Intervention de Simon Burner

Réunion du jeudi 11 mars 2021 à 11h00
Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Simon Burner, directeur de European Rivers Network France – SOS Loire vivante :

Il est vrai que les droits d'eau liés aux moulins ou à l'hydroélectricité ne consomment pas d'eau en tant que telle, mais ils ont des conséquences en termes de fragmentation des rivières et de qualité des eaux. Certes, cette source d'énergie est renouvelable, mais elle n'est pas nécessairement verte pour autant. Or je pense que la plupart des citoyens assimilent l'énergie renouvelable à une énergie nécessairement vertueuse vis-à-vis de la nature. La petite hydroélectricité a des conséquences importantes sur les milieux, car le cours d'eau se trouve haché et l'eau a tendance à se réchauffer.

Il est possible de pomper de l'eau dans les rivières sans autorisation, sous réserve de ne pas prélever plus de 1 000 mètres cubes par jour ou de ne pas avoir un impact de plus de 2 ou 5 % sur le débit. Toutefois, l'effet cumulatif n'est jamais considéré. Autrement dit, une multitude de pompages peuvent se succéder sur certains cours d'eau, sans que personne n'ait une idée précise des volumes prélevés dans la rivière. Il est primordial d'agir sur cette problématique.

Les pompages domestiques posent un problème similaire. Une simple déclaration en mairie suffit pour installer un pompage domestique, mais celle-ci n'est pas faite, la plupart du temps. Nous n'avons donc aucune idée des volumes réellement pompés dans les masses d'eau. En Auvergne, nous connaissons ce problème au niveau de la masse d'eau du Devès. Nous constatons des pollutions clandestines, dont nous ne connaissons pas l'origine, mais il est probable que les pompages domestiques soient en cause.

En ce qui concerne la gouvernance, la France est exemplaire avec ses comités de bassins et ses schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE). Il faut cependant réformer cette gouvernance, car la place des citoyens y est insuffisante. L'existence de parlements de l'eau doit néanmoins être saluée. De nombreux pays nous les envient. Toutefois, si la décentralisation permet de redonner du pouvoir aux territoires, elle provoque aussi une perte de cohérence. Il arrive ainsi que les différents schémas d'aménagement et de gestion de l'eau (SAGE) d'un même bassin soient élaborés sans consultation réciproque, au point qu'ils sont parfois en contradiction les uns avec les autres.

De façon générale, des autorisations sont accordées sans considérer l'impact du changement climatique ni l'effet cumulatif. Nous assistons aujourd'hui à une vague de projets de petite hydroélectricité, y compris sur des rivières classées en liste 1, qui ne sont pas supposées recevoir ce type d'équipement, et sur les axes de migrateurs. Ainsi, il existe plusieurs projets de centrales hydroélectriques sur l'axe Loire-Allier, notamment à Vichy, alors que cet axe est fréquenté par les saumons. D'un côté, la France investit pour rétablir la continuité écologique, mais de l'autre, elle laisse s'installer des microcentrales hydroélectriques. La situation est incompréhensible pour les citoyens. Il semble difficile de définir des priorités.

Aujourd'hui, l'état d'urgence climatique pourrait être décrété. Nous sommes contraints de gérer l'inévitable. Des actions structurelles doivent être menées. L'hydroélectricité est une activité économique sous perfusion, puisqu'elle repose sur des tarifs de rachat et d'autres avantages qui en font un investissement rentable. Or la petite hydroélectricité contribue à détruire des rivières, notamment en tête de bassin, pour ne produire que quelques kilowatts-heure. Alors que l'apport à la transition énergétique est minime, la biodiversité et les cours d'eau se trouvent détruits. Voilà qui est aberrant, d'autant que la loi affirme que la transition énergétique ne passera pas par l'hydroélectricité. La menace d'accaparement de l'eau à des fins économiques est réelle.

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