et aux groupes de presse : la moitié des aides va à des entités spécialisées dans la presse, l'autre moitié à des entités incluses dans des ensembles plus vastes. Pour protéger le pluralisme, le législateur doit éviter la constitution de groupes transmédias dominants, sans pour autant empêcher un actionnaire possédant des activités hors presse d'investir dans la presse. Le principe d'égalité veut que tout titre d'information politique et générale soit éligible aux aides, sans considération de sa ligne politique ou de son actionnariat. Il est inexact de dire que les aides à la presse sont captées par les grands groupes industriels. Certaines aides sont plafonnées par groupe et, dans certains cas, réservées aux structures indépendantes des groupes. L'exigence est accrue pour les grands groupes : pour ceux ayant touché plus de 1 million d'aides par an en moyenne sur trois ans, des conventions‑cadres subordonnent l'aide à des bonnes pratiques, notamment en matière de responsabilité sociale et environnementale. Sur 38 éditeurs ayant vocation à entrer dans le dispositif, 23 ont déjà signé une convention-cadre.

Je suis très attachée à l'accès à la lecture des personnes handicapées. Conformément à la directive « accessibilité », les formats des livres numériques devront être accessibles dès 2022 aux personnes handicapées. Les éditeurs sont prêts pour les livres classiques ; les maquettes sont adaptées grâce à l'exception handicap au droit d'auteur. Nous lançons un portail pour commander les livres et les adapter plus rapidement.

L'égalité femmes-hommes est une priorité du ministère, qui a élaboré une feuille de route en la matière. Il nous faut améliorer l'égalité professionnelle dans tous les secteurs, favoriser un égal accès aux financements, encourager la visibilité des artistes et des créatrices, lutter contre les violences sexuelles et sexistes. Mais en même temps, nous devons préserver la liberté de création et de programmation. Plutôt que des budgets « genrés », le ministère promeut la parité dans les commissions d'attribution des aides – c'est le cas au CNC, au CNL, au CNAP (Centre national des arts plastiques) et au CNM. Et ça marche : 43 % des bénéficiaires des aides aux auteurs et traducteurs sont des femmes, comme 41 % des lauréats de l'avance sur recettes.

Mes services sont à votre disposition pour toute précision.

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