Le droit de l'eau correspond à la législation sur l'eau. Il ne doit pas être confondu avec les droits d'eau, qui sont généralement fondés en titre et antérieurs à la Révolution française. Il s'agit du seul privilège féodal ayant été maintenu après la Révolution.
Il convient de distinguer les droits d'eau qui consomment de l'eau et ceux qui n'en consomment pas. Le droit d'eau ne consomme pas d'eau lorsqu'il consiste à gérer le passage de l'eau dans des biefs ou des vannes, pour l'usage des moulins. Les moulins se contentent d'utiliser la force motrice de l'eau.
En revanche, les droits d'eau d'irrigation consomment de l'eau. Or les droits d'eau fondés en titre en termes d'irrigation sont issus des communautés paysannes et villageoises antérieures à la Révolution française. Il s'agit donc de droits d'eau collectifs. Il en existe beaucoup dans le Sud-Est de la France, où il existait une tradition écrite des droits d'eau, ce qui explique qu'ils se soient perpétués jusqu'à aujourd'hui et qu'ils soient encore reconnus par les cours d'appel. La surface des périmètres irrigués communautaires a néanmoins diminué.
En ce qui concerne l'irrigation du maïs, l'administration n'octroie pas des droits d'eau, mais des autorisations et des dérogations. Autrement dit, elle accorde la possibilité de contourner la législation en matière de pompage ou de détournement des eaux de surface. Le fait de consommer de la ressource souterraine ou de surface par autorisation et dérogation est une réalité majeure en France, en particulier dans le Sud-Ouest. Il ne s'agit pas de droits d'eau reconnus, fondés en titre.
L'enjeu de mutation intellectuelle concerne non seulement l'état d'esprit vis-à-vis de la nature, mais aussi les questions institutionnelles. Trois principaux paradigmes permettent de gérer l'eau dans le monde, à savoir la centralisation de la gestion de l'eau, sa décentralisation et sa délégation.
La gestion de l'eau est déléguée en matière d'eau potable et d'assainissement lorsque les collectivités délèguent leur mission de service public à des opérateurs privés. Cette situation est très fréquente.
Lorsqu'elle est centralisée, la gestion de l'eau revient à l'État ou à des structures d'état, concentrées ou déconcentrées. En France, les agences de l'eau sont l'exemple même d'une gestion décentralisée. La France compte six agences de l'eau, pour cinq grands bassins. Le nombre d'agences est lié à l'existence de trois grands corps d'ingénieurs – ingénieurs des eaux et forêts, ingénieurs des ponts et chaussées, ingénieurs des mines – lesquels devaient se partager le pouvoir s'agissant de l'eau. L'agence de l'eau Artois-Picardie a donc été créée, pour équilibrer la représentation des trois corps d'ingénieurs.
Les agences de l'eau se trouvent aujourd'hui dans une impasse, à cause d'un déséquilibre des représentations au sein de leurs conseils d'administration et des comités de bassin. En effet, 90 % des fonds des agences de l'eau proviennent des factures d'eau et d'assainissement, donc des usagers domestiques de l'eau, mais ceux-ci sont sous-représentés dans les comités de bassin. Une réforme majeure est aujourd'hui nécessaire, pour corriger l'asymétrie de pouvoirs liée au fait que des lobbies professionnels (industriels ou agricoles) sont représentés dans différents collèges, au détriment des usagers de l'eau et des associations de protection de la nature et de l'environnement. Le système décentralisé de gestion de l'eau, incarné par les agences de l'eau, doit faire l'objet d'une révolution intellectuelle. Un changement institutionnel important doit être opéré, de façon à rééquilibrer les pouvoirs.