Intervention de Alain Chosson

Réunion du jeudi 18 mars 2021 à 11h40
Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Alain Chosson, membre du bureau national de la Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie (CLCV) :

Je suis membre du bureau environnement de la CLCV et je coordonne les réseaux « eau – assainissement collectif et non collectif ».

De manière générale, nous privilégions la gestion en régie. Cependant, il ne suffit pas d'avoir un statut de régie pour être vertueux. Un travail poussé sur la gouvernance de la régie et sur la façon dont les usagers sont informés, associés et consultés est nécessaire. En effet, les représentants de consommateurs sont encore très peu nombreux à siéger dans les conseils d'exploitation. De plus, les commissions consultatives des services publics locaux ne sont toujours pas généralisées dans l'ensemble des territoires. Quand ces commissions consultatives existent, nos demandes d'un budget de fonctionnement se heurtent systématiquement à un refus. Un budget de fonctionnement permettrait pourtant aux représentants des usagers comme aux élus d'accéder à une tierce expertise technique, économique ou juridique.

Il est souvent question de privatisation de l'eau dès lors qu'une délégation de service public (DSP) est en place, mais telle n'est pas notre approche. La DSP peut être un mode de gestion, à condition qu'un certain nombre de critères soient respectés. Il s'agit toujours d'un service public de l'eau.

Certains contrats de délégation de service public ont été conclus de façon déséquilibrée, par des collectivités qui ne disposaient pas de moyens techniques ou juridiques suffisants pour discuter d'égal à égal avec les délégataires.

Quand un consommateur reçoit une facture de la part d'un délégataire, seul le délégataire est identifié. Le service public pour lequel il assure une mission de gestion n'est jamais mentionné. Pourtant, nous considérons qu'un délégataire assure une prestation de service. Il n'est pas co-décideur du service public de l'eau.

Ces entreprises, aussi compétentes soient-elles, ont tendance à exercer un lobbying en faveur du droit à couper l'eau et à imposer des structures tarifaires qui ne sont pas vertueuses, avec une partie fixe importante. Pourtant, les collectivités, en tant qu'autorités concédantes, sont supposées être responsables de leur délégataire. Le délégataire ne doit pas imposer ses lois à l'autorité concédante. L'autorité publique montre là une faiblesse.

Dans les départements d'outre-mer (DOM), la situation est catastrophique, et ce depuis des décennies. Nos équipes locales sonnent régulièrement l'alerte au sujet de l'accès à la ressource et de la qualité de l'eau. Nous avons constaté des carences très importantes de la puissance publique, qu'il s'agisse des collectivités locales ou des services de l'État, qui n'exercent pas suffisamment les contrôles de légalité. Par ailleurs, les comités de bassin n'accueillent qu'un seul représentant des consommateurs.

Nous avons beaucoup travaillé avec nos homologues de Consumers International, la fédération mondiale des associations de protection des consommateurs, et notamment avec les représentants africains. Ceux-ci nous ont alertés au sujet de pays dont les pouvoirs publics sont faibles et où l'opinion publique est laissée sans moyen d'expression. Le modèle français que certains cherchent à exporter, quelles que soient les conditions, correspond à une privatisation pure et dure de la ressource en eau. En accord avec nos collègues issus d'organisations de consommateurs africaines, nous avons conditionné l'aide au développement, qui peut être octroyée par les services de l'eau ou les agences de l'eau, au fait que, d'une part, les projets soumis soient élaborés en concertation avec les populations locales qui en seront destinataires et, que, d'autre part, un débat sur les projets en question se tienne au sein de la commission consultative des services publics locaux ou du comité de bassin de l'agence de l'eau. Nous pourrons ainsi empêcher des dérives dramatiques ou bien éviter, par exemple, de financer des projets d'adduction d'eau, sans que l'assainissement soit prévu, ce qui peut avoir de graves conséquences, notamment en termes de santé publique.

Nous préférons parler de politique sociale de l'eau plutôt que de tarification sociale. Depuis longtemps, l'assistanat est la règle. Or nous considérons que la citoyenneté et la dignité passent par le droit commun. Les conditions d'accès à l'eau et les structures tarifaires doivent permettre à tous d'accéder à l'eau dans des conditions abordables, sans qu'il soit nécessaire de justifier de sa situation économique et sociale. La loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques le permet. Nous n'avons d'ailleurs pas compris pourquoi il était nécessaire d'expérimenter la tarification sociale, étant donné que la loi permet une tarification vertueuse, qui passe par la suppression des parts fixes et de frais annexes tels que des frais d'accès au service, et une tarification progressive qui prend en compte la composition des ménages. Ces solutions ne résoudront pas toutes les difficultés. Certains ménages auront toujours du mal à accéder à l'eau, mais si une tarification vertueuse est appliquée, le nombre de personnes à aider sera très inférieur à ce qu'il est aujourd'hui. En effet, en moyenne, les aides distribuées aujourd'hui correspondent à la moyenne du montant des abonnements et des parts fixes.

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