Le contrat mondial de l'eau, tel que nous avons imaginé avec Mário Soares, ancien président de la République portugaise, propose quelques principes fondamentaux. Premièrement, l'eau est l'expression d'une civilisation qui se fonde sur la concrétisation du droit universel à la vie. L'eau doit être reconnue comme l'instrument de base du droit à la vie.
Deuxièmement, l'eau doit être considérée comme un bien commun public. Elle ne doit pas seulement être un bien commun, c'est-à-dire un bien d'intérêt général accessible à tous, mais un bien commun public, relevant de la responsabilité de la collectivité. Celle-ci doit assumer la gouvernance de l'eau, dans toutes ses dimensions. Elle ne peut pas déléguer à d'autres la responsabilité de garantir une bonne qualité de l'eau. Il s'agirait d'une trahison de nos sociétés organisées.
Enfin, le financement de l'eau doit être public. Les coûts liés à l'eau sont réels et considérables (sauvegarder la ressource et la qualité de l'eau, la rendre potable, la distribuer, etc.), mais ils relèvent de la responsabilité de la collectivité. Le financement par la fiscalité graduelle et progressive, est un système qui a très bien fonctionné à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, y compris en France. Grâce à ce système de taxation juste et redistributif, l'eau est financée par la collectivité. Or les processus de mainmise ont renversé ce principe, considérant que les utilisateurs de l'eau, qui deviennent alors des clients, doivent la financer. Dans une logique de consommation et dans une perspective individualiste et utilitariste, la responsabilité du financement a été déplacée, tout comme la responsabilité de la politique de l'eau.
Par conséquent, il convient aujourd'hui de mener un travail de déconstruction législative. Le rôle des parlements est fondamental, même si ceux-ci se trouvent en difficulté depuis 40 ans pour exercer leur rôle primaire de législateur, puisque les législateurs sont considérés comme des consommateurs et des porteurs d'intérêts. Les citoyens sont alors moins importants que les consommateurs et les porteurs d'intérêts. Il faut réinventer la res publica, y compris du point de vue de la capacité législative.
Le 28 juillet 2010, l'assemblée générale de l'ONU a adopté une résolution reconnaissant que l'eau est un droit universel, mais celle-ci n'est pas respectée. Il est rare désormais que nous fassions référence au droit. Il est davantage question de l'accès à l'eau, un accès équitable, plutôt que juste, à un prix abordable. Or l'équité n'est pas la justice.
Les dépenses militaires de nos pays sont financées par le budget public, donc par la fiscalité. Pourquoi la fiscalité pourrait-elle être utilisée pour financer l'armement, mais pas le droit à l'eau ?
La législation doit être modifiée, même si cela soulève un problème de rapport de force politique. De nombreuses propositions intéressantes ont été exprimées ces quarante dernières années, mais les rapports de forces politiques n'ont pas permis de les mettre en œuvre. J'appelle donc les parlements sensibles à certains principes républicains à essayer de récupérer leur capacité législative, afin de fixer les règles permettant de garantir le principe fondamental selon lequel l'eau est la source de la vie.
Les terrains d'expression sont nombreux, au-delà de la législation relative aux produits chimiques et aux exigences environnementales. En effet, nous avons pris conscience de nouveaux droits, à savoir les droits de la nature, un vaste champ que l'ingéniosité et l'innovation humaine et sociale pourraient investir. Reconnaître les droits de la nature revient à reconnaître le droit des humains à la vie.