Intervention de Pedro Arrojo-Agudo

Réunion du jeudi 11 mars 2021 à 10h00
Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Pedro Arrojo-Agudo, rapporteur spécial sur les droits de l'Homme à l'eau potable et à l'assainissement du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU, ancien député espagnol :

Je suis préoccupé par l'idée que l'eau puisse entrer sur les marchés à terme de Wall Street, même si cela ne concerne que la Californie, car cet espace est le plus propice aux stratégies de spéculation. Il ne s'agit pas de débattre de la rationalité du marché et de l'utilité de cette disposition du point de vue de l'intérêt général. Il est question de la rationalité de la spéculation financière, un système dans lequel des agents intermédiaires extrêmement puissants élaborent des stratégies pour faire monter les prix auxquels vendre des droits.

Lorsque la bulle financière a éclaté en 2008 et que les grandes banques ont reçu des milliards d'euros et de dollars, les spéculateurs ont investi les marchés à terme des produits alimentaires les plus basiques. Les investissements ont alors été massifs (350 milliards de dollars), ce qui a eu pour conséquence de multiplier le prix du blé par cinq. Les Nations unies ont estimé qu'en une année à peine, le nombre de personnes en situation de famine s'est accru de 250 millions.

Le danger est réel. Ce n'est pas la logique du marché, c'est-à-dire de la libre concurrence, qui est en cause, mais celle de la spéculation et de la valorisation de l'eau sous forme de prix. Or l'eau est, selon moi, l'âme bleue de la vie.

Je suis d'accord avec le rapport de M. Léo Heller, qui a mis en évidence un certain nombre de risques, tout en restant prudent et en entretenant un dialogue ouvert. Il a mis en garde contre les risques liés à l'intervention des intérêts privés, sur la base de retours d'expérience, et a fait état des débats qui ont cours dans les sociétés du monde entier. J'ai ouvert ce même débat devant les opérateurs privés et je continuerai à développer ce dialogue. La question n'est pas seulement idéologique. Il s'agit d'un débat dont l'approche est celle des droits humains. La logique consistant à maximiser les bénéfices entre en confrontation avec les principes des droits humains. Par la suite, nous pourrions discuter de la manière dont il est possible, par la régulation, de rapprocher la logique de marché de l'intérêt général.

En octobre prochain, mon premier rapport devant l'assemblée générale des Nations unies sera centré sur les risques liés à la marchandisation de l'eau. Je ferai évidemment référence à l'entrée de l'eau sur les marchés à terme de Wall Street.

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