Non, monsieur Labille, la CMP n'a pas été bâclée. En réalité, j'avais déjà acté le désaccord entre l'Assemblée nationale et le Sénat, après de nombreux échanges téléphoniques, pendant le week-end, avec M. Paccaud pour essayer de trouver des solutions de compromis – ce qui était difficile, au vu des différences profondes entre nos deux textes. Nous avons conclu à un désaccord serein, dans la mesure où nous partageons la même envie de combattre le harcèlement scolaire. D'ailleurs, un certain nombre de propositions du Sénat sont de bonnes dispositions, que nous allons intégrer dans le texte.
La volonté du Sénat de juxtaposer la notion de cyberharcèlement à celle de harcèlement pose un vrai problème. Le cyberharcèlement n'est en effet qu'une modalité du harcèlement scolaire. Il serait très dangereux de distinguer ces deux notions, car cela laisserait croire qu'elles renvoient à deux choses différentes alors qu'il s'agit en réalité du même phénomène.
Madame Rubin, je veux bien que nous ne soyons pas d'accord mais j'ai du mal à entendre que ce texte n'a pas été préparé. Il résulte de trois années de travail. J'ai d'abord remis un rapport au Gouvernement, après avoir mené entre 200 et 300 auditions. Nous avons ensuite organisé de nombreuses auditions sur cette proposition de loi, auxquelles vous n'avez pas participé ; nous avons notamment entendu les responsables syndicaux, avec qui nous avons considéré qu'englober l'ensemble des acteurs de la communauté éducative dans les dispositions de ce texte n'était pas un problème, mais plutôt une solution. En voulant protéger les enfants contre tout type de harcèlement scolaire au sein même du système éducatif, nous ne stigmatisons personne. Nous ne visons pas l'institution – un enfant peut très bien être harcelé par un parent d'élève, comme j'ai pu le voir au cours de mes trois années de travail. C'est pourquoi nous avons adopté une définition large du harcèlement scolaire, qui est la plus protectrice possible.
Le Sénat a voulu faire du harcèlement une circonstance aggravante du délit pénal. Cela ne règle rien, et cela ne correspond pas à la fonction expressive du droit, qui consiste à définir clairement et précisément les interdits. Nous voulons donc rétablir la définition d'un délit spécifique dans le code pénal, qui donne des droits aux enfants. Comme l'a souligné la Défenseure des droits, cette démarche permettra de libérer la parole des enfants harcelés, qui sauront qu'ils sont dans leur bon droit lorsqu'ils dénoncent les faits dont ils sont victimes. Ce faisant, nous les protégerons.
Cette proposition de loi repose sur trois piliers. Le premier est évidemment la prévention du harcèlement scolaire. Le second est l'accompagnement des auteurs, des victimes et des témoins – ces derniers ont été ajoutés dans le dispositif par les sénateurs, qui ont eu une bonne idée. Le troisième est la protection des enfants tout au long de leur parcours éducatif, de la maternelle jusqu'à la vie universitaire.
Nous convenons tous qu'il faut avancer. Nous avons besoin d'outils juridiques nouveaux permettant de sécuriser les actions déjà menées, de les amplifier et, ce faisant, de mieux lutter contre le harcèlement scolaire.