Intervention de Benoit Potterie

Réunion du lundi 7 février 2022 à 17h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBenoit Potterie :

Comme lors de la première lecture, le groupe Agir ensemble soutiendra avec vigueur cette proposition de loi, que nous avons cosignée. Les profondes transformations introduites par le Sénat ont rendu inéluctable l'échec de la CMP – ce que nous regrettons sincèrement. Mais la suppression du délit autonome et l'exclusion des adultes de la définition du harcèlement scolaire constituent des lignes rouges que notre groupe, tout comme le rapporteur, refuse de franchir. Nous proposerons leur rétablissement.

Il est en effet des drames individuels qui sont également collectifs, et qui nous poussent à agir de manière responsable. Le suicide de la jeune Dinah, qui a mis fin à ses jours le 5 octobre dernier à l'âge de 14 ans, en est un. Agressions physiques, insultes racistes, homophobes ou sexistes : la violence, qui autrefois cessait à 16 heures 30, franchit désormais la grille de l'école et se poursuit de plus belle, dans le confort de l'anonymat des réseaux sociaux. Dinah n'est malheureusement pas un cas isolé. Au moins dix-neuf élèves ont mis fin à leurs jours l'année dernière, sous la pression de leurs camarades harceleurs. Dinah est le triste visage d'un fléau qui toucherait entre 6 et 10 % des élèves, soit environ 700 000 à 1 million d'enfants. Aucune région, aucune ville, aucun établissement, aucune classe sociale n'est épargnée. Trop souvent pourtant la souffrance des victimes est rendue invisible et passée sous silence. L'isolement, la honte, la peur d'en parler à ses parents ou à ses professeurs sont autant de verrous qu'il faut briser pour que cesse enfin la loi du silence. Car tel est bien le véritable enjeu : libérer et mieux recueillir la parole des victimes. Pour le harcèlement scolaire, comme pour toutes les autres formes de violence qui gangrènent notre société, la logique est la même : la peur doit changer de camp.

Or il faut bien reconnaître que l'on a tardé à prendre conscience du phénomène et à bâtir une réelle politique publique de lutte contre les violences scolaires. Depuis 2017, nous avons agi pour faire évoluer la prévention des faits de harcèlement et la prise en charge des victimes dans la pratique quotidienne de la vie scolaire. Je pense bien sûr à l'inscription du droit à une scolarité sans harcèlement dans la loi pour une école de la confiance, votée en 2019, ainsi qu'à la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, dont notre collègue Laetitia Avia a été la rapporteure.

Mais en matière de harcèlement scolaire, comme dans bien d'autres domaines, beaucoup de leviers d'action relèvent du domaine réglementaire. D'où la généralisation du programme pHARe, à partir de la rentrée 2021. Il se traduira dans tous les établissements par la présence d'élèves ambassadeurs, vers lesquels les victimes ou les témoins pourront se tourner. Le groupe Agir ensemble se réjouit par ailleurs des récentes annonces du Président de la République, parmi lesquelles figure la création d'une nouvelle application pour signaler des faits de harcèlement. Cela faisait partie des mesures préconisées par Timothé Nadim, ancien élève harcelé qui a su relever la tête et qui milite désormais pour que les choses changent. Je tiens à saluer son engagement.

La proposition de loi qui nous est soumise permettra d'aller encore plus loin. Elle repose sur le triptyque suivant : prévention, accompagnement et protection. En première lecture, notre groupe avait précisé le contenu des mesures que devront prendre les établissements, pour insister sur l'amélioration de la prévention. De même – parce qu'au-delà des sanctions pénales la première réponse doit d'abord être éducative –, nous soutiendrons le rétablissement de l'article 6, supprimé par le Sénat, qui crée un stage de sensibilisation visant à responsabiliser les élèves harceleurs.

L'école doit rester un lieu d'émancipation par le savoir, mais aussi par l'apprentissage du civisme et de la citoyenneté. Ce texte y contribue et je veux remercier chaleureusement son rapporteur, Erwan Balanant, pour son engagement constant en faveur de la lutte contre les violences scolaires.

Le groupe Agir ensemble votera avec conviction en faveur de cette proposition de loi.

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